Daher : le modèle industrie-services
Daher, entreprise familiale fondée en 1863, a aujourd’hui dépassé le stade de l’ETI. Forte d’un chiffre d’affaires de 850 millions d’euros et d’un effectif de 7500 personnes, elle possède une caractéristique originale : Daher réalise la moitié de son chiffre d’affaires dans l’industrie et la moitié dans les services. Et ce n’est pas du tout un hasard…
Il y a une quinzaine d’années encore, on connaissait Daher comme entreprise de service dans le domaine des transports et de la logistique. Tout a commencé à changer en 1999 avec le rachat d’un équipementier aéronautique, Lhotellier-Montrichard. Le vrai basculement a eu lieu en 2009 avec la prise de contrôle de Socata, équipementier aéronautique de rang 1. Ce virage industriel s’est encore accentué en 2011 avec le rachat de deux équipementiers du nucléaire, Vanatome et Verdelet.
Pourquoi cette incursion dans l’industrie ? « Nous ne pouvions nous contenter d’être un logisticien de taille moyenne. Nous n’avions pas les moyens de devenir un très grand acteur. Notre choix de l’industrie correspondait à une volonté différenciation que nous pouvions obtenir en montant dans la chaîne de valeur », explique Patrick Daher, patron de l’entreprise.
Pourquoi l’aéronautique et le nucléaire ? « Nous avons choisi des secteurs avec des flux plutôt faibles, où l’ingénierie peut faire la différence et où la taille n’est pas primordiale. »
Jusque là, le parcours de l’entreprise n’a rien de très surprenant. Ce qui l’est davantage, c’est qu’au mois de juin dernier Daher a annoncé une toute nouvelle offre, « Integral by Daher », dite de « soutien industriel intégré ». Une offre censée doubler en moins de cinq ans son chiffre d’affaires… dans les services ! Alors où veut-elle en venir : industrie ou services ?
Les deux ! La devise de Patrick Daher est « industrie et services » et il souhaite conserver une répartition à peu près égale entre les deux. L’entreprise travaillait d’ailleurs à développer son activité de service à l’industrie en même temps qu’elle devenait un acteur industriel à part entière.
Didier Kayat, DG de l’entreprise l’explique de façon imagée. « Nous sommes dans des métiers où les pièces ne sont pas supposées s’user. Nous ne pouvons donc, comme d’autres, profiter du marché des pièces de rechange et c’est le service qui joue ce rôle… ». Plus sérieusement, « le service fournit de faibles marges, mais rapidement. En revanche ce sont des activités qui prennent fin avec les projets. A l’inverse, l’industrie exige énormément d’investissements et de R&D dont on profite à plus long terme et de manière plus pérenne. »
Les deux se complètent d’autant mieux que les activités de service à l’industrie proposées par Daher (transport, manufacturing, pre-manufacturing, co-manufacturing, ingénierie et de pilotage de projets complexes) sont exactement celles que Daher se doit de maîtriser en tant qu’industriel. Elles visent d’ailleurs en priorité les entreprises de l’aéronautique et du nucléaire.
Autre point à souligner : l’entreprise de services a appris de l’industriel qu’elle est devenue. Sa nouvelle offre de service à l’industrie consiste en fait en une « industrialisation » de prestations qu’elle offrait déjà pour la plupart.
Daher a consacré cinq ans à cette industrialisation du service en travaillant à la définition de méthodologies et au développement d’outils informatiques spécifiques. Un investissement de l’ordre de quelque dix millions d’euros ! Le travail a consisté à revoir les processus de façon à ne pas avoir à réinventer la roue lors de chaque nouvelle prestation. A définir en quelque sorte un socle commun sur lequel s’appuyer pour minimiser le travail d’adaptation à chaque besoin client.
Quelle sera la prochaine étape pour Daher ? Patrick Daher souhaite conserver un équilibre entre l’industrie et les services. Si la nouvelle offre fournit les résultats escomptés, le chiffre d’affaire dans les services devrait doubler en moins de cinq ans. On ne sera donc pas très étonné si Daher lance une initiative du côté de l’industrie dans un avenir proche…