L’industrie, un contributeur sous-estimé à la création d’emplois en France
Si l’industrie contribue de nouveau à la création d’emplois directs, elle exerce aussi un effet d’entraînement non négligeable sur l’emploi des autres secteurs, confirme la dernière Note de La Fabrique de l’industrie. Entre 2007 et 2023, la création de 100 emplois exposés à la concurrence internationale, dont font partie les emplois industriels, a entraîné celle de 134 emplois dans les services locaux (emplois abrités). Parmi les arguments en faveur de la réindustrialisation, on entend souvent évoquer la contribution de l’industrie à la création d’emplois directs et indirects en France. Qu’en est-il concrètement ? Dans la Note « Comment l’industrie crée de l’emploi aujourd’hui ? », son autrice Diana Karachanski répond à cette question en dressant un panorama de la création d’emplois industriels entre 2016 et 2024* et en mettant au jour les effets d’entraînement de l’industrie sur l’emploi total.
Coup de frein sur les destructions d’emplois
Entre 2018 et 2024, l’emploi manufacturier a progressé de façon continue en France passant de 2,6 à 2,8 millions d’emplois (+ 6,8 %). Cette dynamique – qui n’avait pas été observée sur une période aussi longue depuis le choc pétrolier de 1973 – s’explique principalement par le ralentissement des suppressions d’emplois : s’il y a bien une légère accélération des créations d’emplois industriels sur cette période, on note surtout une très forte réduction des destructions d’emplois, et ce depuis 2012. Le solde de créations nettes d’emplois devient positif à partir de 2016. Les 27 secteurs industriels étudiés sont concernés par cette attrition des emplois supprimés et 15 d’entre eux ont créé suffisamment d’emplois entre 2016 et 2024 pour compenser, voire dépasser, les suppressions d’emplois réalisées entre 2008 et 2015. C’est notamment les cas de l’automobile, de la pharmaceutique ou encore du textile. Des différences sont également observées entre les territoires : la Bretagne et les Pays de la Loire ont connu des créations nettes d’emplois sur toute la période tandis que l’Île-de-France et Centre-Val de Loire n’ont que tardivement cessé de perdre des emplois industriels.
Un effet multiplicateur sur l’emploi abrité de 1,34
Du fait des gains de productivité qu’elle enregistre, l’industrie, comme tous les secteurs exposés à la concurrence internationale**, créé aussi de l’emploi de façon indirecte dans d’autres secteurs. Elle participe notamment à la création d’emplois abrités (restaurateurs, coiffeurs, notaires, médecins, etc.). Cet effet multiplicateur des emplois exposés* sur les emplois abrités s’est établi à 1,34 sur la période 2007-2023, selon les derniers calculs de Diana Karachanski. Cela signifie que la création de 100 emplois exposés sur un territoire donné (dont 37 % sont des emplois industriels) a entraîné localement la création de 134 emplois abrités. On peut donc estimer que, portés par la croissance des emplois industriels, les nouveaux emplois exposés sont indirectement à l’origine de 20 % des emplois abrités créés en France au long de ces seize années (soit 371 000 emplois). Cet effet multiplicateur est ariable selon les secteurs d’activité. Plus ces derniers sont intensifs en technologie et en travail qualifié(aéronautique, automobile, etc.), plus le multiplicateur est élevé. À noter par ailleurs que les destructions d’emplois présentent un effet multiplicateur souvent identifié comme plus faible que dans le cas des créations.
Un multiplicateur qui pourrait baisser
Le multiplicateur des emplois exposés sur les emplois abrités en France s’est donc maintenu voire renforcé par rapport à celui qui avait été calculé dans une précédente étude de La Fabrique*** sur la période 2004-2013 (il était alors de 0,64). Cela tient en partie au fait qu’il a été calculé ici sur une période plus longue. Mais cela montre aussi que cet effet, très dépendant des gains de productivité des secteurs exposés, est variable dans le temps. Or, la contribution de l’industrie aux gains de productivité s’étiole depuis le Covid. Il semble donc que les emplois industriels créés soient moins productifs que ceux créés précédemment, ce qui laisse présager une situation future peu favorable. En d’autres termes, si la contribution négative de l’industrie aux gains de productivité se poursuit, cela finira certainement par peser à la baisse sur la valeur du multiplicateur au cours des prochaines années, et donc sur la contribution de l’emploi industriel à la création de l’emploi total.
(*) : L’analyse réalisée dans cette note mobilise plusieurs sources de données sur la période 2016-2024. Par conséquent, on peut observer des divergences quant à la reprise de l’emploi manufacturier qui peut se situer entre 2016 et 2018, en fonction de la source de données utilisée.
(**) : Les emplois exposés regroupent les emplois manufacturiers, agricoles et ceux de certaines activités de service comme le transport aérien, le conseil, la R&D ou encore les activités informatiques. Les emplois abrités, eux, sont soumis à une concurrence intraterritoriale (qui peut être très vive) : ce sont les commerçants, les restaurateurs, les médecins, les services aux particuliers, etc.
(***) : Frocrain, P. et Giraud, P.-N. (2016). Dynamique des emplois exposés et abrités en France, Les Notes de la Fabrique, Presses des Mines.
Julie Celeste Meunier
Chargée des relations presse
- 01 56 81 04 26
- julie-celeste.meunier@la-fabrique.fr
- 81 boulevard Saint Michel
75005 Paris