Économie circulaire, économie linéaire

En renforçant l’ancrage des entreprises dans le territoire, l’économie circulaire représente un formidable outil « anti-délocalisation ». Elle dessine les contours d’une industrie réinventée.

Dans l’ouvrage « L’Industrie, notre avenir », Pascal Hardy invite les entreprises à réinventer leurs modèles industriels.

Extrait de « L’économie circulaire contre la raréfaction des ressources ».

L’économie circulaire recouvre un ensemble de dispositions visant à accroître drastiquement la productivité des ressources utilisées par les industries. Elle s’oppose à l’économie linéaire, dans laquelle s’inscrit l’essentiel de l’activité économique actuelle, qui mobilise massivement des ressources laissées ensuite en chemin ou perdues en fin de vie des produits. Comme le montre une étude de Green Alliance, 81 % de l’économie du Royaume-Uni est aujourd’hui de type linéaire (voir illustration ). Il y a tout lieu de penser que le pourcentage est similaire pour la France.

Source: think tank anglais GreenAlliance

Comme l’a démontré le Wuppertal Institute1, la production d’un simple verre de jus d’orange du type le plus vendu en Europe (jus reconstitué à base de concentré importé du Brésil) nécessite 26 verres d’autres ressources, dont ½ verre de pétrole et 22 d’eau, sans même compter les ressources nécessaires au conditionnement et à la distribution. De même, la fabrication d’une voiture grand public bas de gamme va demander près de 120 000 litres d’eau, parmi des centaines d’autres ressources consommées qui ne se retrouvent pas dans le produit fini. Plus un objet fabriqué est complexe, plus sa production consomme de ressources : un ordinateur portable de 1,5 kg va « contenir » à lui seul 2,3 barils de pétrole, 1 300 kg de minerais et matières premières diverses, 22 kg de produits chimiques transformés et 1 500 litres d’eau.

Toutes ces ressources que l’on ne retrouve pas dans le produit fini constituent un enjeu économique et environnemental majeur. La notion d’économie circulaire va donc bien au-delà de la notion de recyclage. Elle se focalise sur l’utilisation optimale des ressources et va prendre en compte l’ensemble des ressources disponibles dans « l’écosystème » d’une entreprise, s’inspirant en cela des systèmes naturels (voir encadré). Elle s’intéresse à la transformation en ressources des sous-produits ou déchets d’autres activités (par exemple, des chutes de découpe de plastique), des ressources non utilisées, (par exemple, la chaleur dissipée dans l’atmosphère ou l’eau de pluie) ou partageables (par exemple, un entrepôt partiellement utilisé). Vu sous cet angle, il n’existe pas de déchets, il n’y a que des ressources peu ou mal utilisées, ce qui constitue un complet changement de paradigme pour nombre d’entreprises et de territoires. N’augmenter que la part des déchets recyclés ne contribue pas nécessairement à l’économie circulaire, l’enjeu principal étant l’utilisation optimale des ressources.

Les principales pratiques de l’économie circulaire

On peut regrouper les pratiques d’économie circulaire en trois finalités.

  • La réutilisation de ressources : réutilisation directe de sous-produits ou de déchets (communément appelée écologie industrielle et territoriale, EIT), le recyclage (retour à la matière initiale), l’upcycling2, l’upgrading3, et le remanufacturing4.
  • La captation et l’utilisation de ressources inutilisées : chaleur fatale, eau de pluie, biomasse, etc.
  • la mutualisation de ressources (partage de biens ou de services) et la délivrance de services d’économie de la fonctionnalité5.

Les approches intersectorielles permettent en effet de tirer le meilleur parti de chaque ressource. Elles organisent des flux directs entre « donneurs » et « preneurs », sans nécessairement passer par des acteurs intermédiaires qui auraient pour vocation de traiter et de revendre ces flux. Un projet d’écologie industrielle et territoriale, par exemple, reposera sur le bouclage des flux de matières et d’énergies entre entreprises d’un même territoire. Les déchets et sous-produits d’une activité deviendront des matières premières pour d’autres, et les énergies aujourd’hui perdues ou non captées seront utilisées à la place de combustibles fossiles.L’économie circulaire peut être pratiquée à l’échelle de plusieurs entreprises, d’un territoire ou d’une région, mais toujours de manière intersectorielle.


[1] wupperinst.org
[2] Upcycling, ou en français « upcyclage », est un terme désignant l’action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les revaloriser. On recycle donc « vers le haut », en produisant des objets dont la qualité est supérieure au matériau d’origine. Le terme a été attribué au concept dans le milieu des années 1990 par Reiner Pilz. Il a ensuite été repris par William McDonough et Michael Braungart dans leur ouvrage Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, Vintage, 2009 (traduction française : Cradle to cradle : Créer et recycler à l’infini, Editions Alternatives, 2011).
[3] L’upgrading consiste à entretenir et faire monter de version un produit pour lui faire bénéficier de fonctionnalités plus avancées que lors de sa conception initiale. L’upgrading nécessite une conception modulaire des produits.
[4]Le remanufacturing est une pratique qui a pour objet de démonter des produits usagés, de les nettoyer et les contrôler, et de les réassembler pour une réutilisation, avec des garanties parfois identiques à celles de produits neufs.
[5] L’économie de la fonctionnalité est une forme d’économie collaborative qui vise à substituer à la vente d’un bien la vente d’un service ou d’une solution intégrée remplissant les mêmes fonctions que le bien, voire des fonctions élargies, tout en consommant moins de ressources et d’énergie : par exemple, offrir un service industriel tarifé au nombre de voitures peintes plutôt qu’à la quantité de peinture vendue.

La Fabrique

La Fabrique de l’industrie est une plateforme de réflexion, créé en 2011, consacrée aux perspectives de l’industrie en France et à l’international. Nous travaillons sur les...

Lire la bio de l'auteur
Devenez contributeurs !

Vous avez des choses à dire sur l’industrie d’aujourd’hui (ou de demain) ? Pour réagir à nos travaux ou nous proposer les vôtres, écrivez-nous !

Devenir contributeur
Partager
Imprimer
Pour réagir