Les faux-semblants de la libéralisation chinoise

La Chine cherche aujourd’hui à normaliser son économie et à intégrer pleinement le multilatéralisme mondial. Un cadre compétitif, propice aux innovations, lui est en effet nécessaire pour que ses champions continuent à se développer. Paradoxalement, il est donc encore plus difficile qu’avant – mais pour d’autres raisons – de pénétrer le marché chinois pour une entreprise étrangère. La Chine s’ouvre, certes, mais à qui ?

Dans ce Doc n°11, intitulé « Demain, la Chine ouverte ? », Victor Mabille et Arthur Neveu, diplômés du Corps des mines, brossent le portrait de la Chine d’aujourd’hui et de ses tâtonnements entre libéralisme et nationalisme. Cet ouvrage s’adresse aux responsables industriels voulant miser sur l’économie chinoise et à celles et ceux qui s’y intéressent.

La propriété intellectuelle, pivot de la libéralisation de l’économie chinoise

Depuis plusieurs années, l’économie chinoise ne repose plus sur l’imitation de produits européens et américains mais sur l’innovation locale. En prenant des dispositions de nature à valoriser sa recherche, la Chine a donc indirectement accru le niveau de protection de la propriété intellectuelle des entreprises étrangères : elle sanctionne plus durement les violations de brevets et a même rendu sa cour suprême compétente en la matière depuis 2019. Valeo a été le premier groupe étranger à remporter un procès pour contrefaçon de brevet en mars 2019 contre Fuke & Lucas, condamné à verser à l’équipementier français sept millions de yuans. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2020, une nouvelle loi est venue desserrer la contrainte qui pesait sur les investisseurs étrangers : seules les industries indiquées dans une liste « négative » voient leur accès restreint, sans être totalement fermé.

Un « changement de paradigme », vraiment ?

Cette libéralisation apparente a cependant ses limites, que les auteurs exposent en proposant une classification des secteurs chinois selon leur degré d’ouverture. Un secteur ouvert (le luxe, par exemple) n’est pas contraint par des mesures protectionnistes (soit parce qu’il n’y a pas de concurrents locaux compétitifs, soit parce que les marques étrangères sont prisées). Dans un secteur en développement, les entreprises chinoises ne sont pas encore compétitives mais en phase de rattrapage, les transferts de technologies sont donc facilités (dans l’aéronautique, par exemple). Un secteur saturé est un secteur dans lequel il existe déjà des entreprises chinoises très performantes : le libéraliser ne leur apportera que des bénéfices puisqu’il n’y a plus de place pour les concurrents étrangers. C’est notamment le cas du ferroviaire. Enfin, un secteur stratégique a trait à la souveraineté de l’État et reste totalement fermé aux étrangers (les services numériques ou la défense en font partie). Dans son ensemble, cette « libéralisation » est donc plutôt le signe du triomphe des entreprises chinoises sur les entreprises occidentales sur leur marché intérieur.

L’avenir des entreprises occidentales en Chine

La plupart des secteurs en développement ne sont ouverts que temporairement et finiront par devenir saturés lorsque les acteurs chinois auront rattrapé leur retard. Cependant, certains marchés offrent des opportunités à court ou long terme pour les Européens. Côté français, des entreprises comme Isigny-Sainte-Mère (lait infantile) ou Atos (conseil informatique) ont su tirer leur épingle du jeu. Parmi les conseils donnés par les auteurs, on retiendra le fait de parier sur l’image de marque européenne, de se prémunir contre la fuite des technologies, de miser sur le capital humain et le savoir-faire chinois et de choisir un secteur ouvert.

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