La mutualisation des moyens de production

Des outils de production sous-exploités

Des outils de production sous-exploités

Le taux d’utilisation des capacités de production (TUCP) est un des indicateurs macro-économiques permettant d’appréhender la performance d’une économie. En 2012, ce ratio était de l’ordre de 80 %[1] pour l’industrie manufacturière, alors qu’elle oscille en principe autour d’une valeur moyenne de 85 % [2] : l’appareil productif est donc sous-exploité en France.


Source : Insee

J’ai pu confirmer cette observation lors de mes rendez-vous au sein d’usines. Il n’est pas rare de voir des machines, génériques ou spécialisées, tourner au ralenti ou rester tout simplement à l’abandon. La sous-utilisation des capacités de production peut atteindre 40 % dans certaines entreprises. Parallèlement, l’investissement subit une baisse de 7 %[3] par rapport à 2012, ce qui contribue à la persistance d’un climat d’incertitude au sein des filières industrielles.

Outre la conjoncture défavorable, cette baisse de l’investissement est la conséquence de la raréfaction du financement bancaire ainsi que de la diminution de l’appétit des entrepreneurs pour l’endettement. Autrement dit, l’outil de production est non seulement sous-exploité mais il est aussi difficile à renouveler pour les industriels, qui sont donc doublement pénalisés.

L’entreprise peut-elle améliorer sa performance économique sans avoir recours à l’investissement ? Nombre de banquiers constatent que leurs entreprises clientes sont confrontées à ce problème lorsqu’elles essuient un refus de financement de leurs parts.

Peut-on s’enrichir sans emprunter ?

Certains économistes ont proposé des théories qui ne font plus dépendre la croissance de l’endettement, telles que « l’économie de fonctionnalité » ou « l’économie collaborative ». Leurs applications concrètes ont donné lieu à de belles réussites comme chez Airbnb ou Xerox. La richesse est créée à partir de l’optimisation d’une ressource existante, ce qui s’avère particulièrement opportun en temps de crise. Nombre de start-up fleurissent là où l’on gaspille, jette ou n’utilise pas. Ces dernières s’appuient sur un véritable diagnostic, chassant les non-valeurs qui peuvent être valorisées auprès de clients industriels, comme par exemple les surfaces de stockage, les déchets, l’énergie, etc.

Vers une plus grande mobilité des facteurs de production

La France dispose d’un tissu industriel hétérogène, avec de nombreux regroupements géographiques autour d’un secteur, d’un marché ou d’un savoir-faire : la plasturgie, la chimie, les matériaux, etc. Or, les capacités de production de ces entreprises voisines peuvent être très différentes. Certaines, faute de financements, ne peuvent se diversifier ni accroître leur production. D’autres manquent des commandes nécessaires pour amortir leurs charges de production. Dans ce dernier cas, l’entreprise est isolée et ne sait pas comment renouer avec la rentabilité. La sous-utilisation des capacités de production est alors une perte sèche alors qu’elle pourrait être valorisée. Pourquoi ne pas mettre en location, en fonction de leur disponibilité, les machines peu ou pas utilisées ?

Des business models conjoncturels

L’idée est d’apporter non pas une croissance d’activité mais un levier de rentabilité. La mise en location des moyens de production permet, d’une part, de dégager un flux de trésorerie supplémentaire pour le fonctionnement à court terme de l’entreprise et, d’autre part, d’améliorer leur flexibilité. Pour cela, les usines devront ouvrir leurs portes et apprendre à offrir ce service innovant à destination de leurs voisins.

Hier, c’était impossible. Mais, avec 10 % d’entreprises se déclarant en sous-utilisation des capacités de production et 61 800 entreprises [4] qui pourraient déposer le bilan en 2014, l’idée pourrait bien faire son chemin.

Une start-up pour sauver des industriels en difficultés ?

Internet pourrait mettre en relation locataires et loueurs des outils de production, sous la forme d’un portail où les industriels référenceraient anonymement le type de machine, sa disponibilité, le tarif et le secteur géographique. La valorisation des sous-utilisations des capacités de production peut être un levier pour générer des ressources supplémentaires, qu’il s’agisse de récupérer des liquidités ou d’orienter le modèle de production vers plus de mobilité et flexibilité. L’industrie doit pour cela s’affranchir de certains freins psychologiques et s’ouvrir à des modèles plus collaboratifs et fonctionnels.

Références :

  1. Banque de France, 3ème trimestre 2013
  2. Enquête trimestrielle de conjoncture dans l’industrie Septembre 2013 – Insee
  3. Insee : http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=15
  4. Etude Euler-Hermes


Baghdad Gherras

Banquier et conseiller d’entrepreneurs, Baghdad Gherras a étudié à l’IAE de Lyon, au département d’ingénierie financière de l’université Lyon 2 et au sein du MBA Lingnan-MIT...

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