Industrie et services : une distinction dépassée ?

Les offres commerciales pertinentes sont une combinaison de biens matériels et de services. Non seulement la distinction entre biens industriels et services est de plus en plus arbitraire, mais elle conduit à des perceptions biaisées et à des raisonnements erronés.

Éric Huber et Colas Hennion, deux ingénieurs des Mines, démontrent dans leur mémoire de fin d’étude que la distinction entre biens et services n’est plus pertinente. A toute époque, elle a reposé sur des bases fragiles ; aujourd’hui, elle empêche de voir que c’est l’alliance de biens et de services qui permet de construire des offres commerciales efficaces. Il est donc dangereux d’opposer biens et services, ou de prendre des mesures discriminantes (baisse de taxe professionnelle pour l’industrie). Une révolution intellectuelle s’impose, selon les auteurs.

Ceux-ci expliquent  pourquoi il faut considérer d’autres définitions de l’industrie que celle des secteurs « industriels » de l’Insee et apprécier le phénomène de désindustrialisation autrement que par le déclin de la part de ces secteurs dans la valeur ajoutée et l’emploi.

D’une part cette diminution traduit plusieurs phénomènes : l’externalisation de certains services consommés par l’industrie, les moindres gains de productivité des services et, certes, la baisse effective de l’activité industrielle (qui, selon les périodes de référence, n’expliquerait que 30 à 45 % de la diminution apparente du poids de l’industrie dans le PIB).

D’autre part, l’offre de services repose sur des produits (un opérateur qui propose des services de communication offre souvent le téléphone qui permet d’y accéder), tout comme la vente de produits repose sur des services nécessaires pour les faire connaître, les amener à leurs usagers et permettre à ces derniers de les utiliser efficacement.

Les deux auteurs proposent de distinguer, à la suite de Jean Fourastié, les activités économiques non plus par nature mais par type de comportement en matière de gains de productivité. Et d’évoquer les secteurs primaires (gains faibles), secondaire (gains élevés), tertiaire (gains quasi nuls) et quaternaire (gains explosifs).

L’avis de La Fabrique

Le mémoire et l’article associé sont très percutants quand ils montrent à quel point la représentation statistique usuelle du « déclin industriel » est faussée à plusieurs titres. Ils vont jusqu’à nier l’idée d’une quelconque différence ontologique entre industrie et services, et le lecteur peut leur concéder cette hypothèse comme plausible, tant elle est efficacement défendue.

La contribution devient moins convaincante, en revanche, sur le registre des recommandations opérationnelles, dont on ne sait pas toujours si elles s’adressent plutôt à l’Etat et à ses services statistiques, aux chercheurs, ou aux citoyens en quête de compréhension du monde contemporain. Les auteurs dressent une longue liste des recommandations (en matière de fiscalité, de priorité de l’action publique…) ce qui les détourne d’autant du chantier, certes ardu, qui aurait consisté à imaginer une mise en oeuvre concrète de cette nouvelle distinction des activités.

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