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L’industrie chinoise fâchée avec la qualité ?

Une étude de la Wharton School met en évidence les raisons pour lesquelles les industriels chinois semblent se désintéresser, et pour longtemps, de la qualité de leurs produits.

Il est possible de faire des produits de qualité en Chine. En témoignent ceux issus des ateliers chinois des multinationales, aussi bien dans l’automobile que dans la high tech. En revanche, la production des entreprises chinoises à destination du marché national est connue pour être d’une qualité pour le moins médiocre.

L’article « China’s Manufacturers and the Quality Control Conundrum », parue dans le journal en ligne de la Wharton School de l’université de Pennsylvanie, lève quelques lièvres.

Selon elle, la première raison pour laquelle les industriels chinois mettent sur leur marché des produits de piètre qualité est une conséquence inattendue du boom de l’immobilier. Marshall W. Meyer, professeur à Wharton, indique que « un grand nombre d’entrepreneurs se lancent dans l’industrie uniquement pour faire de l’argent afin de pouvoir l’investir ensuite dans l’immobilier et devenir très riche très rapidement ». La construction d’une entreprise pérenne, reconnue notamment par la qualité de ses produits, est alors le cadet de leurs soucis.

Au-delà de ce raisonnement du type « get rich quick » d’autres éléments structurels jouent en la défaveur des industriels chinois. En particulier le nombre immense d’entreprises et la très grande fragmentation de leur activité, qui rendent le contrôle de la supply chain excessivement difficile, en Chine plus qu’ailleurs. Cela est encore accentué, selon Meyer, par le système de production qui implique une longue cascade de sous-traitants dans la réalisation d’un produit.

Kazuto Suzuki, professeur à l’université d’Hokkaido (Japon) ajoute pour sa part qu’il est beaucoup plus facile pour un industriel chinois de travailler dans le secteur militaire « dans lequel il n’y a que quelques client majeurs pour des technologies bien identifiées » que dans le domaine commercial, où il est difficile de savoir quelles sont les technologies nécessaires et ce que souhaite le marché. Du coup, « les industriels chinois préfèrent copier les technologies qui ont fait leurs preuves, plutôt que de prendre le risque d’investir dans des domaines incertains. »

Prenant l’exemple de l’industrie automobile, l’étude de Wharton montre qu’énormément de travail reste à accomplir pour bâtir des industries chinoises compétitives. D’une part, le secteur de l’automobile fait face à une concurrence intense des marques étrangères. Mais surtout, souligne John Paul MacDuffie, autre professeur de Wharton, « les constructeurs chinois manquent des technologies clés et du savoir-faire pour s’imposer face aux produits étrangers. »

Il affirme en outre : « bien que les Chinois aient exigé des joint ventures pour les usines de production de modèles étrangers, d’une part ils ne l’ont pas fait pour les sous-traitants et, d’autre part, ces usines ne leur procurent qu’un accès limité à l’expertise en matière de conception. »

En somme, les Chinois sont piégés par ce qui fait leur fortune : la fabrication pour le compte d’entreprises étrangères. John Paul MacDuffie note qu’ils ne pourront s’en sortir qu’en développant des capacités technologiques et organisationnelles propres. Le Japon l’avait fait rapidement car, contrairement à la Chine il n’a jamais fait de la production pour compte d’autrui une rente de situation. Et Taiwan a su très tôt développer en parallèle sa propre industrie.

A ce propos, Paul Midler, consultant et auteur de « Poorly Made in China » (Mal fait en Chine), note que pour leur part « les Chinois ont beaucoup de mal à dire non aux profits faciles et rapides obtenus en produisant pour des entreprises étrangères et à s’en détourner pour bâtir leurs propres entreprises industrielles. »

 Michael Clendenin, de RedTech Advisors, entreprise de conseil installée à Shanghai, souligne enfin que, malgré ces handicaps, « les Chinois pourraient réaliser des produits de qualité, mais que souvent leur raisonnement est le suivant :  »pourquoi dépenser 5 à 10 % de mon chiffre d’affaires à faire de la R&D pour créer des super produits que je ne suis pas sûr de vendre alors que je dispose d’un vaste marché pour des produits de milieu de gamme ? » »

Cela peut-il changer ? Oui, mais très lentement, selon Michael Clendenin. Il remarque en effet que « pour chaque entreprise chinoise qui améliore la qualité de ses produits, il y en a peut-être encore dix qui ne font absolument aucun effort et deux entreprises nouvelles qui arrivent avec des produits encore plus médiocres pour se faire rapidement une place sur le marché. »

Franck Barnu

Après des études de physique, Franck Barnu s’est dirigée vers la presse industrielle et technologique. Comme journaliste, il a en particulier suivi le domaine des technologies...

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