L’industrie racontée à mes ados … qui s’en fichent

De l’internet des objets à l’impression 3D, en passant par l’intelligence artificielle et la transition énergétique, l’industrie du futur est en marche. Pourtant, les idées reçues persistent et nombreux sont ceux qui conservent de l’industrie une image dépassée, souvent proche de la caricature. Industrielle, citoyenne et mère, j’ai voulu démonter les clichés les plus répandus et témoigner, avec humour, sur la réalité de l’industrie d’aujourd’hui, sans en occulter les difficultés.

Pourquoi ce livre ?

Ce que l’on entend sur l’industrie reste trop souvent proche de la caricature même si, grâce aux nouvelles technologies, son image auprès des jeunes s’est améliorée récemment. Le sujet est peu ou pas abordé à l’école ; les médias parlent surtout de la fermeture des sites et de la disparition des emplois industriels, et les organisations patronales et syndicales ont souvent un discours public trop figé autour de postures idéologiques. En conséquence, quand j’entends les jeunes autour de moi parler d’industrie ou quand je lis des enquêtes sur le sujet, je m’aperçois qu’ils n’en ont pas de représentation (elle est « hors champ »), ou qu’ils en ont une image totalement caricaturale datant de Zola ou de Charlie Chaplin… Tout cela est tellement éloigné de la réalité qu’il me paraissait nécessaire de donner une représentation plus honnête de l’industrie contemporaine, sans occulter ses difficultés ou ses contradictions mais en insistant sur ce qui a changé en vingt ans.

J’ai écrit en pensant à des lycéens, parce que l’objectif principal est que nos jeunes générations aient une image plus juste et moins de préjugés sur l’industrie que les précédentes. Je me suis donc efforcée de trouver un langage et une « mise en scène » qui soient accessibles et compréhensibles par eux. Mais je m’adresse évidemment à tous : ceux que l’industrie intéresse comme ceux qui la contestent ou la critiquent.

Je n’ai pas voulu faire un énième plaidoyer « pro » industrie, mais expliquer et montrer. Expliquer pourquoi l’industrie est importante pour notre pays. Montrer la diversité des secteurs, la diversité des métiers, les nouvelles compétences et le fort niveau de qualification requis. J’ai l’espoir qu’une meilleure compréhension des enjeux puisse contribuer au moins à créer un climat d’ouverture, d’intérêt, voire pourquoi pas de bienveillance, vis-à-vis de ce secteur d’activités assez largement méconnu.

Pourquoi l’industrie est importante ?

L’industrie est importante parce que le modèle de la société post-industrielle, tel qu’on l’imaginait dans nos pays développés dans les années 90, a montré ses limites. Le monde n’est pas divisé entre les pays qui produisent et ceux qui « pensent », conçoivent et créent. Les trois quarts de nos exportations demeurent des biens industriels et le potentiel d’exportation des services s’est révélé bien moindre qu’espéré. Comme nous continuons d’importer la plupart de nos matières premières et beaucoup de biens manufacturés, notre balance commerciale est devenue déficitaire, faute de performance à l’export, et nous nous endettons régulièrement pour l’équilibrer.

Mais surtout, l’industrie c’est l’innovation ! L’industrie finance 80 % des dépenses privées de recherche et développement du pays. Or on peut pas, sur le long terme, déconnecter les centres de recherche des centres de production : perdre la production, c’est perdre à terme le savoir-faire et la maîtrise des sauts technologiques. Perdre la maîtrise des technologies clés, c’est perdre la maîtrise de notre avenir et de notre place dans les chaînes de valeur internationales.

Enfin, le repli de l’industrie accompagne une baisse des gains de productivité, donc mécaniquement une baisse de la croissance et une hausse du chômage.

Pour ces trois raisons majeures, et pour beaucoup d’autres encore, l’industrie est donc aujourd’hui une clé pour notre économie.

Comment inciter les jeunes à entrer dans l’industrie ?

Le premier point, c’est déjà de leur montrer la diversité et la richesse de cette activité. Il n’y a pas que des métiers industriels dans le secteur industriel, et l’industrie ne se réduit pas à la production.

Ensuite, les métiers industriels eux-mêmes sont de plus en plus qualifiés et se fondent avec ceux de la haute technologie. Les tâches sont de moins en moins parcellaires : elles comportent la supervision de machines complexes, du contrôle qualité, de la maintenance ou de la sécurité. Donc, contrairement à une croyance répandue, l’industrie n’est pas réservée aux « forts en maths » qui deviendront ingénieurs, d’un côté, et aux mauvais élèves qui deviendront ouvriers non qualifiés, de l’autre. L’industrie aujourd’hui offre des emplois qualifiés et emploie plus de techniciens et de cadres que d’ouvriers non qualifiés.

Les conditions de travail (sécurité, pénibilité, horaires) ont été, elles aussi, considérablement améliorées, sous l’effet combiné de la législation, de l’automatisation et des nouveaux systèmes de management de la production.

Enfin, et c’est peu connu, l’industrie offre des salaires supérieurs à ceux des autres secteurs. On estime le différentiel à près de 15 % de la moyenne nationale, principalement parce que l’industrie propose plus de postes qualifiés et davantage de postes à temps complet.

Plus généralement, j’ajouterai que l’industrie est au cœur de tous les enjeux et débats d’avenir. Quand on parle de transition énergétique, d’industries vertes, de santé, de connectivité numérique, d’urbanisation du futur, ou de consommation raisonnée de ressources, on parle d’industrie. Travailler dans ces métiers, c’est être au centre de la conception du futur. Cela me paraît très stimulant.

Ce qui continue de peser sur l’attractivité de l’industrie 

Certes l’industrie garde certains handicaps dont, en premier lieu, la localisation excentrée des sites de production. Les usines sont toujours à la campagne ou dans des zones industrielles à l’écart des centres urbains, ce qui occasionne des difficultés d’accès et d’organisation de la vie personnelle. L’environnement de travail, même s’il s’est beaucoup amélioré, peut demeurer peu attractif : beaucoup de bâtiments industriels, surtout sur les sites anciens, sont moins confortables et attrayants que des bureaux. Mais tout cela évolue aussi très vite.

Le manque d’attractivité de l’industrie persiste, et c’est un handicap économique. J’essaie humblement de contribuer à le combler avec ce livre. Le fait que les lycéens associent de plus en plus industrie, innovation et nouvelles technologies montre qu’une petite révolution est en marche, peut-être, et que la France est prête pour l’industrie du futur.

Christel Bories

Après un début de carrière comme consultante, Christel Bories a été successivement Directeur de la Stratégie du groupe Pechiney, Directeur de Pechiney Emballage (1999-2003) et...

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