La norme : un outil de diffusion de l’innovation

Les principes fondamentaux de consensus, cohérence, qualité, transparence, font aujourd’hui de la norme, une référence reconn

La normalisation

La dynamique économique a toujours été poussée par la volonté de réalisations d’économies qui peuvent être des économies d’échelle permises par la production de masse, des économies de gamme liées à la diversification de la production ou des économies de réseau associées à l’accroissement du nombre des adoptants d’une technologie donnée. La normalisation, processus d’élaboration d’un système de référence permettant une évaluation objective des produits ou services, est un outil essentiel pour réaliser ces économies.

Enjeu majeur pour la collectivité, la normalisation constitue un outil de dialogue entre les différents acteurs économiques. Ceux-ci définissent en commun un vocabulaire, des dimensions, des caractéristiques, des méthodes d’essai, des règles diverses, qui facilitent les échanges, l’interchangeabilité des produits ou leur compatibilité, leur inter-opérabilité et la standardisation, c’est à dire la réduction de la variété, source d’économies d’échelle.

Tous les acteurs économiques et les représentants de la société civile intéressés sont associés dans le processus normatif ; ils peuvent participer aux travaux des commissions de normalisation des bureaux de normalisation composant le système français de normalisation. C’est au sein d’une commission française que s’échangent les différents points de vue et se construit le consensus national. La commission française est le point d’entrée aux travaux européens ou internationaux, puisque c’est elle qui désigne les experts français, membres des délégations françaises au niveau international ISO ou européen CEN. Le champ d’action de la normalisation s’inscrit effectivement aujourd’hui dans un cadre mondial

Les principes fondamentaux de consensus, cohérence, qualité, transparence, font aujourd’hui de la norme, une référence reconnue.

L’Association Française de Normalisation (AFNOR), pilote et animateur du système français de normalisation, coordonne les actions de 22 bureaux de normalisation sectoriels (BN) et publie les normes élaborées au sein de ces bureaux. Chaque BN, dans son domaine de compétence, anime unréseau d’experts représentant les partenaires socio économiques (fabricants, utilisateurs, pouvoirs publics, consommateurs, centres de compétence, …) intéressés par l’élaboration des normes ; ceux-ci apportent en effet le fond technique nécessaire aux documents normatifs et représentent les utilisateurs finaux des documents normatifs.

L’UNM est le bureau de normalisation du secteur mécanique et caoutchouc, travaillant par délégation d’AFNOR.

Facteur de qualité, de sécurité et plus généralement de confiance, la norme permet de réduire les entraves techniques aux échanges, d’optimiser les relations clients / fournisseurs, de simplifier la rédaction des cahiers des charges techniques, de maîtriser les caractéristiques techniques des produits. Elle établit un compromis à un moment donné entre état de la technique et contraintes économiques.

De nombreux industriels ont bien compris que la normalisation peut vraiment constituer une arme économique. Les normes servent à tous, mais ceux qui prennent l’initiative de participer à leur élaboration, bénéficient  » d’un plus  » à intégrer dans leur savoir faire et leur politique d’entreprise. La participation aux travaux de normalisation permet au fabricant de faciliter l’insertion des innovations sur le marché, d’anticiper donc de faire évoluer ses produits, d’introduire des solutions adaptées à la compétence de son entreprise, de se donner de nouvelles armes dans la concurrence économique.


L’innovation

L’innovation, la capacité à proposer de nouveaux produits ou services, à s’adapter aux nouvelles attentes du marché sont essentielles pour la compétitivité des entreprises, et par là même, pour l’industrie française. L’innovation, transformation d’idées nouvelles en objets économiques, est directement liée au marché et n’a de sens, en comparaison à la simple découverte, que si elle génère de la valeur économique.

L’entreprise qui innove doit se soucier de la protection et de la diffusion de ses innovations. L’expérience montre que la voie à retenir dépend essentiellement de la nature des marchés sur lesquels les produits innovants sont proposés. Si le nouveau produit constitue une innovation incrémentale, apportant une amélioration plus ou moins substantielle par rapport aux produits concurrents, l’entreprise innovante aura certainement intérêt à protéger son innovation, c’est-à-dire son avantage par rapport à la concurrence, tout en cherchant éventuellement à introduire les nouveaux concepts dans les normes afin de pousser la concurrence à évoluer. Elle pourra avoir recours aux techniques habituelles de protection de l’innovation (brevet, …).

En revanche, si le marché est totalement nouveau ou doit être considérablement consolidé, la stratégie peut plutôt préférer un outil donnant confiance aux utilisateurs, aux consommateurs, créant des conditions favorables à l’acceptation de l’innovation, en vue d’élargir le plus largement possible son marché.


La norme : outil de diffusion de l’innovation

Innovation et normalisation sont souvent opposées dans l’esprit du public et des chefs d’entreprise, selon l’idée qu’une innovation est destinée à rester la propriété privée de son inventeur, alors que la norme, œuvre collective, est la propriété de tous. En fait, normalisation et Propriété Intellectuelle sont deux outils complémentaires. L’utilisation de l’un ou de l’autre dépend de la nature et de la maturité des marchés.

En favorisant l’interopérabilité et la compatibilité des équipements entre eux et permettant ainsi l’élargissement des marchés, la réduction des variétés et donc la réduction des coûts de production, la normalisation peut contribuer significativement à la diffusion de l’innovation. Une entreprise intégrant ses propres innovations dans les normes en participant à leur développement, facilite l’accès au marché de ses produits.

La normalisation rassure et donne confiance aux acteurs de la société civile : elle permet notamment aux nouveaux produits et services d’acquérir la confiance des utilisateurs et des consommateurs, facteur sans lequel l’innovation pourrait longtemps rester inacceptable.

En outre, la normalisation peut être utilisée en amont du processus d’innovation, de recherche et de développement : en favorisant la capitalisation des connaissances interdisciplinaires, la diffusion des connaissances de la recherche et du développement, elle peut faciliter le processus d’innovation technologique. Utilisée comme un outil de veille et d’intelligence économique, la normalisation permet aux représentants des entreprises impliquées de détecter les signaux véhiculés par toute évolution demandée par leurs concurrents ou d’autres pays dans les spécifications de produits ou de services. Elle permet donc d’orienter les choix techniques au niveau de la recherche, d’anticiper les futures règles du marché, mais également d’imaginer de nouveaux concepts.

Enfin, la normalisation internationale permet la diffusion rapide des innovations dans le cadre des échanges commerciaux internationaux. L’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) reconnaît en effet l’importance de la contribution des normes internationales et des systèmes d’évaluation de la conformité dans l’amélioration de l’efficacité de la production et la facilitation du commerce international. La normalisation internationale permet, en évitant la prolifération de standards nationaux, de réduire les coûts des transactions voire de certification.

A noter que contrairement à une idée répandue, les normes n’impliquent pas la collectivisation des inventions et n’empêchent pas la propriété intellectuelle. La norme est formulée le plus souvent en termes de résultats à atteindre, pas en termes de solution technique. Elle porte généralement sur l’interopérabilité et les interfaces, sans décrire techniquement la solution déployée. Une norme peut donc passer par l’utilisation d’un brevet, moyennant l’accord par le titulaire de licences dans des conditions raisonnables et équitables.


Conclusions

Outil d’intelligence économique, de veille technologique et vecteur de diffusion des innovations, la normalisation est au service de l’innovation pour rendre les entreprises françaises plus compétitives et acquérir des positions dominantes sur les marchés internationaux.

Certaines questions, notamment sur la façon de renforcer les liens entre innovation, recherche et normalisation, demeurent cependant en suspens.

  • Comment intégrer la normalisation, à l’instar des brevets, dans les stratégies de recherche et d’innovation pour améliorer leurs chances de succès ?
  • Comment intégrer l’idée auprès des acteurs de l’innovation (chefs d’entreprises, laboratoires de recherche;…), que la normalisation doit être envisagée le plus tôt possible dans le processus d’innovation ?
  • Comment valoriser les chercheurs qui participent à des travaux normatifs (reconnaissance dans leur carrière au même titre que des publications scientifiques) ?
  • Comment motiver les pôles de compétitivité, outil de renforcement de la compétitivité de l’Industrie française, à utiliser la normalisation comme outil de diffusion de leurs innovations. Une rubrique sur ce thème dans les évaluations des activités des pôles serait incontestablement source de motivation…

Philippe Contet

Ingénieur, 3e cycle universitaire / thèse en sciences physiques, Philippe CONTET est, depuis 2001, Directeur Général de l’Union de Normalisation de la Mécanique, bureau de...

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