Le leadership réinventé par la pensée montessorienne

Le leadership réinventé par la pensée montessorienne

Et si l’on s’inspirait de la pensée montessorienne pour repenser le travail ? Autonomie, sens, engagement : des leviers essentiels pour préserver la santé mentale en entreprise.

L’Organisation mondiale de la Santé définit la santé mentale comme : « un état de bien-être mental qui nous permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. Elle a une valeur en soi et en tant que facteur favorable, et fait partie intégrante de notre bien-être. » (Organisation mondiale de la Santé, 2025a). Elle signale que « les problèmes de santé mentale entraînent également des répercussions économiques énormes et représentent une perte de productivité nettement supérieure aux coûts directs des soins qu’ils nécessitent. » (Organisation mondiale de la Santé, 2025b). Elle indique ainsi qu’« à l’échelle mondiale, la dépression et l’anxiété font perdre chaque année 12 milliards de jours de travail, ce qui représente une perte de productivité de 1 000 milliards de dollars par an. » (Organisation mondiale de la Santé, 2024).

En France, le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a désigné la santé mentale comme la priorité pour 2025 après avoir noté notamment qu’« un salarié sur quatre se dit en mauvaise santé mentale. ». Ce chiffre inquiétant pourrait notamment s’expliquer par nos pratiques managériales. Un rapport (Bartoli et al., 2024) de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), daté du 19 mars 2025, qui compare le management dans plusieurs pays européens conclut en effet que la France est plutôt mauvaise élève en la matière. Le rapport montre notamment que la France est en retard sur les 3 critères qui font consensus quand on parle d’un management de qualité : la participation, la reconnaissance et l’autonomie. Et ce management français trop vertical a des effets délétères sur les employés et l’entreprise, ajoute l’Igas. « La qualité des pratiques managériales produit des effets non négligeables sur la performance des entreprises, quoique difficiles à mesurer, alors qu’elle détermine de façon plus directe la santé des salariés, la qualité de l’emploi et la qualité du travail », écrit-elle.

Interroger l’organisation du travail

Parmi les symptômes d’une mauvaise santé mentale : l’anxiété et la dépression, tout comme l’apathie ou le désengagement qui ne fait pas de bruit, ou encore l’absence de participation. Si vos collaborateurs disent toujours oui et que, dans le même temps, vous constatez un taux de rotation élevé dans vos équipes, il est probable que votre organisation du travail ne soutienne pas la nature humaine.

Pour rétablir une bonne santé mentale des plans d’aide aux employés incluant des interventions de psychologues, d’ergothérapeutes et d’autres médecins de notre santé mentale, sont mis en place. Mais il s’agit d’abord de les éviter, et de s’épargner ainsi leurs effets néfastes sur les personnes et leur entourage comme sur la productivité des entreprises. Les paniers de fruits et les afterworks ne sont pas des solutions curatives, c’est bien l’organisation du travail qu’il faut revoir, et ce, de la structure organisationnelle, en passant par les règles et les procédures d’évolution au sens large, à la possibilité d’expression et d’intervention.

L’ouvrage Les nouveaux modes de management et d’organisation de Suzy Canivenc montre que d’autres organisations du travail existent (sociotechnique, lean, méthode agile, entreprises libérées, holacratie, entreprises opale et entreprises à mission). L’autrice insiste, à raison, sur le fait que pour changer les organisations du travail actuelles, ce n’est pas tant la cible à atteindre qui est importante. Le leurre serait de faire du copier-coller d’un mode de fonctionnement vu ailleurs. C’est plutôt la façon dont la transition est menée qui est déterminante, car elle porte en elle la mutation culturelle que le changement d’organisation du travail nécessite. La phase de transition de l’organisation est en effet une occasion pour l’organisation d’apprendre à s’adapter en continu dans un monde en perpétuelle transformation… pour survivre et se développer.

Attention toutefois, il ne s’agit pas de demander aux personnes de changer encore et encore, mais plutôt de leur offrir un environnement leur permettant de s’adapter de façon volontaire.


Une approche à intégrer au monde du travail : Montessori

La motivation intrinsèque comme guide de l’apprentissage est clé. Plusieurs personnes l’ont déjà théorisé. Nous pouvons citer la théorie de l’autodétermination (TAD) de Richard Ryan et Edward Deci ; les 3 clés de la motivation intrinsèque issues du TAD et vulgarisées par Daniel Pink : l’autonomie, l’envie d’être bon dans ce que l’on fait et le besoin de donner un sens à sa vie au sein d’un collectif ; ou encore l’état de flow observé par Mihaly Csikszentmihalyi, lorsque les personnes ont la possibilité de travailler sur ce qu’elles aiment et peuvent même oublier de manger.

Certaines méthodes d’éducation misent pleinement sur l’apprentissage individualisé et le respect de la motivation intrinsèque. C’est notamment le cas de la pédagogie Montessori. D’après l’Association Montessori Internationale, l’éducation Montessori a des effets bénéfiques sur le développement cognitif, la créativité, les habiletés sociales, la motricité fine et la réussite académique (AMI Training USA, 2025). Une étude de 2023, menée par plusieurs chercheurs américains, confirme que les enfants ayant suivi une scolarité même partielle en école Montessori ont bénéficié d’un effet significatif et positif sur leurs résultats, tant scolaires que non scolaires, en comparaison aux résultats observés avec de méthodes éducatives traditionnelles (Bryson, A. et al., 2023).

Dans la sphère professionnelle, les organisations ont la capacité de s’adapter au contexte mouvant. Cela passe par la mise en commun des compétences et des envies des salariés dans un système que l’on fait évoluer ensemble pour réussir ensemble. Cette capacité sera proportionnelle à la liberté de choix que l’organisation acceptera de donner à ses collaborateurs : peuvent-ils choisir leurs projets ? leurs équipes ? et ce à quelle fréquence ? ont-ils un choix sur ce qui fait leur quotidien ? Et c’est là que les managers ont un véritable rôle à jouer. Avec l’approche montessorienne, ils peuvent trouver leur place comme préparateurs de l’environnement qui facilite l’expression des talents et la capacité d’adaptation de l’organisation et, ainsi, créer l’espace que les collaborateurs peuvent investir en toute sérénité. En témoigne Thierry Pick dans son livre Bienvenue chez les fous qui raconte comment sa société d’entrepreneur solo a évolué en une entreprise de plus de 3 000 salariés satisfaits à 95 % en empruntant à la philosophie de Maria Montessori et de Pierre Rhabi ses principes de management.

Dans les entreprises que j’ai pu accompagner dans l’application des principes Montessori, les résultats sont positifs, en voici quelques exemples : atterrissage en un an d’un programme qui vivotait depuis trois ans ; livraison en neuf mois d’un projet que l’équipe ne pensait pas pouvoir honorer : “C’est génial on a livré.” ; amélioration de la qualité et de la capacité de réponse aux attentes des clients (reconnaissance spontanée des clients), des priorisations de fonctionnalités livrées en accord avec les clients ; amélioration de la relation client (rencontres clients agréables). Et comme ces indicateurs sont au vert, les équipes sont engagées et motivées.

En créant les conditions permettant aux équipes de contribuer, de se sentir utiles et d’apprendre, on contribue à leur bonne santé mentale.

 

 

Bibliographie de Le leadership réinventé par la pensée montessorienne

AMI Training USA, (mai, 2025). Does Montessori Work? This month’s AMI Research Threads explores this question… [Post]. LinkedIn. https://www.linkedin.com/posts/ami-training-usa_montessoriresearch-chooseamimontessori-childdevelopment-activity-7331348329173344256–8Jb?utm_source=share&utm_medium=member_android&rcm=ACoAAABSFNQBw9aSQ8uAioOnVSA-A1i22h44luI

Bartoli, F., Dieuleveux, T., Hautchamp, M. ·& Laloue, F. (2024). Pratiques managériales dans les entreprises et politiques sociales en France : les enseignements d’une comparaison internationale, [Rapport], Igas.

Bryson, A., Henderson, D.K., Lillard, A. S., Manuel, A.K., Menon, L., McPherson, W., Michaels, S., O’Grady, R., Randolph, J. J & Rosenstein, D. L. W. (2023). Montessori education’s impact on academic and nonacademic outcomes: A systematic review. Campbell Systematic Reviews, 19(3). https://doi.org/10.1002/cl2.1330

Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, « La santé mentale, Grande Cause nationale 2025 », 24 mars 2025. https://solidarites.gouv.fr/la-sante-mentale-grande-cause-nationale-2025

Organisation mondiale de la Santé. La santé mentale au travail, 2 septembre 2024. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-at-work

Organisation mondiale de la Santé. « Vue d’ensemble », Santé mentale. Consulté le 30 juillet 2025 https://www.who.int/fr/health-topics/mental-health#tab=tab_1

Organisation mondiale de la Santé. « Les troubles de la santé mentale », Santé mentale. Consulté le 30 juillet 2025. https://www.who.int/fr/health-topics/mental-health#tab=tab_2

Mija Rabemananjara

Mija Rabemananjara

Mija Rabemananjara, ingénieure de formation (Arts et Métiers) et fondatrice de la société Les Agilopathes, a plus de 25 ans d’expérience dans des missions de transformation,...

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