Les accords d’entreprise transnationaux. Les firmes peuvent-elles s’autoréguler en matière sociale ?

Les accords d’entreprise transnationaux. Les firmes peuvent-elles s’autoréguler en matière sociale ?

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Préface

La note sur les accords d’entreprise transnationaux est tirée du travail de doctorat en droit social de Mathilde Frapard, l’une des trois finalistes de la catégorie « thèse » du concours pour étudiants et jeunes chercheurs organisé par La Fabrique en 2017. Son objet de recherche, est une conséquence directe de la mondialisation des entreprises et de la transnationalisation des relations professionnelles.

En 2015, les firmes multinationales françaises (hors secteur bancaire et services non marchands) contrôlent 37 000 filiales à l’étranger dans plus de 190 pays. Ces filiales emploient 5,5 millions de salariés, soit 58 % de leurs effectifs totaux (Insee, 2017). Elles ont aussi des relations contractuelles avec de nombreux sous-traitants et fournisseurs. Les entreprises cherchent naturellement à tirer parti des avantages comparatifs des différents pays du monde, mais elles sont de plus en plus amenées à prendre en compte des situations parfois fondées sur de fortes inégalités dans les conditions de travail des actifs employés directement ou indirectement, inacceptables pour leurs propres salariés ou pour les opinions publiques.

Les firmes multinationales savent que leur responsabilité directe est engagée et qu’il est nécessaire d’organiser des modes de régulation internationaux en matière de protection des travailleurs. Notons d’ailleurs que la pression se renforce actuellement en France, avec l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en 2017.

Les accords d’entreprise transnationaux s’inscrivent dans cette recherche de régulation et d’harmonisation des protections des travailleurs à travers le monde. Ce sont des instruments négociés, qui ont émergé en dehors de tout cadre juridique et qui se sont développés en trois décennies sur les plans quantitatif et qualitatif, tout en s’inscrivant dans la politique RSE des entreprises. La négociation relève de la seule volonté des employeurs et des représentants des salariés, et constitue ainsi une figure originale de création d’un espace transnational de dialogue social.

Cette originalité est à la fois gage de souplesse et d’inventivité, mais aussi de fragilité au moment de passer de la parole aux actes. C’est tout l’intérêt du travail de Mathilde Frapard que de les avoir étudiés de près. Fondée sur l’étude de 267 accords et sur une trentaine d’entretiens menés avec des acteurs de ces négociations, cette note propose de découvrir ces objets juridiques non identifiés, leurs avantages, inconvénients ainsi que leurs principaux résultats, tout en offrant aux partenaires sociaux des repères pour la négociation de tels accords et des outils d’amélioration de leur effectivité.

Nous espérons que cette étude stimulera la réflexion des dirigeants et responsables syndicaux des entreprises détenant des filiales à l’étranger.

Pierre-André de Chalendar et Louis Gallois, Coprésidents de La Fabrique de l’industrie

Introduction

Le 22 février 2017, Solvay signait un accord d’entreprise transnational pour une couverture sociale mondiale. Puis le 7 mars, PSA en concluait un à son tour sur la responsabilité sociale, et le 17 mars, c’était Auchan Retail qui communiquait sur la signature d’un accord mondial sur le même thème.

D’où provient l’engouement des entreprises multinationales pour les accords d’entreprise transnationaux (ou AET) ? Que sont d’ailleurs ces « OJNI » ou objets juridiques non identifiés et à quoi peuvent-ils bien servir ?

Des accords en fort développement

Les accords d’entreprise transnationaux concernent des entreprises dont les filiales sont situées sur le territoire de plusieurs États, que ces derniers soient dans ou hors de l’Union européenne, ce qui fonde leur « transnationalité ».

Ces accords sont des instruments volontaires qui ont émergé en dehors de tout cadre juridique, c’est-à-dire qu’ils ne relèvent d’aucune règle de négociation et d’adoption spécialement établies pour ces instruments. La négociation relève de la seule volonté, d’une part, des employeurs, représentés par la direction de l’entreprise transnationale, et d’autre part, des représentants des salariés (organisations syndicales internationales et/ou européennes et/ou nationales, et/ou le comité d’entreprise européen ou mondial).

Depuis le premier accord d’entreprise transnational conclu en 1988 entre l’entreprise BSN, devenue Danone, et l’Union internationale des travailleurs de l’agroalimentaire (UITA), cet instrument s’est considérablement développé au regard de deux aspects.

Sur le plan quantitatif, on est passé d’une quinzaine d’accords-cadres conclus dans les années 1990 à près de 300, de portée internationale ou de portée européenne, dans plus de 165 entreprises transnationales, couvrant ainsi plus de 10 millions de travailleurs1.

Sur le plan qualitatif, les tout premiers accords portaient essentiellement sur la protection des droits humains et sociaux fondamentaux des travailleurs, tels que ceux figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ou les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment la liberté syndicale ainsi que le droit d’organisation et de négociation collective. Aujourd’hui, les thèmes abordés par les accords sont beaucoup plus divers et précis, portant aussi bien sur les conditions de travail, les restructurations d’entreprises ou encore sur la RSE ou la lutte contre la corruption. De plus, leur portée s’étend parfois aux fournisseurs et sous-traitants. Qu’est-ce qui explique un tel phénomène ?

La montée en puissance des firmes multinationales

Depuis les années 1980, les firmes multinationales (FMN) ont connu un développement sans précédent. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), on comptait 37 000 multinationales au début des années 1990. En 2002, elles étaient 83 000, contrôlant 810 000 filiales, employant 80 millions de personnes et représentant 80 % des flux commerciaux mondiaux2.

Grâce à leurs implantations multiples, les multinationales tendent à créer leur propre espace économique, indépendamment des États, et leur flexibilité leur permet d’exploiter les disparités des législations sociales, environnementales ou fiscales, de mettre ces dernières en concurrence, bousculant ainsi la souveraineté des États. Ces firmes peuvent, par exemple, exploiter les ressources naturelles d’un pays, ou localiser des activités polluantes dans les États les moins regardants. En cas d’infractions aux législations nationales, il est parfois difficile de les sanctionner du fait qu’elles se trouvent à cheval sur plusieurs ordres juridiques.

« Je définirais la globalisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales »3.

Sans tomber dans le fantasme, force est de constater que cette capacité à s’affranchir progressivement des modes nationaux de régulation économique et sociale, qui est l’un des effets de la mondialisation, pose la question des modes alternatifs de régulation de l’action des FMN à l’échelle internationale, entre autres en matière de protection des droits sociaux des travailleurs.

L’émergence d’un mouvement de « privatisation » du droit international du travail

Le droit international du travail (i.e. les conventions et recommandations internationales de l’OIT) s’adresse avant tout aux États ; il revient aux États de ratifier ces normes définies internationalement pour les appliquer. Or, dans un contexte où les multinationales acquièrent de plus en plus de poids et ont un périmètre s’étendant à plusieurs États, ce droit s’est révélé insuffisant et il est devenu important de le rendre « saisissable » dans ces FMN.

En l’absence de gouvernance mondiale, la réponse pourrait venir d’une meilleure coopération entre États, comme c’est le cas à certains niveaux régionaux à l’instar de l’Union européenne, mais cette coopération se heurte souvent à la concurrence entre États ou entre ensembles régionaux pour attirer et fixer chez eux les investissements ou les implantations, créateurs de richesses et d’emplois. De plus, les mesures régionales ont par nature une portée géographique limitée et ne répondent pas aux défis lancés par des entreprises véritablement mondialisées.

Quant au multilatéralisme promu par les organisations internationales, comme l’Onu, l’OIT ou l’OCDE, il se traduit essentiellement par des déclarations de principes, des recommandations non contraignantes et des incitations invitant les entreprises multinationales « à agir en conformité avec les politiques gouvernementales et les attentes de la société », qui forment un corpus de règles dites de « soft law » (ou « droit mou »).

Il en résulte une grande difficulté à « saisir » juridiquement les FMN par les moyens traditionnels. Cependant, la conjonction entre ces incitations « soft » et la pression grandissante exercée par les opinions publiques, ONG, syndicats, agences de notation et groupes divers, de plus en plus vigilants quant à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et auxquels les moyens de communication à l’ère numérique donnent une caisse de résonance considérable, ont conduit progressivement les multinationales à suivre différentes voies d’auto- régulation volontaire en matière de protection internationale des travailleurs, mais aussi sur d’autres aspects relatifs à la RSE.

Parmi ces instruments volontaires, on trouve les codes de bonne conduite, les chartes éthiques et les accords d’entreprise transnationaux. À la différence des deux premiers qui sont unilatéraux, les AET reposent sur une négociation entre partenaires sociaux. Et cela change tout.

Ambivalences syndicales

Face à ce mouvement de « privatisation »4 de la protection internationale des travailleurs – on parle ici de « privatisation » parce qu’il s’agit de formes privées de régulation –, les organisations syndicales dans leur ensemble se montrent relativement sceptiques envers les instruments unilatéraux promus par les directions générales, qui réduisent ou évacuent toute forme de négociation collective.

En revanche, il n’en va pas de même pour les AET. Dans la mesure où ces derniers s’ins- crivent dans le cadre d’un dialogue social transnational, les organisations syndicales non seulement participent, de façon pragmatique, à la négociation visant à conclure de tels accords, mais tendent même, sous la houlette des fédérations syndicales internationales ou européennes, à peser sur son ouverture et à l’encadrer par la définition de procédures types, qui traitent de nombreuses questions telles que la représentation syndicale des parties à l’accord et les mesures de suivi. Cela correspond à la vision du mouvement syndical international pour lequel […] les accords-cadres doivent se voir davantage comme des relations de travail à l’échelon mondial plutôt que comme relevant de la responsabilité sociale des entreprises, bien que la signature d’un accord-cadre soit une manière importante pour l’entreprise de démontrer que son comportement est socialement responsable »5.

Mais ce faisant, les organisations syndicales internationales contribuent aussi à renforcer la tendance à la « privatisation » des processus d’élaboration d’un « droit international du travail » avec pour résultat un niveau de protection jugé parfois minimaliste et toujours non contraignant. Pour les plus radicales de ces organisations, l’engagement dans de telles démarches hypothéquerait la possibilité de voir s’ouvrir un « espace-monde », permettant de construire un véritable « droit international public du travail », « public » étant entendu ici comme l’équivalent « d’ordre public » international. De leur point de vue, la multiplication des AET agirait comme une « manœuvre » des FMN pour éviter la formation d’un droit international du travail véritablement mondial et contraignant pour les entreprises.

Toutefois, on constatera qu’il existe de facto une convergence d’intérêts entre le mouvement syndical international et européen (avec toutes ses nuances) qui voit dans les AET un outil de « renouveau syndical » et les entreprises transnationales qui veulent à la fois soigner leur image et tendre à harmoniser les conditions de travail au sein de leurs filiales.

Devoir de vigilance

L’engagement des entreprises dans ces démarches de régulation volontaire semble d’autant plus nécessaire qu’il existe manifestement une tendance sociétale de fond visant à « durcir » la responsabilité sociale des entreprises multinationales. On en veut pour preuve l’adoption en France de la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

Cette loi intervient en réponse à différents scandales, dont la catastrophe du Rana Plaza qui a eu lieu au Bengladesh en avril 2013. L’effondrement du bâtiment qui abritait des ateliers textiles a provoqué la mort de plus de 1 100 ouvriers et 2 000 blessés. La plupart de ces ateliers appartenaient à des sous-traitants et des fournisseurs qui travaillaient pour de grandes multinationales européennes. Cet événement et d’autres ont provoqué une prise de conscience en Europe sur les conditions de travail des sous-traitants et fournisseurs des grands groupes industriels européens. La loi française sur le devoir de vigilance a pour objectif de remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multi- nationales. Elle concerne les grandes entreprises : les sociétés françaises qui emploient au moins 5 000 salariés en France et celles ayant leur siège social en France ou à l’étranger employant au moins 10 000 salariés dans le monde, ce qui représenterait environ 150 à 200 firmes. Ces entreprises devront désormais établir, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière de droits humains et de libertés fondamentales, de santé-sécurité et d’environnement, sur leurs propres activités mais aussi sur celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger.

Cette nouvelle législation a suscité le mécontentement des organisations patronales, puisqu’elle va directement à l’encontre des dispositifs « volontaires » que privilégient les multinationales. Elle instaure une responsabilité juridique (civile et non pénale), en lieu et place des mécanismes de coopération destinés à corriger ou améliorer une situation. Elle semble ignorer les efforts déjà consentis par les multinationales françaises et européennes en matière de RSE ; de plus, sa portée incluant les sous-traitants et fournisseurs est jugée irréaliste. Enfin, elle est considérée comme portant atteinte à la compétitivité des entreprises françaises par distorsion des conditions de concurrence. Pour autant, cette position peut être en partie relativisée. D’une part, les sanctions financières initialement prévues par la loi ont été invalidées par le Conseil constitutionnel. D’autre part, d’autres pays d’Europe examinent aujourd’hui la possibilité d’adopter des mesures inspirées de la loi française6 : être parmi les premiers à avoir intégré les conséquences de ces obligations pourrait tout au contraire représenter un atout pour les entreprises pionnières.

Il en résulte que les entreprises déjà engagées dans des accords d’entreprise transnationaux – soit plus d’un quart des entreprises ciblées par la nouvelle loi française – ont su anticiper ces dispositions et pris une longueur d’avance sur ces sujets : tant dans la cartographie des risques, la mise en place de procédures d’évaluation de la situation des filiales et de dispositifs de suivi, que dans la méthode d’élaboration paritaire et concertée avec les organisations syndicales. Les AET peuvent ainsi être vus comme des modèles de mise en œuvre de ces nouvelles obligations.

La dynamique des AET

Le contexte est donc favorable à ce que la négociation et la conclusion d’AET se poursuivent et s’élargissent à de nouvelles entreprises multinationales.

Une première vague d’accords d’entreprise transnationaux a été élaborée durant la décennie 1990 et visait essentiellement à établir un socle minimal de droits sociaux, inspirés des conventions fondamentales de l’OIT. Ces accords étaient principalement des accords-cadres internationaux ou accords de portée mondiale. Ce mouvement, qui a été accompagné par les fédérations syndicales internationales, s’est amplifié avec l’émergence des comités d’entreprise européens7, interlocuteurs naturels des directions d’entreprise pour les questions transnationales à l’échelle européenne, voire mondiale. Cette seconde vague a vu un rattrapage du nombre d’accords-cadres européens ou accords de portée européenne conclus.

Les comités d’entreprise européens se sont saisis de cet instrument, en même temps qu’ils offraient un cadre propice à sa négociation, insufflant ainsi aux AET une dynamique nouvelle. On verra que l’AET demeure encore fortement empreint de son origine européenne, voire française, même si des groupes ayant leur siège hors d’Europe concluent également ce type d’accords.

Les accords d’entreprise transnationaux se développent en dehors de tout cadre juridique défini au niveau européen ou international. L’absence de toute règle spécifique relative à ces accords laisse ainsi en suspens de nombreux problèmes juridiques, tels que la procédure de négociation, la légitimité des acteurs à négocier, la qualification juridique ou encore le suivi et la mise en œuvre des accords. Ces incertitudes viennent peser sur l’impact réel que peuvent avoir ces accords à l’égard de leur objectif premier : concrétiser les droits sociaux fondamentaux des travailleurs à travers le monde – en termes juridiques, on parle ainsi d’une « effectivité » qui demeure relative. De ce fait, les organisations syndicales européennes, et plus particulièrement la Confédération européenne des syndicats, militent pour l’adoption d’un cadre juridique européen optionnel pour ces accords, afin d’en garantir une meilleure application. Mais l’absence de règles est aussi un gage de flexibilité du point de vue des entreprises, ce qui explique que la définition d’un cadre européen demeure en suspens.

La forte dynamique d’adoption de tels accords révèle que ceux-ci vont désormais au-delà d’une simple volonté de « marketing social » émanant de l’entreprise transnationale. En effet, d’une part, ces accords traduisent une entente ou un consensus entre la direction de l’entreprise et les représentants des travailleurs, ce qui octroie à leur contenu une réelle légitimité. D’autre part, ils contribuent à renforcer les pratiques de dialogue social transnational et à diffuser au sein du réseau d’acteurs de la chaîne de valeur mondialisée les principes d’un « volet social de la globalisation ». Si la réflexion doit se poursuivre pour garantir une meilleure effectivité à ces accords, il n’en demeure pas moins qu’ils représentent un outil important et prometteur pour promouvoir les droits des travailleurs et la RSE à travers le monde.

Cette étude est subdivisée en deux grandes parties. La première analyse l’intérêt politique de tels accords pour les partenaires sociaux, leurs résultats et leurs limites. La seconde se présente comme un guide pratique et juridique, offrant des points de repères aux acteurs intervenant dans les négociations transnationales : nature, portée et objet des accords, choix des négociateurs, dispositions à prévoir en vue d’une meilleure effectivité des accords.

Méthode de cette étude

Cette étude est une adaptation synthétique et simplifiée de la thèse de doctorat en droit social de Mathilde Frapard, soutenue à l’université de Strasbourg en septembre 2016, intitulée La protection négociée des droits sociaux fondamentaux des travailleurs : contribution à l’étude des accords d’entreprise transnationaux.

Elle s’appuie principalement sur l’analyse de la base de données de la Commission européenne et de Planet Labor recensant les accords d’entreprise transnationaux (voir liste des accords sur www.la-fabrique.fr). Le texte de certains accords référencés dans la base n’était pas diffusé8 à l’époque de la rédaction de la thèse et n’a donc pas pu faire l’objet d’une analyse. De ce fait, ces accords n’ont pas été intégrés dans le champ de notre étude. En août 2016, nous recensions 267 accords d’entreprises transnationaux conclus dans 165 entreprises. Une quinzaine d’accords supplémentaires ont été signés depuis cette date. Entre 2006 et 2016, la conclusion de tels accords a presque triplé, témoignant de l’engouement des entreprises transnationales, toutes nationalités confondues, pour la négociation transnationale d’entreprise.

L’étude repose aussi sur 30 entretiens menés entre 2013 et 2016 auprès d’acteurs des négociations d’accords d’entreprise transnationaux.

  • 1. Parlement européen, Rapport « sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational » (2012/2292(INI)) du 15 juillet 2013.
  • 2. UNCTAD/WIR/2002, p. 1.
  • 3. Très souvent reprise sans source dans des articles critiques sur la mondialisation, cette citation a comme source secondaire repérée Jacques B. Gélinas, La globalisation du monde : Laisser faire ou faire?, Les éditions Écosociété, 2000.
  • 4. L’expression « privatisation » est empruntée à R.-C. Drouin, « Les accords-cadres internationaux : enjeux et portée d’une négociation collective transnationale », Les cahiers de droit, vol. 47, n°4, 2006, p. 703.
  • 5. CISL. 2004. Guide syndical de la mondialisation, 2ème Bruxelles, p. 102.
  • 6. Parmi lesquels l’Allemagne, l’Italie, et la Suisse. L’Initiative populaire fédérale « Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement » a été déposée en octobre 2016. Les Suisses seront amené à voter sur ce texte d’ici à 2019. Voir aussi infographie « L’Europe avance » du Forum citoyen pour la RSE http://forumcitoyenpourlarse.org/infographie-sur-le-devoir-de-vigilance-en-europe-nouvelle-publication-du-fcrse/
  • 7. Rappelons que le comité d’entreprise européen (CE Européen), dont la compétence est circonscrite aux questions transnationales, a été mis en place par une directive européenne de 1994 et concerne les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire qui emploient 1 000 salariés et plus dans les États membres de la Communauté européenne et dans l’Espace Économique Européen, et qui comptent au moins un établissement ou une entreprise employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces États. Une entreprise ayant son siège social en dehors de l’Union européenne mais répondant à ces deux conditions cumulatives peut donc aussi être amenée à devoir mettre en place un CE Européen.
  • 8. Par exemple, l’accord British Airways et l’accord CSA Airlines n’étaient pas diffusés en 2016.

 

Partie 1 – Intérêt et limites de l’accord d’entreprise transnational

Chapitre 1

Un accord d’entreprise transnational, pour quoi faire ?

Avant d’entreprendre la négociation d’un accord d’entreprise transnational, les entreprises transnationales doivent en mesurer tous les enjeux. Quels sont pour les entreprises transnationales les avantages, les inconvénients et les contraintes d’une telle démarche (un tableau de synthèse est présenté en fin de chapitre) ? Les justifications convergent-elles ou divergent-elles selon que l’on se place du côté de la direction du groupe ou du côté des représentants des travailleurs ? À partir d’une trentaine d’entretiens menés avec des acteurs de ces négociations, couplée à l’analyse des documents produits par ces acteurs, on voit émerger des justifications récurrentes d’ordre politique et juridique, tantôt favorables ou défavorables à la conclusion de tels accords.

1. Des justifications d’ordre politique plutôt favorables à l’élaboration des accords

A. Harmoniser et promouvoir la politique sociale au sein du groupe

L’une des premières justifications pour une entreprise transnationale de conclure un AET réside dans sa volonté d’harmoniser les politiques sociales dans l’ensemble du groupe, c’est-à-dire dans les filiales implantées dans des pays aux cultures et aux législations différentes, voire fortement divergentes.

C’est, par exemple, la position de l’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (UIMM) qui considère que la négociation et la conclusion de tels accords favorisent le développement d’une politique sociale européenne et internationale vouée à s’appliquer à l’ensemble des filiales d’un groupe9. L’harmonisation des politiques sociales internes au groupe contribue alors à « simplifier et accélérer les procédures RH et également réaliser des économies ». Selon l’organisation patronale, l’accord d’entreprise transnational se présente comme un moyen de renforcer la cohésion au sein d’un groupe, afin de renforcer le sentiment d’appartenance des différentes filiales. Cette cohésion peut être favorisée par le partage de « valeurs communes à l’ensemble des salariés d’un groupe employés dans des pays ayant une culture et une législation différentes ».

Au sein du groupe Thales, les motivations pour ouvrir la négociation étaient fortement liées au déploiement, à l’échelle internationale, d’une politique sociale de groupe10. La volonté de la direction de Thales était de faire en sorte que la politique sociale du groupe soit de mieux en mieux diffusée dans tous les pays où ses filiales sont implantées mais aussi que les salariés puissent s’approprier concrètement cette politique sociale.

Benchmarking avant accord

Certaines entreprises telles que Thales et Areva ont effectué un travail préparatoire à l’accord, à travers des méthodes de benchmarking, visant à recenser les bonnes pratiques mises en œuvre par les différentes filiales du groupe dans le but de ne retenir que les meilleures d’entre elles. De telles méthodes permettent à la fois de découvrir des pratiques originales et intéressantes, mais aussi de combattre les idées reçues et les préjugés que pourraient avoir certaines filiales à l’égard d’autres filiales étrangères. Elles favorisent le nivellement par le haut de l’ensemble des droits sociaux des filiales d’un groupe pour viser l’objectif ultime d’une harmonisation des législations et pratiques nationales à travers l’Europe et le monde. En amont de la négociation chez Thales, le Directeur des Ressources Humaines du groupe a demandé aux DRH des pays dans lesquels le groupe comptait le plus de salariés d’identifier, en concertation avec leurs représentants du personnel, les bonnes pratiques développées dans chaque pays en termes d’anticipation, de développement professionnel, de gestion des compétences et de formation. Ensuite, il a consolidé les pratiques qui avaient abouti aux meilleurs résultats, dont les filiales étaient fières et qu’elles souhaitaient partager et mettre en commun avec les autres pays.

L’accord Schneider Electric de 2007 a également procédé du constat selon lequel certaines politiques menées au niveau national en France et dans d’autres États avaient porté leurs fruits ; ces bonnes pratiques pouvaient alors être étendues au niveau européen via un accord transnational11.

Ouvrir une négociation en vue d’un accord d’entreprise transnational peut également représenter l’occasion d’accompagner l’évolution de la politique sociale à mesure que de nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux apparaissent et se développent. Au niveau européen, ces innovations se manifestent par exemple dans les domaines de la responsabilité sociale de l’entreprise, de l’égalité des chances, et de la santé et sécurité au travail. À ce titre, le groupe Renault fit le constat, préalablement à la négociation de son accord de juillet 201312, qu’entre son premier accord datant de 200413 et dix années plus tard, l’entreprise n’était plus la même, et que les notions de développement durable et de responsabilité sociale ne correspondaient plus aux notions évoquées en 200414.

B. Améliorer les relations sociales internes au groupe

Les directions d’entreprises aussi bien que les représentants des salariés considèrent souvent les accords d’entreprise transnationaux comme des processus susceptibles d’améliorer les relations sociales au sein du groupe. La négociation d’un accord d’entreprise transnational peut conférer une nouvelle dimension aux relations sociales internes et les dynamiser de manière positive. Mais cela présuppose l’existence, au sein de l’entreprise, d’une culture préalable du dialogue social. Quand celle-ci fait défaut, les directions générales sont beaucoup plus réticentes à s’engager dans une telle démarche.

Renforcer le dialogue social au sein du groupe

Un document non juridique émanant de l’OIT indique que l’une des raisons conduisant à la conclusion d’un accord d’entreprise transnational réside dans le fait qu’un tel accord constitue un outil propice au renforcement du dialogue social, en instituant un nouvel espace de communication et de coopération avec les syndicats et les représentants des travailleurs15. Il apparaît, de manière non surprenante, que la majorité des accords transnationaux ont été négociés et conclus « au sein d’entreprises disposant d’une culture du dialogue social forte et pérenne»16.

L’exemple typique est celui de Danone (ex BSN), pionnière dans la négociation et la conclusion d’accords d’entreprise transnationaux. « Dans les années 1980, il s’était constitué un comité ad hoc comme lieu d’échange de vues sur l’évolution du groupe »17 puis, parallèlement, se sont construites des relations entre la direction et les représentants des travailleurs qui ont permis la négociation des premiers accords au sein du groupe.

De même, la Société européenne Allianz dispose d’une tradition de dialogue social, avec l’institution d’un comité d’établissement européen créé conformément aux règles de la Société européenne18. Le dialogue social chez Allianz est empreint, pour partie, d’une spécificité allemande dont la logique veut que « la direction et les représentants des salariés des différents États partent de ce qui les rapproche, pour s’engager dans l’intérêt général sans entrer dans des sommes de détails. Seulement, une fois que l’accord est signé, chacun s’engage »19.

Dans le cadre de la négociation de l’accord IDEA du groupe Thales20, il existait une volonté de renouveler le dialogue social européen, bien que Thales ait déjà institué un comité d’entreprise européen depuis 1993. « L’ouverture d’une négociation transnationale a été l’occasion de faire revivre entièrement le dialogue social européen en changeant l’équilibre des acteurs »21. En effet, Thales possède un comité d’entreprise européen avec une majorité de représentants français. Dans le cadre de la négociation européenne de l’accord IDEA, le groupe a permis aux salariés non-français de s’exprimer davantage. Ceux-ci ont alors manifesté une participation autrement plus active que dans le cadre plus figé du comité d’entreprise européen.

De même, la direction de la société Axa Assistance22 s’est rendu compte de « la nécessité d’avoir du dialogue social transnational en entreprise »23 et a négocié en 2011 l’accord européen Axa Assistance portant sur l’anticipation des changements au sein de la société.

Il est en outre admis par la Commission européenne que la négociation et la con-clusion d’un accord d’entreprise transnational améliorent les relations entre la direction et les syndicats signataires, ceux-ci devenant ainsi « acteurs de l’élaboration de la politique sociale à un niveau qui dépasse le cadre national »24. Pour certaines entreprises, les accords d’entreprise transnationaux permettent d’instaurer un cadre global de collaboration avec les organisations syndicales, ce qui contribue alors à améliorer la gestion des relations de travail au sein de l’entreprise. Si le groupe Areva a pu engager dès 2006 un processus de négociation transnational en faveur de l’égalité des chances, c’est parce qu’il existait déjà un socle solide et favorable au dialogue social en son sein25.

Désamorcer les conflits sociaux

Les entreprises souhaitent aussi favoriser le dialogue social aux fins d’éviter les conflits sociaux : l’accord d’entreprise transnational apparaît alors comme un outil de paix sociale. La Commission européenne reconnaît cette vertu pacifique de prévention des conflits liée à la conclusion d’un accord d’entreprise transnational26. Certaines entreprises transnationales ont pu souligner l’effet préventif de tels accords en tant qu’outil d’évitement des conflits ou de campagnes syndicales, dans le cas où de tels conflits étaient sous-jacents27. Ainsi, l’Organisation Internationale des Employeurs (OIE) voit-elle dans leur conclusion « un instrument de paix sociale, un outil de développement et d’approfondissement de la culture du dialogue et du partenariat avec les organisations syndicales, un instrument de développement de l’entreprise comme une entité globale, une opportunité d’harmoniser les relations avec les syndicats, un outil pour aider à la résolution de crise »28.

Mais certaines entreprises ne cachent pas le fait que l’entrée dans ce type de démarche découle souvent des pressions exercées par les syndicats. Dans le groupe Renault, les accords d’entreprises transnationaux ont pu procéder initialement davantage de « demandes ou de pressions exercées par les syndicats »29 que d’une initiative partagée.

Il ressortait déjà d’entretiens menés en 2003 et 2004 auprès de secrétaires généraux de fédérations syndicales internationales (Bourque, 2005)30 que les directions de certaines entreprises transnationales européennes, issues de divers secteurs (secteurs de l’automobile, de la chimie, de l’alimentation et de la téléphonie), avaient pu être influencées par la pression de certains syndicats pour s’engager dans une démarche de responsabilité sociale d’entreprise et de négociation d’accords d’entreprises transnationaux.

C. Promouvoir l’image de marque de l’entreprise

Le discours des entreprises révèle que conclure un tel accord participe d’une volonté de mettre en lumière une bonne image de marque. Les entreprises ont aujourd’hui le souci de leur réputation, qu’elles entretiennent notamment au travers de leurs activités économiques responsables et de leur engagement sociétal. Pour une entreprise transnationale qui opère sur un marché économique mondialisé, il est important, vis-à-vis de la société civile et des consommateurs, d’apparaître comme une entreprise responsable et transparente.

Se lancer dans la négociation et la conclusion d’un accord de ce type peut être alors un moyen de restaurer une image dégradée du fait de pratiques et de politiques contestables dénoncées par les médias et les ONG lors de campagnes publiques.

Par exemple, l’entreprise Chiquita31, spécialisée dans la culture bananière, imposait des conditions de travail indignes à ses travailleurs, tout en ne respectant pas les droits syndicaux. Sous la pression publique exercée par les ONG et les fédérations syndicales internationales, l’entreprise s’est vue dans l’obligation de négocier et de conclure un accord protégeant les droits des travailleurs32 (Bourque, 2005). De même, les sous-traitants de l’entreprise suédoise Ikea recouraient au travail forcé et au travail des enfants, pourtant bannis par les conventions de l’OIT. Sous la pression médiatique, un accord-cadre a alors été élaboré avec la FITBB (Fédération Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois). Signé en 2001, l’accord reconnaît les huit droits fondamentaux de l’OIT (Bourque, 2005) (voir chapitre 4, p. 74).

L’accord d’entreprise transnational peut alors se concevoir comme un outil de communication externe reflétant l’implication de l’entreprise transnationale dans la sphère sociale. En ce sens, l’OIE considère que l’AET peut être « un outil au service de l’image de l’entreprise dans un système concurrentiel, un outil d’évitement de problèmes avec d’autres acteurs sociaux ou institutionnels »33. Les accords transnationaux apparaissent comme des vecteurs de moralisation des relations de travail mais aussi des relations commerciales.

Certaines entreprises s’intéressent à la question des accords d’entreprise transnationaux par « mimétisme concurrentiel », dès lors qu’elles constatent l’engouement qu’ont d’autres entreprises de leur secteur pour une telle négociation. Tel a été un des facteurs déclencheurs chez Renault, parallèlement à un questionnement bien réel de l’entreprise sur l’intérêt que pouvait présenter un accord d’entreprise transnational34. Les entreprises transnationales sont donc attentives aux initiatives prises par leurs concurrents. Ainsi, lorsqu’elles entendent dire que la négociation et la conclusion d’un accord d’entreprise transnational se sont bien déroulées et ont produit des effets positifs, elles portent par la suite un intérêt plus marqué à la négociation transnationale d’entreprise. Elles peuvent alors s’organiser en réseau, en s’appuyant sur leur organisation patronale pour échanger sur ces sujets35.

En outre, les entreprises transnationales peuvent être passées au crible des agences de notation et, plus particulièrement, des agences de notation extra-financière, qui se sont développées dans les années 200036. Leurs audits consistent en l’évaluation des entreprises « au regard de leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance »37, c’est-à-dire des domaines qui ne sont pas pris en compte dans l’évaluation des agences de notation financière. Ces audits sont rendus publics, de sorte qu’une entreprise transnationale ne peut que difficilement en faire abstraction. Les procédures et critères sociaux d’évaluation de ces agences de notation conduisent de plus en plus d’entreprises à s’intéresser à la signature d’un accord d’entreprise transnational. Parallèlement à la pression exercée tant par les organisations syndicales internationales, européennes et nationales que par les ONG, une nouvelle forme d’influence émane donc de ces agences de notation.

D. Les réticences exprimées par certaines entreprises

En dépit des raisons politiques pouvant plaider en faveur de tels accords, certaines entreprises manifestent des réticences face à ce type de négociation.

Un premier ordre de réticences peut être résumé par l’expression « mettre le doigt dans un engrenage ». Les entreprises attirent l’attention sur le renforcement des activités syndicales susceptible d’en résulter. L’UIMM indique que s’engager dans une négociation d’accords de ce type « implique la mise en place de structures de négociation qui risquent de devenir permanentes »38. Pour l’organisation patronale, la négociation transnationale dans le secteur de la métallurgie peut générer, au sein de l’entreprise, une influence accrue des organisations syndicales impliquées dans ces négociations, telle IndustriAll Europe, une fédération syndicale européenne aujourd’hui très active dans la négociation d’accords d’entreprises transnationaux.

Certains employeurs, dont l’OIE, soulignent en outre la possibilité qu’une action collective dans un État déclenche des grèves solidaires dans d’autres États, du fait de l’existence d’un tel accord39. Cette organisation internationale d’employeurs insiste également sur le risque qu’un accord oblige la direction à rencontrer de manière régulière les fédérations syndicales internationales pour évaluer la conformité de l’entreprise avec les standards internationaux. Et, dans le cas où la fédération internationale cons-taterait que certaines conditions de travail violent les standards internationaux, les entreprises se verraient alors obligées de s’engager à nouveau dans une série de négociations collectives au niveau national mais aussi au niveau international.

Les employeurs perçoivent en outre dans la négociation et la conclusion de ce type d’accords le risque que l’accord exige la révélation d’informations sensibles qui, dans l’intérêt du groupe, ne devraient pas être diffusées aux représentants des salariés. Plus largement, des pressions pourraient être exercées par les représentants des travailleurs pour échanger, obtenir des informations ou connaître les stratégies de l’entreprise dans des domaines non couverts par l’accord.

Par ailleurs, tout en attirant l’attention des entreprises de son secteur sur l’intérêt de tels accords, l’UIMM a souligné qu’« un des risques de la négociation transnationale est un dérapage des coûts par rapport à ceux initialement évalués »40 en termes de temps et de logistique (déplacements, frais de traduction, etc.).

Enfin, il apparaît que des facteurs d’ordre géographique et culturel peuvent freiner les entreprises à s’engager dans la promotion des droits sociaux fondamentaux au niveau des filiales. En effet, de manière générale, de nombreuses difficultés de mise en œuvre des accords d’entreprise transnationaux se posent au sein de pays éloignés de l’Europe sur un plan géographique et culturel. Les entreprises transnationales peuvent hésiter « à s’engager, sur le plan des droits sociaux, dans les pays qui ne sont pas ce qu’on appelle des États de droit [car] elles pourraient y développer des pratiques sociales en contradiction avec le contenu d’un [accord-cadre international] dont elles sont par ailleurs signataires » (Descolonges, 2010). Or, l’une des vertus de ces accords est en principe de faire progresser les droits sociaux fonda-mentaux des travailleurs dans les pays en développement.

La Commission européenne relève parfois aussi l’existence d’un sentiment d’indignation de la part des managers et des représentants des salariés au niveau national, à l’égard des mesures conventionnelles qui leur sont imposées par le niveau transnational.

Bien que les enjeux d’ordre politique plaident, de manière générale, plutôt en faveur des accords d’entreprise transnationaux, des réticences face une telle négociation peuvent donc s’exprimer. Ce type de réticence peut aussi provenir du vide juridique dans lequel se développent ces accords.

2. Une insécurité juridique pouvant freiner l’adoption des accords

L’insécurité juridique liée à la conclusion d’un accord d’entreprise transnational peut contribuer à freiner le recours à de tels accords. En effet, l’accord d’entreprise transnational est un instrument juridique atypique qui émerge en dehors de tout cadre juridique spécifique. Toutefois, cette absence de cadre est aussi considérée comme une source de flexibilité par les acteurs, notamment patronaux. Ce qui explique sans doute les réticences qui s’expriment à l’égard d’une possible réglementation juridique de ce type d’accord au niveau de l’Union européenne, qui reste en débat.

A. Instruments unilatéraux versus négociation collective

L’accord d’entreprise transnational est un instrument juridique atypique qui formalise la contractualisation bilatérale d’engagements transnationaux entre la direction d’une entreprise et les représentants des travailleurs.

Certaines entreprises ne voient ni l’intérêt ni l’apport juridique de ce nouvel outil. Elles vont jusqu’à considérer cet « OVNI juridique » comme inutile41, voire dange-reux. Selon elles, d’autres instruments existent déjà, tels les codes de conduite, les chartes éthiques ou les déclarations émanant de l’employeur, qui sont tout aussi efficaces pour atteindre les objectifs poursuivis. La conclusion de tels accords ne ferait finalement que susciter des engagements supplémentaires pour les directions.

Le groupe Alcatel-Lucent, par exemple, confronté à des restructurations, souhaitait mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle transnationale. La direction a finalement privilégié l’acte unilatéral plutôt que l’accord bipartite, alors que des échanges avec le comité d’entreprise européen avaient déjà été enclenchés en vue d’aboutir éventuellement à un accord42.

Du côté des organisations syndicales internationales comme l’ancienne Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL, devenue CSI)43, on considère en revanche que les engagements unilatéraux pris par l’employeur et retranscrits au sein de codes de conduite ne peuvent en aucune manière se substituer à la négociation transnationale d’entreprise et, consécutivement, aux accords d’entreprise transnationaux44.

En effet, dans les relations de travail, les accords « constituent un instrument mieux adapté que les codes de conduite à la défense des intérêts et des droits des travailleurs à l’emploi des entreprises multinationales » (Bourque, 2005)45 et ce, même s’il arrive que les accords transnationaux se réfèrent ponctuellement aux codes de conduite de l’entreprise46. Pour la CISL, « la seule véritable manière de garantir le respect des droits du travail est d’avoir un syndicat sur place», d’où l’intérêt considérable qu’un syndicat soit partie à l’accord47.

Une confusion peut aussi se produire lorsque les accords transnationaux sont dénommés « code de conduite ». C’est le cas par exemple du Code de conduite du groupe Icomon de 2008, du « Code de conduite sur la responsabilité sociale » du groupe Portugal Telecom de 2006 ou encore du « Code de conduite travail intérimaire » du groupe Recticel de 2010. En réalité, ces textes ne correspondent pas à des engagements unilatéraux de l’employeur, mais sont bien des accords d’entreprise transnationaux conclus bilatéralement.

Les organisations syndicales se positionnent donc en faveur d’une négociation transnationale comme alternative à l’engagement unilatéral de l’employeur retranscrit au sein des codes de conduite. L’accord d’entre-prise transnational apparaît, pour les organisations syndicales, beaucoup plus équilibré par rapport à un code de conduite, dans la mesure où elles auront non seulement contribué a priori à la négociation de son contenu et à sa conclusion, mais également à sa diffusion et à son application a posteriori.

B. L’absence de cadre juridique réglementant les accords d’entreprise transnationaux

L’absence de cadre juridique réglementant les accords d’entreprise transnationaux, dans la procédure de leur négociation comme dans leurs effets, suscite de nombreuses questions et débats depuis la conclusion du premier accord par BSN (devenu Danone) en 1988 et l’essor qui en a suivi. Les accords d’entreprise transnationaux restent des « accords volontaires qui ne sont aujourd’hui soumis à aucune contrainte légale ou réglementaire » (Bourque, 2005). Par conséquent, la question centrale des effets juridiques de ces accords atypiques demeure posée.

Les risques ou complications juridiques les plus souvent évoqués sont :

  • Le conflit entre normes conventionnelles.
    En instituant un niveau de normes supplémentaire, l’accord transnational contribue à créer un flou et multiplie les possibilités de conflits entre dispositions conventionnelles applicables. La question se pose en effet de savoir quelles dispositions con-ventionnelles, transnationales ou nationales, auront vocation à s’appliquer et à primer les unes sur les autres48 (voir 2e partie).
  • La juridiction à saisir en cas de conflit
    relatif à l’interprétation ou au non-respect de l’accord, et d’autre part, la loi applicable à l’accord
    49. En effet, un accord transnational ayant vocation à s’appliquer dans différents États, convient-il, en cas de litige, d’appliquer la loi de l’État du siège de l’entreprise transnationale ou la loi nationale choisie par les parties, ou encore une loi sociale transnationale ?
  • Les rapports conflictuels avec le droit local. La mise en œuvre de l’accord d’entreprise transnational peut se heurter aux dispositions du droit local. L’exemple le plus édifiant est celui des accords transnationaux reprenant les huit conventions fondamentales de l’OIT, afin de les appliquer à des filiales implantées dans des
    États n’ayant pas ratifié lesdites conventions. Cette situation peut conduire les entreprises à se référer dans leurs accords aux « normes les moins contraignantes comme le Pacte mondial de l’ONU » (Daugareilh, 2005), et à éviter ainsi la référence aux normes internationales contraignantes, tel le strict renvoi aux conventions fondamentales de l’OIT, contribuant ainsi à dévaluer le sens et la portée des droits sociaux fondamentaux.

Ces incertitudes suscitent un sentiment d’insécurité juridique pour les acteurs de la négociation collective, et notamment pour les directions d’entreprises, pouvant freiner la volonté de négocier de tels accords. Dans l’ombre de ces diverses interrogations soulevées par les acteurs de la négociation transnationale, se dissimule une question de fond, majeure et non résolue : celle du caractère contraignant ou non de l’accord d’entreprise transnational (voir 2e partie).

En amont de cette question centrale des effets juridiques de tels accords, se pose la question de la procédure de négociation, de même que celle de la légitimité des acteurs à négocier et à signer l’accord en l’absence de cadre (voir 2e partie).

La pratique nous apprend que les négociateurs et signataires sont, d’un côté, un représentant de la direction centrale de l’entreprise ou du groupe transnational et, de l’autre côté, un représentant d’une fédération syndicale internationale et/ou européenne, et/ou d’une organisation syndicale nationale, et/ou du comité d’entreprise européen (Ales et al., 2006). Le négociateur n’est d’ailleurs pas systématiquement le signataire de l’accord. Dans l’attente de l’éventuel établissement d’un cadre juridique, certaines fédérations syndicales, dont IndustriAll Europe, ont d’ores et déjà mis en place une procédure-type de négociation50 (voir partie 2, p. 103 et 109).

La procédure de négociation peut elle-même faire l’objet d’une négociation. Cela a été le cas dans le groupe EADS qui a conclu un accord relatif à la procédure de négociation sociale au niveau européen, lequel a vocation à être appliqué pour toute négociation future51.

Une fois l’accord signé, se pose également le problème du renouvellement de cet accord, car aucune règle ne s’appliquant strictement à la négociation des AET, ceux-ci peuvent être conclus pour une durée déterminée. Avant l’échéance de son terme, l’accord peut, à l’initiative de l’une des parties, être révisé. Cette renégociation de l’accord peut alors alourdir l’agenda social des entreprises transnationales, lequel est déjà rythmé par les négociations nationales. Un avantage découle toutefois de la faculté de renégociation : celui d’actualiser les clauses de l’accord en fonction des évolutions de la société et du droit, à l’image du groupe Rhodia, avant son rachat par Solvay, qui avait négocié un premier accord mondial de responsabilité sociale avec l’ancienne fédération internationale ICEM (devenue IndustriAll Global Union) en 2005, avant de le réviser en 2008 et 2011.

C. Un cadre juridique européen ?

Les incertitudes relatives à la nature juridique des accords d’entreprise transnationaux ont conduit à réfléchir à la pertinence d’élaborer un cadre juridique pour ces accords. La question a été analysée en profondeur dans un rapport commandé par la Commission européenne et réalisé en 2006 sous la coordination du professeur Edoardo Ales (Ales et al., 2006). Ce rapport relève que le mutisme existant dans le droit communautaire, et aujourd’hui encore dans le droit de l’Union européenne, quant à une réponse transnationale structurée sur le sujet, constitue « une opportunité manquée pour développer une réglementation sûre et uniforme des questions sociales pertinentes qui s’élèvent à l’échelle transnationale ». Est soulignée l’absence d’un cadre juridique spécifique et exhaustif s’agissant de la procédure, de la légitimité des acteurs de la négociation et de l’effet contraignant que revêtent les accords. Pour le professeur Edoardo Ales, une telle lacune contribue probablement à entraver le développement d’une dimension transnationale par « la reconnaissance d’un rôle autonome par rapport à la négociation collective nationale ou à l’intervention des institutions européennes ; et par la garantie directe et homogène de l’effet des accords signés au niveau transnational qui inciterait les parties à la négociation à introduire des thèmes normatifs dans l’agenda social transnational ». La réflexion se poursuit à l’heure actuelle. En l’absence de statut juridique, les accords d’entreprise transnationaux n’existent que de facto et non de jure.

Pour les organisations patronales, les directions d’entreprise et même pour certaines organisations syndicales, la mise en place d’un cadre juridique impliquerait cependant une perte de flexibilité dans la négociation.

Pour Business Europe, association patronale européenne, ainsi que pour la fédération patronale de la métallurgie européenne, la CEEMET, établir un cadre juridique européen ne se justifie pas par rapport à la faible proportion d’entreprises transnationales ayant fait le choix de la conclusion de tels accords. Seul un peu plus d’une centaine d’entreprises transnationales européennes se sont engagées dans une telle négociation, alors que 53 000 autres entreprises ne sont aujourd’hui pas concernées52. Beaucoup d’entreprises transnationales souhaitent garder la flexibilité juridique attachée à ce type de négociation et d’accord. Nombre d’accords d’entreprise transnationaux expriment ainsi la culture propre à l’entreprise transnationale qui signe. Pour conforter cette thèse avancée par Business Europe, il est rapporté qu’une forte proportion d’entreprises transnationales ayant signé des accords transnationaux relate une expérience positive de leurs accords. Pour certaines d’entre elles, en faisant ce choix, elles n’entendent initialement pas forcément conférer à leur accord un effet juridique contraignant.

De leur côté, la Confédération européenne des syndicats (CES) et les fédérations syndicales européennes se positionnent plutôt en faveur de l’établissement d’un cadre optionnel à la négociation transnationale d’entreprise53. Elles entendent par « optionnel » le fait que les partenaires sociaux conserveraient la liberté de se situer ou non dans un tel cadre juridique.

Il est probable que l’établissement d’un cadre juridique optionnel pour les accords d’entreprise transnationaux continuera d’être un sujet de réflexion majeur dans les années qui viennent. L’objectif d’un tel cadre résiderait dans la garantie d’une meilleure effectivité de ces accords, en leur conférant notamment une valeur juridique incontestable. Toutefois, l’adoption de ce cadre n’est pour l’heure pas inscrite à l’agenda politique de la Commission européenne et les organisations d’employeurs y demeurent farouchement hostiles.

***

Les enjeux politiques et juridiques d’une négociation transnationale se retrouvent finalement étroitement liés. La signature des accords d’entreprise transnationaux repose toujours sur la volonté des négociateurs. Quand la négociation et la conclusion de tels accords connaissent le succès, c’est parce que la direction de l’entreprise et les repré-sentants des salariés sont tous convaincus des avantages réciproques d’une telle signature54.

 

Tableau 1. Atouts, contraintes et limites de la conclusion d’un accord entreprise transnational du point de vue patronal

 

  • 9. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , octobre 2011, p. 9.
  • 10. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Cécile Dufoix, Juriste droit social du groupe Thales, 11 juin 2014.
  • 11. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Cyrille Bolzinger, Directeur des affaires sociales européennes du groupe Schneider Electric, 21 mai 2014.
  • 12. Accord-cadre mondial de responsabilité sociale, sociétale et environnementale entre le groupe Renault, le Comité de Groupe Renault et IndustriAll Global Union, 2 juillet 2013.
  • 13. Déclaration relative aux Droits Fondamentaux du Groupe Renault du 12 octobre 2004.
  • 14. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant des travailleurs du groupe Renault.
  • 15. International Training Centre of the International Labour Organization, Key issues for management to consider with regard to Transnational Company Agreements , Turin, 1 st edition, 2010, p. 10.
  • 16. Ibid. (traduction non-officielle réalisée par nous).
  • 17. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Bruno Vannoni, Président de l’EFFAT (Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme), 11 juillet 2013.
  • 18. Une société européenne (societas europaea , SE) est une société qui peut exercer ses activités dans tous les États membres de l’Union européenne sous une forme juridique unique et commune à tous ces États, définie par le droit communautaire. Le statut de société européenne est officiellement entré en vigueur le 8 octobre 2004 par le Règlement communautaire n°2157/2001 du 8 octobre 2001. En 2014, il y avait 2115 sociétés européennes en Europe, dont 23 en France. Allianz a été la première société à adopter ce statut.
  • 19. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Jean-Jacques Cette, vice-président du comité d’établissement européen de la SE Allianz, 5 novembre 2013.
  • 20. IDEA : Improving Professional Development through Effective Anticipation (améliorer le développement professionnel par une démarche effective d’anticipation). Nom de l’accord européen de Thales conclu en 2009.
  • 21. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Cécile Dufoix, Juriste droit social du groupe Thales, 11 juin 2014.
  • 22. Axa assistance, filiale du groupe Axa, est une entreprise internationale implantée dans plus de 30 pays et comptant plus de 6000 salariés dans le monde.
  • 23. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’Olivier Pelras, secrétaire du Comité Européen du Groupe (CEG) Axa, et de Sébastien Isenbrandt, membre du CEG et membre du bureau restreint, 21 octobre 2013.
  • 24. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 10.
  • 25. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant de la direction d’Areva.
  • 26. SWD (2012) 264 final, p. 4.
  • 27. International Training Centre of the International Labour Organization, op. cit., p. 10.
  • 28. International Organisation of Employers (IOE), International Framework Agreements. An employers’ guide, September 2005, p. 8.
  • 29. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 10 ; voir également International Training Centre of the International Labour Organization, Key issues for management to consider with regard to Transnational Company Agreements , op. cit. , p. 10.
  • 30. L’auteur a mené des entretiens auprès des secrétaires généraux de la FIOM, de l’ICEM (ayant toutes deux fusionné avec FITTHC pour devenir IndustriAll Global Union), de l’UITA et de UNI en décembre 2003, janvier et février 2004.
  • 31. Ex United Fruits.
  • 32. Accord-cadre international « sur la liberté d’association, les normes minimales de travail et l’emploi dans les exploitations bananières latino-américaines ».
  • 33. IOE, International Framework Agreements. An employers’ guide, op. cit. , p. 8.
  • 34. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Martine Derdevet, Juriste droit international du Groupe Renault, 12 juin 2014.
  • 35. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Delphine Rudelli, Directrice des relations internationales et européennes de l’UIMM, 6 mai 2014.
  • 36. Selon Novethic, les principales agences de notation opérant en Europe sont : EIRIS (Grande-Bretagne), Inrate (Suisse), MSCI (États-Unis), Oekom (Allemagne), Sustainalytics (Pays-Bas) et Vigeo (France).
  • 37. www.novethic.fr
  • 38. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 11.
  • 39. IOE, International Framework Agreements. An employers’guide, op. cit. , p. 7.
  • 40. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 12
  • 41. International Training Centre of the International Labour Organization, Key issues for management to consider with regard to Transnational Company Agreements , op. cit. , p. 11.
  • 42. Propos recueillis auprès d’un représentant du Comité d’entreprise européen du groupe Alcatel-Lucent.
  • 43. La CISL s’est dissoute en 2006 pour devenir la Confédération Syndicale Internationale (CSI).
  • 44. CISL, Guide syndical de la mondialisation , Bruxelles, 2002, p. 102.
  • 45. L’auteur fait référence à la position de la CISL sur les accords cadre internationaux énoncée dans son Guide syndical de la mondialisation , 2002.
  • 46. Par exemple, nous trouvons comme accords faisant référence au code de conduite du groupe : l’accord-cadre sur les droits sociaux fondamentaux et les conditions de travail de l’entreprise allemande MAN SE du 6 mars 2012, l’accord-cadre international de l’entreprise suédoise Saab du 13 juin 2012 et l’accord-cadre international de l’entreprise allemande Siemens du 25 juillet 2012.
  • 47. CISL, Guide syndical de la mondialisation , op. cit. , p. 106.
  • 48. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 12 ; International Training Centre of the International Labour Organization, Key issues for management to consider with regard to Transnational Company Agreements , op. cit. , p. 11.
  • 49. BDA (Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbande), Position on the working document on the future of transnational company agreements , December 2012, p. 5 ; UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , op. cit. , p. 11.
  • 50. La procédure de mandatement syndical a été adoptée en 2006 par la Fédération européenne de la Métallurgie (FEM) qui a fusionné avec la Fédération européenne des syndicats des mines, de la chimie et de l’énergie (EMCEF) et la Fédération syndicale européenne Textile, Habillement et Cuir (FSE-THC) pour former IndustriAll Europe en 2012.
  • 51. EADS, Accord relatif à la procédure de négociation sociale au niveau européen, septembre 2010 : « Le présent accord répond à ce souci et doit permettre de franchir une nouvelle étape dans l’approfondissement du dialogue social au sein du Groupe EADS. Il définit en effet la procédure à appliquer au niveau européen pour négocier un sujet transnational concernant l’ensemble du Groupe EADS ou l’une de ses divisions seulement ». L’objet de cet accord consiste alors à « définir la procédure de négociation au niveau européen, lorsque la Direction et les organisations syndicales souhaitent discuter d’un sujet transnational concernant au moins deux pays différents » .
  • 52. Business Europe, Position paper on « Transnational company agreement: Realising the potential of social dialogue », December 5, 2012.
  • 53. La CES s’est positionnée officiellement en faveur d’un cadre légal optionnel pour la première fois lors de la réunion de son comité exécutif d’octobre 2012, puis lors de la réunion du comité exécutif des 11 et 12 mars 2014, en adoptant une résolution sur la proposition de cadre juridique optionnel pour les négociations transnationales dans les entreprises multinationales. Elle précise dans cette résolution que « conjointement avec les FSE (Fédérations syndicales européennes), la CES prône la création d’un cadre juridique optionnel pour les accords d’entreprise transnationaux, à introduire par le biais d’une décision pleinement contraignante du Conseil conformément aux procédures du TFUE ».
  • 54. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Delphine Rudelli, Directrice des relations internationales et européennes de l’UIMM, 6 mai 2014.
Chapitre 2

Résultats des accords

L’objectif officiellement poursuivi par la plupart des accords d’entreprise transnationaux est l’amélioration de la protection des droits sociaux fondamentaux des travailleurs dans les États où les différentes filiales du groupe sont implantées, et ce grâce au dialogue social et à la coopération entre les différents acteurs sociaux plutôt que par des « mesures coercitives pour assurer la mise en œuvre des droits » (Drouin, Duplessis, 2009). Ces mécanismes coopératifs sont-ils efficaces ? Observe-t-on une amélioration de la protection des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ?

L’application globale d’un accord au sein d’un groupe reste toujours relative et difficile à évaluer, quand certaines filiales l’appliquent et d’autres pas. De nombreux facteurs inhérents à ce type d’accords rendent difficiles leur mise en œuvre. Néanmoins, on observe que certains ont conduit à une amélioration de la protection des droits des travailleurs dans des pays où certains droits fondamentaux ne sont pas respectés. Surtout, la principale vertu des AET est de contribuer indéniablement à la pratique d’un dialogue social transnational et à la constitution de nouveaux espaces d’échange et de coopération entre partenaires sociaux au niveau des filiales.

1. Une application des accords rarement homogène

L’application d’un accord d’entreprise transnational est rarement complète et homogène, mais plutôt relative. Dans quelle mesure une amélioration globale peut-elle être constatée lorsqu’au sein du groupe, des filiales mettent en œuvre les dispositions de l’accord, tandis que d’autres ne poursuivent pas cette démarche d’application ? Ou encore lorsqu’une partie seulement des dispositions de l’accord est correctement mise en œuvre ? Deux exemples illustrent cette difficulté.

Chez Areva, la mise en œuvre de la politique relative au handicap au sein des filiales, se traduisant notamment par « la promotion de l’insertion des personnes en situation de handicap » contenue dans l’accord ODEO de 2006, a donné lieu à une évaluation mitigée. En effet, le constat a été fait que « d’un côté, sur certains sites, les équipes managériales et syndicales ont bien fonctionné et ont aménagé des postes handicapés mais de l’autre, certains chefs d’établissement préfèrent payer une taxe handicap plutôt que d’appliquer la politique handicap »55.

Au sein du groupe GDF Suez, un cas d’application relative de l’accord a été soulevé concernant l’accord européen sur la GPEC56. La direction groupe GDF Suez a été alertée sur la non application d’une des dispositions de l’accord GPEC qui prévoyait la création de comités mixtes de territoire, soit par pays soit par territoire57, se réunissant deux fois par an pour avoir une vision transversale des thématiques de la GPEC sur un même grand bassin d’emploi. La mise en œuvre de ces comités s’est révélée très difficile et la perception des organisations syndicales a été en conséquence négative. Pour elles, le fait que ces comités territoriaux soient difficilement, voire pas du tout, mis en place, conduisait au constat que l’accord GPEC n’était pas appliqué. Or pour la direction, il ne fallait pas voir dans cette défaillance une inapplication totale de l’accord, car d’autres thèmes de l’accord étaient quant à eux appliqués. « C’est la difficulté entre la perception et la réalité. La mesure de l’application est donc difficile »58. La non-application de certaines clauses de l’accord ne signifie pas que l’accord dans son ensemble n’est pas appliqué.

De plus, il convient de préciser que lorsque les résultats du suivi de l’accord ne sont fournis que par les directions des filiales, cela laisse « toujours planer le doute sur leur véracité auprès des syndicats. Il y a donc une nécessité à ce que ces derniers soient pleinement impliqués dans la récolte et l’analyse des informations » (Santoro, 2015).

De manière générale, il est également possible d’établir le constat que les accords sont plus difficilement appliqués « dans les pays géographiquement et culturellement éloignés de l’Europe » (Descolonges, 2010).

2. Des exemples d’amélioration de la protection des droits sociaux fondamentaux des salariés

L’amélioration de la protection des droits sociaux fondamentaux s’observe de manière ponctuelle au sein de certains groupes transnationaux, plus particulièrement au niveau de certaines filiales. Il est difficile d’établir une analyse globale de l’effectivité de la protection des droits sociaux fondamentaux pour tous les accords car la tâche d’évaluation demeure considérable. Une obligation de confidentialité pèse en outre sur les acteurs sociaux interviewés s’agissant de l’information susceptible d’être diffusée hors de la sphère de l’entreprise. Il ressort toutefois des entretiens menés auprès d’acteurs sociaux et d’études empiriques déjà réalisées, des exemples de bonne application des accords et d’amélioration de la protection de certains droits sociaux fondamentaux.

Pour les accords sur le stress et sur la formation professionnelle au sein de la Société européenne Allianz, le bilan de l’application établi par les membres du comité d’établissement européen est assez positif59. Des avancées ont été constatées dans presque toutes les filiales de la SE Allianz.

Concernant l’accord EDF de 2009, l’exemple emblématique de ce qu’a pu apporter un tel accord sur la responsabilité sociale est la signature d’une convention collective par une des divisions d’EDF en Chine. Elle représente l’une des premières conventions collectives signée en Chine par une entreprise étrangère. Or, « la mise en place d’une convention collective dans un pays comme la Chine avec les difficultés sociales que l’on connaît et l’histoire sociale du pays est un progrès important pour les salariés chinois qui mesurent au quotidien le bénéfice de cet accord »60.

3. Une nouvelle dynamique de dialogue social à tous les échelons

Les progrès engendrés par les accords se mesurent aussi et surtout par une nouvelle dynamique du dialogue social que ceux-ci favorisent au niveau transnational comme à l’échelle de certaines filiales.

Par exemple, le rapport du projet ODEO61 en 2009 développé par le groupe Areva dresse un bilan relativement positif62. Le rapport met en exergue « qu’à toutes les étapes du projet, l’identification et le partage de bonnes pratiques étaient au rendez-vous ». Par ailleurs, il est souligné une amélioration des méthodes d’information, de consultation et de participation, corroborée par le constat que « certains sites qui vivaient des relations sociales difficiles ont vu un net progrès de la reprise du dialogue ».

La démarche paritaire soutenue par le projet permet de doter le projet ODEO d’une « légitimité supérieure », favorisant à la fois l’efficacité du projet mais également sa durabilité. Le rapport met cependant en avant des difficultés relevées au niveau de certaines filiales. Ces difficultés sont notamment liées à l’incompréhension de la pertinence de l’approche paritaire par certains responsables RH et les représentants des travailleurs63.

Il ressort aussi d’autres rapports de suivi « qu’une prise de conscience, au niveau central des multinationales, des difficultés relationnelles entre partenaires sociaux sur le terrain a renforcé la volonté de contribuer à l’amélioration du dialogue social » (Santoro, 2015). L’application des accords d’entreprise transnationaux a conduit à la reprise du dialogue social dans des filiales où les relations sociales étaient compliquées. L’instauration de réseaux avec la mise en place de groupes paritaires favorise « une meilleure communication et diffusion de l’information entre les acteurs » et permet d’optimiser les relations sociales au niveau local. L’échange d’information entre les acteurs sociaux devient alors un moteur de l’amélioration de la situation.

Il faut également noter que les accords d’entreprise transnationaux représentent un vecteur de syndicalisation ou de renforcement des syndicats nationaux et locaux dans les filiales.

Pour remédier à l’absence de syndicats locaux, l’accord Carrefour de 2015 prévoit expressément un processus de création ou d’implantation d’une organisation syndicale au sein des filiales du groupe en cas d’absence de représentation syndicale dans la filiale64. L’accord Carrefour semble aujourd’hui le seul accord à mettre en place une telle démarche, mais l’intégration d’un tel processus au sein de futurs accords négociés et signés par la même fédération syndicale internationale, UNI Global Union, devrait se développer. En effet, l’une des résolutions votées lors du quatrième congrès d’UNI Global Union de 2014 consiste dans le recrutement et le développement de syndicats au niveau local et national65. Pour UNI Global Union, la signature d’accords d’entreprise transnationaux est un des vecteurs de la croissance syndicale.

L’application du précédent accord de Carrefour avait déjà eu des conséquences sur le terrain, puisqu’en 2011, sur le fondement de l’accord et sous l’impulsion du groupe et de UNI Global Union, un syndicat dans l’entité Carrefour en Colombie a été créé66. Le groupe s’engageait dans cet ancien accord à garantir le respect des conventions internationales de l’OIT relatives aux droits syndicaux67. Carrefour n’est pas le seul exemple, puisque le constat a été établi au milieu des années 2000 que la conclusion de certains accords d’entreprise transnationaux, notamment l’accord Ikea, « a facilité la syndicalisation dans plusieurs usines de la compagnie en Pologne, et dans deux usines sous-traitantes en Asie » (Bourque, 2005).

Loin de représenter un obstacle, la constitution de syndicats locaux structurés, encadrés par des fédérations syndicales internationales, favorise la construction d’un dialogue social plus mature qui, à son tour, contribue à l’application des accords et donc à la protection des droits sociaux des travailleurs. Impossible, par exemple, de transposer un accord transnational au niveau local par le biais de la négociation collective ou de la concertation dans une filiale s’il n’existe pas un syndicat.

4. Des difficultés de mise en œuvre inhérentes aux accords

Deux études empiriques de 2014 (Sydow et al., 2014) et de 2015 (Fichter, McCallum, 2015) soulignent que les difficultés de mise en œuvre des accords sont principalement inhérentes à la difficulté d’articuler les différents niveaux de dialogue social.

L’absence de diffusion de l’accord au sein des filiales. Il ressort d’une étude de 2015 relative à l’application des accords d’entreprise transnationaux dans le secteur des services et dans quatre États, que la plupart des salariés et mêmes les syndicats locaux ne savaient pas qu’un accord d’entreprise transnational avait été signé et était en vigueur (Fichter, McCallum, 2015).

Le déséquilibre des pouvoirs. Les limites du dialogue social transnational se manifestent lorsqu’il existe un « déséquilibre de pouvoir important entre les parties » (Drouin, Duplessis, 2009), non seulement entre directions et organisations syndicales, mais aussi entre la direction du groupe transnational et les directions de filiales. Sur ce dernier point, des hostilités de la part des directions de filiales implantées aux États-Unis se manifestent régulièrement. Des difficultés d’application de certains accords (par exemple, Faber Castell, Skanska et Hochtief) ont été soulevées concernant le respect des droits syndicaux au sein de filiales ou sous-traitants implantés aux États-Unis (Bourque, 2005). Le secrétaire général de la fédération syndicale internationale signataire a alerté les différentes directions européennes des groupes « pour les inciter à s’impliquer dans le règlement de ces problèmes ». La résistance de certains managers de filiales à être confrontés à des syndicats locaux constitue un frein important à l’application des accords d’entreprise transnationaux (Fichter, McCallum, 2015).

Certaines organisations syndicales locales peuvent également rejeter l’accord si elles en ont été exclues par les partenaires sociaux de l’État du siège du groupe transnational, qui se sont désignés eux-mêmes comme représentants de tous les travailleurs du groupe transnational. On voit ici l’importance à la fois d’assurer la légitimité de l’accord par la représentativité la plus large possible des négociateurs de l’accord (voir 2e partie), et d’associer les représentants des travailleurs des différentes filiales en amont de la conclusion de l’accord, dans un réseau transnational, notamment celui des fédérations syndicales internationales et européennes qui sont au cœur des relations professionnelles transnationales.

La primauté des intérêts nationaux sur l’unité transnationale. Une autre difficulté réside dans le fait que les intérêts nationaux priment souvent sur les intérêts transnationaux, que ce soit du côté des managers et directions de filiales ou du côté des représentants des travailleurs au niveau local. La stratégie nationale peut prendre le pas sur la stratégie globale, notamment en temps de crise économique. À titre d’illustration, certaines actions promues par l’accord européen IDEA du groupe Thales ont été mises en sommeil dès lors que des projets de restructuration très complexes ont eu lieu en Espagne. Les priorités nationales l’ont emporté sur les sujets européens et, par conséquent, durant plusieurs mois, la commission nationale « anticipation » pour le suivi de l’accord IDEA, n’a pas pu être réunie68.

Le changement des orientations stratégiques du niveau corporate. La priorité donnée à l’application de l’accord d’entreprise transnational et l’investissement de la direction pour en assurer le suivi demeurent tributaires des orientations stratégiques adoptées au niveau corporate. Une direction peut être investie dans la mise en œuvre et le suivi de l’accord durant plusieurs années mais lorsque l’équipe dirigeante change ou lorsque la direction est rattrapée par des difficultés liées à la conjoncture économique, elle peut souhaiter privilégier d’autres stratégies que celle de la mise en œuvre de l’accord.

Le manque de moyens des fédérations syndicales internationales et européennes. L’insuffisance des ressources financières et humaines disponibles dans les fédérations syndicales internationales et européennes constitue un obstacle majeur pour leur réelle implication dans la déclinaison et le suivi des accords. Pour que l’accord soit connu au niveau local et que les salariés et syndicats locaux se l’approprient, il est nécessaire que ces fédérations puissent organiser des campagnes d’information et de formation en allant dans les filiales, mais également qu’elles puissent soutenir des campagnes de syndicalisation. Le réaliser à une large échelle est difficile ; aussi faudrait-il que des sessions d’information et de formation s’organisent sur des sites choisis stratégiquement (Fichter, McCallum, 2015), sans réticence des managers locaux. En 2005, plusieurs représentants des fédérations syndicales internationales affirmaient que « la croissance des [accords] se heurtera dans les prochaines années aux ressources humaines et financières limitées des [fédérations] et à la nécessité d’une implication accrue des représentants des syndicats nationaux et locaux dans la négociation et le suivi des [accords] » (Bourque, 2005)

L’imperfection des mécanismes de suivi. Les mécanismes de suivi prévus par les accords révèlent des imperfections tenant à l’absence d’articulation entre les différents niveaux de dialogue social. Finalement, « l’absence d’implantation syndicale locale et/ou la faible circulation de l’information sont aussi préjudiciables que la défaillance de moyens d’action pour suivre l’application des accords » (Santoro, 2015). Ces imperfections peuvent également tenir à la défaillance du reporting et à l’absence de mécanisme de résolution des litiges.

Les contraintes du reporting de suivi. Pour certaines filiales, le reporting peut être perçu comme une contrainte. S’il émerge une résistance du niveau local dans le suivi de l’accord, alors celui-ci risque de ne jamais être appliqué. Le reporting relatif au suivi de l’accord est souvent une charge lourde pour les filiales. L’absence d’un acteur opérationnel, représentant la direction au niveau des filiales, pour réaliser ce reporting, constitue un réel problème et se pose comme un frein au suivi de l’accord69. Ce problème s’explique notamment par « une réduction du personnel des ressources humaines due à la compression des effectifs dans l’ensemble des groupes » (Santoro, 2015).

Quand bien même les bilans seraient établis, ceux-ci ne sont parfois pas partagés avec les organisations syndicales ou insuffisamment. Toutes les données ne sont pas non plus systématiquement présentes dans les rapports de filiales et dans le rapport consolidé. Si les indicateurs énoncés sont chiffrés, ils peuvent en outre être facilement manipulés selon le sens que la direction du groupe veut leur donner. Il est donc important que les organisations syndicales soient accompagnées d’experts pour les aider à participer au reporting et à interpréter les données. Il est indispensable que l’information circule et soit partagée entre la direction et les représentants des travailleurs pour une application de l’accord.

L’absence de résolution de litiges par le dialogue social. Pour ce qui concerne la résolution des conflits survenus dans le cadre de l’application de l’accord, si le dialogue social n’a pas permis de trouver une solution adéquate concernant des violations des droits sociaux fondamentaux dans les chaînes de production des entreprises signataires, les fédérations syndicales internationales et européennes « se trouvent devant un choix difficile : elles doivent, soit préserver leur relation avec l’entreprise dans l’espoir que la situation s’améliore, soit mettre fin à cette relation et dénoncer publiquement l’entreprise. Les deux options sont susceptibles d’entacher la crédibilité des [accords d’entreprise transnationaux] comme modèle de régulation transnationale du travail » (Drouin, Duplessis, 2009).

Les limites de l’application des accords d’entreprise transnationaux révèlent finalement la propension de ces accords à être tributaires de la conjoncture socio-économique spécifique de chaque groupe dans lequel ils s’inscrivent.

  • 55. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’Anne Gudefin, Secrétaire du comité de groupe européen d’Areva, 26 février 2014.
  • 56. GDF Suez, Accord de groupe européen relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, 23 février 2010.
  • 57. Par exemple en France, un comité qui recouvre sept régions.
  • 58. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Nicolas Lefébure, Directeur des relations sociales de GDF Suez (Engie), le 12 juin 2014.
  • 59. Propos recueillis auprès de Jean-Jacques Cette, Vice-président du comité d’établissement européen de la SE Allianz, 5 novembre 2013.
  • 60. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Frédéric Fritsch, Secrétaire du CDRS du groupe EDF, 16 mai 2014.
  • 61. Open Dialogue through Equal Opportunities.
  • 62. « Areva : bilan du projet européen sur le développement du dialogue social via le déploiement de l’accord-cadre transnational sur l’égalité des chances », Planet Labor, dépêche n°090158, 12 février 2009.
  • 63. L’article de Planet Labor fait état de difficultés rencontrées dans des entités françaises du groupe car ce type d’approche paritaire était « très innovante et jamais testée auparavant ».
  • 64. Carrefour, Accord international pour la promotion du dialogue social et de la diversité et pour le respect des droits fondamentaux au travail, 30 septembre 2015, Annexe 1 qui s’intitule « processus de création ou d’implantation d’une organisation syndicale au sein d’une entité locale du groupe Carrefour (en cas d’absence de représentation syndicale au sein de l’entité concernée) ».
  • 65. Résolutions adoptées par le 4e congrès mondial d’Uni Global Union, Le Cap, Afrique du Sud, 7-10 décembre 2014.
  • 66. « Carrefour : création du syndicat de Carrefour Colombie sous l’impulsion de l’entreprise et de la fédération syndicale internationale UNI », Planet Labor, Article n°6284 du 12 décembre 2011.
  • 67. La convention nº87 sur le droit à l’organisation syndicale, la convention nº98 sur la négociation collective, et la convention nº135 sur les garanties accordées aux représentants des travailleurs sur le lieu de travail.
  • 68. Propos recueillis auprès de Cécile Dufoix, Juriste droit social chez Thales, 11 juin 2014.
  • 69. Propos recueillis notamment auprès de Martine Derdevet, Juriste droit international du Groupe Renault, 12 juin 2014.

 

Partie 2 – Guide pratique et juridique des accords d’entreprise transnationaux

Chapitre 3

Champ d’application et caractéristiques des accords d’entreprise transnationaux

À retenir

  • Les AET se répartissent entre accords-cadres de portée internationale et accords-cadres de portée européenne. Le nombre d’accords de portée internationale est supérieur à celui des accords européens.
  • Cependant, la tendance des entreprises depuis 2008 consiste à conclure davantage d’accords de portée européenne, marquant un net rattrapage de ces derniers.
  • La France et l’Allemagne se situent en tête, à la fois pour le nombre d’entreprises ayant signés de tels accords et pour le nombre total d’accords signés.
  • Les États-Unis se placent en 3e position des pays dont les entreprises signent le plus d’accords, alors même qu’elles n’ont pas leur siège social dans un pays de l’Union européenne.
  • Plus des trois-quarts des entreprises ayant conclu des accords transnationaux ont leur siège dans un État d’Europe, dotant cet instrument d’une forte empreinte européenne.
  • Le secteur de la métallurgie comptabilise le plus grand nombre d’entreprises signataires ainsi que le plus grand nombre d’accords.

Alors que l’on dénombrait une quinzaine d’accords d’entreprise transnationaux à la fin des années 1990 (da Costa, Rehfeldt, 2012), la Commission européenne en décomptait 91 en mars 2006, puis 224 en 2012, applicables dans 144 entreprises transnationales dont la plupart ont leur siège établi en Europe, couvrant alors plus de 10 millions de travailleurs70. En 2016, on en comptait près de 270 pour 165 entreprises transnationales et en 2017, 284.

Une classification de ces accords peut être établie en fonction d’un critère géographique, d’une part, d’un critère de secteur d’activité, d’autre part.

Définition des accords d’entreprise transnationaux

Les accords d’entreprise transnationaux sont définis par la Commission européenne (2008) comme « des accords impliquant des engagements réciproques dont la portée s’étend au territoire de plusieurs États, conclus par un ou plusieurs représentants d’une société ou d’un groupe de sociétés, d’une part, et par une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre part. Ces accords traitent des conditions de travail et d’emploi et/ou de relations entre les employeurs et les travailleurs ou leurs représentants »71.

Cette définition se trouve aujourd’hui en partie dépassée. En premier lieu, les engagements formulés au sein des accords ne sont plus seulement réciproques mais peuvent être unilatéraux lorsqu’ils émanent de l’entreprise transnationale72. En deuxième lieu, les thématiques abordées ne traitent plus exclusivement des aspects sociaux mais peuvent porter sur des questions plus larges, telles que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ou la lutte contre la corruption73. Enfin, ces accords ne s’adressent plus seulement aux travailleurs d’une société ou d’un groupe de sociétés, mais également aux travailleurs de leurs sous-traitants et fournisseurs74.

 

Graphique 1. Nombre d’AET entre la fin des années 1990 et 2017

1. Classification des accords selon un critère géographique

Le critère géographique permet, d’une part, de distinguer les accords de portée internationale et les accords de portée européenne et, d’autre part, d’inventorier les accords selon le pays où l’entreprise signataire de l’accord a son siège social.

A. Accords de portée internationale et accords de portée européenne

La classification entre les accords dits de portée internationale et les accords dits de portée européenne se rapporte au champ géographique d’application de l’accord. Ces accords sont plus communément distingués sous les appellations d’accord-cadre international (ACI) et d’accord-cadre européen (ACE) (da Costa et al., 2010). Il est parfois difficile de tracer avec précision les frontières de leur champ d’application géographique. Le critère de distinction ici retenu est celui des signataires de l’accord (Leonardi, 2012) : l’accord-cadre est qualifié d’européen, lorsque celui-ci est signé par une organisation syndicale européenne, et c’est la signature par une organisation syndicale internationale qui donnera à l’accord sa qualité d’accord-cadre international (ACI). Certains accords désignés comme « accord-cadre international » n’ont d’ailleurs parfois qu’une portée régionale75 (da Costa, Rehfeldt, 2012), comme, par exemple, l’accord Chiquita76, dont la portée est latinoaméricaine77.

Notre étude porte sur un large échantillon de 267 accords d’entreprise transnationaux conclus avant le 1er septembre 2016. Il apparaît que 149 accords ont vocation à s’appliquer à l’échelle internationale et 108 à l’échelle européenne. Enfin, dix accords ont une portée régionale, c’est-à-dire qu’ils s’appliquent à un champ géographique très précis. Par exemple, les accords de la banque suédoise Nordea ont vocation à s’appliquer aux pays nordiques. De même, comme pour l’accord Chiquita, l’accord de l’entreprise brésilienne Icomon voit son champ d’application limité à l’Amérique latine.

Le périmètre géographique des accords peut également évoluer en même temps que l’activité de l’entreprise transnationale se développe. Certains accords dont l’application initiale était européenne ont vu leur portée étendue au champ international. Tel a été le cas pour les cinq accords Danone, conclus entre 1989 et 1997, dont la portée est devenue mondiale lors de leur révision en juillet 2005 (da Costa et al., 2010). D’autres accords prévoient expressément qu’ils ont vocation à s’appliquer aux nouvelles filiales que l’entreprise développerait78.

Si, à la fin des années 1980, les premiers accords d’entreprise transnationaux avaient vocation à s’appliquer à l’échelle mondiale79, la tendance des entreprises transnationales depuis la fin des années 2000 consiste à conclure davantage d’accords de portée européenne. Alors qu’en 2000, on ne comptait que cinq accords d’entreprise transnationaux de portée européenne, 103 ont été conclus depuis, dont plus de la moitié entre 2008 et 2016, marquant ainsi une notable accélération et rattrapage dans la conclusion de tels accords. Il est intéressant de noter que parmi les accords de portée internationale et de portée européenne signés entre 2008 et 2016, un quart l’a été entre 2014 et 201680.

En proportion, 55 % des accords d’entreprise transnationaux conclus ont une portée mondiale et 40 % une portée européenne. Les accords de portée européenne ont fi-nalement fait leur apparition près d’une décennie après le premier accord de portée internationale (1988), l’un des premiers accords européens ayant été l’accord de l’entreprise italienne ENI sur l’établissement d’un Observatoire européen sur la santé et la sécurité, conclu le 21 juin 1996, suivi en 1999 par l’accord du groupe allemand Hartmann81. Ces accords de portée européenne se sont développés en même temps que la construction de l’Europe sociale et le développement du dialogue social européen, tout au long des années 1990 marquées par l’adoption en 1994 de la directive européenne créant le comité d’entreprise européen (CE Européen)82. Ces CE Européens ont fortement contribué à l’accroissement du nombre d’accords de portée européenne mais également d’accords de portée internationale.

Si les accords-cadres internationaux intègrent plutôt des thématiques générales relatives aux droits sociaux fondamentaux, en faisant référence aux conventions fondamentales de l’OIT par exemple, les accords cadres européens tendent à inclure des thématiques plus précises relatives aux politiques de l’emploi et aux conditions de travail (voir chapitre 4).

B. Classification selon le critère de la localisation du siège social

Pour comprendre la dynamique de ces accords, il est intéressant de les classer selon l’État dans lequel le siège de l’entreprise transnationale est implanté. Les termes « État » ou « pays » renvoient alors à l’ordre juridique dont relève l’entreprise transnationale. Cette grille de lecture indique la « nationalité » des entreprises transnationales les plus enclines à mener ce type de négociation, mais peut aussi révéler l’influence de l’ordre juridique national d’origine dans le choix des thèmes abordés par l’accord.

À partir de la base de données de la Commission européenne inventoriant les AET, le tableau n°2 permet de visualiser la classification de ces accords par États.

Il apparaît ainsi que 25 États sont concernés par la signature d’accords d’entreprise transnationaux. Parmi eux, la moitié se situe dans l’Union européenne83, deux États sont membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE)84 et dix sont extérieurs à ces deux organisations.

Cette cartographie nous indique que les entreprises les plus enclines à négocier et signer des accords d’entreprise transnationaux se situent dans l’ordre décroissant : en France (40 entreprises), en Allemagne (27), en Suède et Espagne (12), et aux États-Unis (11). Concernant la France, on dénombre 165 entreprises85 répondant à la catégorie statistique « grande entreprise » française multinationale86, catégorie la plus susceptible de signer des AET : cela signifie que près d’un quart des grandes entreprises françaises multinationales a donc, à l’heure actuelle, signé un accord transnational.

 

Tableau 2. Classification des accords d’entreprise transnationaux par nombre décroissant d’entreprises signataires par État


Si nous adoptons une lecture non plus sous l’angle du nombre d’entreprises mais sous l’angle du nombre d’accords signés par État, le classement est semblable, à une différence près. Alors que la France (93 accords) et l’Allemagne (39) gardent la tête, accueillant à elles seules près de la moitié des AET, les États-Unis arrivent en troisième position avec 20 accords, suivis par l’Espagne (18), la Suède et la Belgique ex aequo (16). Si l’Allemagne a longtemps été en tête des États au sein desquels les entreprises concluaient le plus d’AET, il apparaît aujourd’hui que ce sont les entreprises françaises qui sont les premières à conclure de tels accords.

Parmi les 93 accords transnationaux conclus dans les 40 entreprises françaises, 35 ont une portée mondiale, 57 une portée européenne et un accord a une portée régionale. Les entreprises possédant leur siège en France ont tendance à conclure davantage d’accords de portée européenne que d’accords de portée mondiale.

À l’inverse, l’Allemagne conclut davantage d’accords de portée mondiale (27 de portée mondiale, 11 de portée européenne et un accord régional).

Sur les 16 accords d’entreprise de « nationalité suédoise », la quasi-totalité des accords est de portée mondiale, puisque seul un accord a vocation à s’appliquer à l’échelle européenne.

Les États-Unis présentent une spécificité intéressante. Sur les 20 accords d’entreprise conclus, 14 sont de portée européenne, 5 de portée internationale et un de portée régionale. Cet engouement pour les accords de portée européenne peut paraître étonnant tant on sait l’hostilité que peuvent avoir les multinationales américaines envers la conclusion d’accords et la reconnaissance du droit syndical87. Cette démarche favorable des États-Unis s’explique toutefois par le fait que ces entreprises transnationales possèdent de nombreuses filiales en Europe. Cette situation les amène, lorsqu’un seuil de salariés est atteint88, à devoir instituer un comité d’entreprise européen au sein du groupe, même si le siège social de l’entreprise est situé hors de l’Union européenne, à l’image de Ford, General Electric, General Motors, Kraft Foods, etc. L’existence d’un CE Européen pousse ainsi au dialogue social transnational même les entreprises qui n’y auraient en principe pas été favorables.

C. Un instrument fortement empreint d’influence européenne

Sur les 165 entreprises ayant conclu des accords, 121 d’entre elles ont leur siège dans un État membre de l’Union européenne, et ce nombre atteint 135 si l’on ajoute les entreprises ayant leur siège au sein d’un État membre de l’AELE. Plus de trois quarts des entreprises ayant conclu des accords transnationaux sont européennes.

L’accord d’entreprise transnational apparaît donc comme un instrument juridique d’influence « européenne », même si des accords sont conclus désormais par des groupes ayant leur siège dans un État hors d’Europe. L’exemple le plus révélateur est celui des entreprises américaines, mais il n’est pas le seul. Cet instrument transnational s’exporte aujourd’hui beaucoup plus loin. Ainsi en est-il, par exemple, de l’entreprise japonaise Mizuno89, ainsi que du groupe canadien Quebecor World90. Aujourd’hui, 30 entreprises ayant leur siège dans un État hors de l’Union européenne ont conclu des accords d’entreprise transnationaux, soit 18 % du total des entreprises ayant signé de tels accords.

Le tout premier accord conclu par BSN (devenu Danone) est d’origine française. Les accords transnationaux qui lui ont succédé émanent aussi d’entreprises françaises : encore Danone91, mais aussi le groupe Accor en 1995, le groupe Vivendi en 1996 et Suez Lyonnaise des Eaux en 1998. D’autres entreprises européennes se sont également engagées dans la conclusion de tels accords, à l’image de l’italienne ENI en 1996, du groupe belge Solvay et du groupe allemand Hartmann en 1999. Les accords conclus avant les années 2000 témoignent nettement d’une forte empreinte européenne, voire d’une spécificité française.

Aucune entreprise dont le siège était établi hors de l’Union européenne n’avait alors conclu d’accord d’entreprise transnational. Le premier accord conclu par une entreprise ayant son siège social hors de l’Union européenne a été celui de Ford, réglementant la séparation de l’organisation Ford Visteon en janvier 2000, suivi par le groupe General Motors en juillet 2000. À noter que ces deux accords, bien que conclus par une entreprise dont le siège est situé aux États-Unis, ont une portée uniquement européenne.

Une étude de 2011 basée sur les accords signés entre 1988, date de la conclusion du premier accord transnational, et 2011, notait déjà la prépondérance des entreprises européennes, et surtout françaises, dans la conclusion de ce type d’accord (da Costa, Rehfeldt, 2012). Cette tendance devient encore plus marquée pour les accords conclus depuis la fin de la première décennie 2000, période marquée par la crise financière.

Qu’ils soient accords-cadres internationaux ou accords-cadres européens, ils sont souvent négociés et/ou signés par des comités d’entreprise européens. Le rôle exceptionnel joué par cette instance92dans la négociation et la signature de ce type d’accord contribue fortement à doter l’accord d’entreprise transnational d’une empreinte européenne.

2. Classification des accords en fonction du secteur d’activité

Les nomenclatures des secteurs d’activités sont extrêmement diverses à l’échelon national, européen ou international. Nous retenons pour les besoins de cette analyse les 15 secteurs d’activités figurant dans la base de données des accords d’entreprise transnationaux de la Commission européenne (voir tableau n°3).

Un accord pouvant être signé par plusieurs organisations syndicales européennes ou mondiales opérant dans des secteurs d’activité différents (voir chapitre 4), le classement par secteur d’activité n’est pas toujours aisé. Rappelons toutefois que le secteur d’activité d’une entreprise transnationale considérée comme un groupe, est déterminé en fonction de l’activité économique principale de l’entreprise, critère qui a été ici retenu.

Les résultats de la classification par secteurs peuvent se lire en référence au nombre d’entreprises ayant signé un accord dans un secteur d’activité donné, mais aussi au nombre d’accords conclus dans un même secteur d’activité.

Le secteur de la métallurgie comptabilise ainsi le plus grand nombre d’entreprises transnationales signataires (31 entreprises), ainsi que le plus grand nombre d’accords d’entreprise transnationaux (63 accords). Viennent ensuite le secteur construction et bois (26 entreprises), la chimie (16 entreprises), puis le secteur banque et assurances (15 entreprises) et, ex aequo, les secteurs information communication et énergie approvisionnement en eau (14 entreprises). Une lecture des résultats sous l’angle du nombre d’accords conclus par secteur d’activité nous révèle un ordre à peu près similaire, mais le secteur énergie et approvisionnement en eau passe en 2e position.

S’agissant des principaux secteurs d’activité, la métallurgie comprend un même nombre d’accords de portée européenne (31 accords) et d’accords de portée internationale (31 accords), plus un accord de portée régionale. La plupart des secteurs concluent davantage d’accords de portée internationale que d’accords de portée européenne, à l’exception de la banque-assurances, de l’énergie et approvisionnement en eau, et de la poste, transport et logistique qui ont passé davantage d’accords de portée européenne.

L’activité de négociation transnationale au sein d’un secteur d’activité est souvent tributaire du contexte socio-économique, de la concurrence existante et du rôle plus ou moins actif joué par les fédérations syndicales correspondantes. Si le secteur de la métallurgie se positionne ainsi comme l’un des grands protagonistes de la négociation d’accords d’entreprise transnationaux, c’est parce qu’il est lui-même très structuré et que la négociation d’accords s’est organisée autour de règles et de principes communs de négociation forgés par les fédérations syndicales européennes93 et internationales94 de ce secteur. Quant aux directions d’entreprises du secteur de la métallurgie – elles-mêmes affiliées pour certaines à des organisations patronales nationales de la métallurgie95 – elles paraissent davantage enclines à s’engager dans la conclusion de tels accords parce qu’il existe des acteurs syndicaux structurés.

 

Tableau 3. Classification des accords d’entreprise transnationaux par nombre décroissant d’entreprises signataires par secteur d’activité

  • 70. Commission staff working document, Transnational company agreements: realising the potential of social dialogue, SWD (2012) 264 final, 10 September 2012, p. 2.
  • 71. Définition issue du Document de travail des services de la Commission, « Le rôle des accords d’entreprises transnationaux dans le contexte de l’amplification de l’intégration internationale », SEC (2008) 2155, 2 juillet 2008.
  • 72. Par exemple, Carrefour, Accord international pour la promotion du dialogue social et de la diversité et pour le respect des droits fondamentaux au travail du 30 septembre 2015. Le groupe s’engage à garantir l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.
  • 73. Par exemple, Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale du 17 décembre 2013, qui traite de la RSE et de la lutte contre la corruption.
  • 74. Par exemple, EDF, Accord sur la responsabilité sociale du groupe, 25 janvier 2009.
  • 75. Ces accords de portée régionale ont pu recevoir une appellation différente en fonction de la zone géographique dans laquelle ils ont vocation à s’appliquer, telle « accord cadre latino-américain » (ACLA), « accord cadre asiatique » (ACA).
  • 76. Ex United Fruit Company.
  • 77. L’accord Chiquita « sur la liberté d’association, les normes sociales minimales et l’emploi dans les plantations de bananes sud-américaines », 2001.
  • 78. ORSE, Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadres internationaux , décembre 2006, p. 21. Exemple de l’accord EDF sur la responsabilité sociale de 2005, renouvelé le 25 janvier 2009 qui prévoit que « Postérieurement à cette date, le présent accord aura vocation à s’appliquer aux sociétés de plus de 50 salariés dans lesquelles EDF SA exerce directement le contrôle (c’est à dire les sociétés dans lesquelles EDF SA détient la majorité du capital, ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises), ainsi qu’aux sociétés de plus de 50 salariés dans lesquelles EDF SA détient de manière directe ou indirecte, au moins 45% du capital ».
  • 79. L’entreprise Danone fut pionnière en ce domaine avec son premier accord dénommé «avis commun BSN/UITA» conclu en 1988. Voir aussi ORSE, op.cit, p. 3.
  • 80. 18 accords de portée internationale et 13 accords de portée européenne ont été signés entre 2014 et 2016.
  • 81. Accord sur les standards minimums à appliquer lors de restructuration dans le groupe, Hartmann Group, 26 octobre 1999.
  • 82. Directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs.
  • 83. Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
  • 84. Norvège et Suisse.
  • 85. Bpifrance, Rapport PME 2016 , Observatoire de PME, Tableau 3, p. 28.
  • 86. Depuis la Loi de modernisation de l’économie de 2008, une grande entreprise (GE) est une entreprise qui vérifie au moins une des deux conditions suivantes : avoir au moins 5000 salariés ; avoir plus de 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de
    2 milliards d’euros de total de bilan. 165 entreprises sont des GE françaises multinationales, hors GE françaises non multinationales (10) et GE étrangères multinationales (73). Parmi ces 165, 51 sont des entreprises manufacturières.
  • 87. Par exemple, l’État du Michigan, après l’État de l’Indiana a adopté fin 2012 une législation limitant le pouvoir des syndicats. Voir Planet Labor, 11 décembre 2012, dépêche n°120733 ; une filiale de Siemens située aux États-Unis a fait parler d’elle pour son anti-syndicalisme alors que quelques semaines auparavant un accord-cadre international avait été signé. Voir Planet Labor, 3 septembre 2012, dépêche n°120500.
  • 88. La directive refonte 2009/38/CE du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs fixe dans son article 2 les seuils pour créer un comité d’entreprise européen. Pour être considéré comme un « groupe d’entreprises de dimension communautaire », le groupe d’entreprises doit remplir les conditions suivantes : le groupe « emploie au moins 1000 travailleurs dans les États membres, comporte au moins deux entreprises membres du groupe dans des États membres différents et au moins une entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un État membre et au moins une autre entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un autre État membre ».
  • 89. L’entreprise Mizuno a conclu un accord-cadre international le 15 novembre 2011.
  • 90. Voir lanet Labor , « Quebecor World : l’entreprise d’impression canadienne signe un accord-cadre mondial », 9 mai 2007, dépêche n°070410.
  • 91. Cinq accords ont fait suite à l’accord de 1988.
  • 92. La directive 94/45 prévoit un rôle d’information du CE Européen et la directive refonte 2009/38 ajoute à l’instance un rôle de consultation mais ne lui confère aucunement une prérogative en matière de négociation (voir chapitre 4).
  • 93. Face à l’activité croissante de négociation d’accords d’entreprise transnationaux, la Fédération européenne de la métallurgie (FEM), devenue IndustriAll Europe en 2012, a adopté en 2006 des règles internes de négociation par l’institution d’un mandatement syndical, en prévoyant la négociation et la signature d’accords seulement pour la fédération syndicale européenne.
  • 94. Le comité exécutif de la fédération internationale de la métallurgie (FIOM) a adopté en 2006 un modèle type d’accord- cadre international à destination des affiliés servant d’outil d’appui lors de négociation transnationale. Voir International Metalworkers’ Federation, « Background to International Framework Agreements in the IMF », Background paper prepared for the IFA World Conference, Frankfurt am Main, Germany, September 26-27, 2006, p. 4 – disponible sur : http://library.fes.de/pdf-files/gurn/00251.pdf (consulté le 10 août 2016).
  • 95. Jusqu’à une période récente, aucune coopération entre employeurs du secteur de la métallurgie sur la question des accords d’entreprise transnationaux ne semble avoir officiellement existé. En 2011, l’UIMM, organisation patronale de la métallurgie française, et Gesamtmetall , organisation patronale de la métallurgie allemande, ont produit pour la première fois et de manière officielle des guides pratique sur les accords d’entreprise transnationaux à destinations des entreprises.
Chapitre 4

L’objet des accords d’entreprise transnationaux

À retenir

  • La première génération d’accords transnationaux se référait principalement aux normes internationales issues de différentes sources : les huit conventions internationales de l’OIT relatives aux principes et droits fondamentaux au travail, mais aussi des textes de soft law non contraignants, adressés directement aux entreprises multinationales, comme la Déclaration tripartite de l’OIT, les Principes de l’OCDE, le Global Compact de l’Onu ou, plus récemment, les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’Onu (Principes Ruggie).
  • D’autres sources relatives aux droits de l’homme ou au développement durable figurent également parmi les normes « privatisées » faisant l’objet des accords d’entreprise transnationaux.
  • Les objets des AET tendent cependant à se préciser au fil du temps, particulièrement dans les accords de portée européenne.
  • On peut distinguer des accords spécifiques à thématique classique, comme les accords sur les restructurations ou les conditions d’emploi et de travail (santé et sécurité, égalité des chances et non-discrimination, dialogue social) et des accords plus récents avec des thématiques originales comme les politiques générationnelles ou la qualité de vie au travail.
  • On constate que le choix des sujets abordés par les accords peut être influencé par les débats sociaux en cours dans le pays d’origine du groupe transnational, en particulier sous l’influence des organisations syndicales nationales.

L’accord d’entreprise transnational ne disposant aujourd’hui d’aucun cadre juridique, nous entendons par « objet » de l’accord d’entreprise transnational la thématique sur laquelle il porte.

L’accord d’entreprise transnational a avant tout un objet « transnational », c’est-à-dire qu’il concerne différentes filiales d’un groupe implanté dans différents États.

Le choix de l’objet de l’accord est librement défini par les parties à l’accord ; en d’autres termes, le principe de « l’autonomie de la volonté »96 guide la négociation. Dans ce cadre, les parties vont choisir de négocier sur l’une ou l’autre thématique en fonction du climat social, du contexte politique et économique du groupe97, mais aussi en fonction de sa taille et de son périmètre.

Les thématiques abordées seront aussi fonction des parties à l’accord : un comité d’entreprise européen, une fédération syndicale européenne ou internationale, ou encore une organisation syndicale nationale n’appréhendent pas de la même manière l’objet et le contenu de l’accord lors de sa négociation. En outre, l’objet de l’accord dépendra de la maturation du sujet sur lequel les parties souhaitent négocier98, du secteur d’activité et de la culture de l’entreprise.

En observant le panel d’accords de la base de données de la Commission européenne, et en analysant les différents droits sociaux fondamentaux auxquels ces accords font référence ainsi que les différentes protections de ces droits prévues par les accords, une grande variété de thèmes se dégage, à partir desquels il est possible de distinguer deux catégories d’accords qui correspondent aussi à deux générations d’accords.

Alors que les premiers accords comprenaient le plus souvent un objet assez général et tendaient à incorporer directement dans l’accord transnational les dispositions consacrées par le droit international, principalement par les conventions de l’OIT – on parle aussi de « privatisation » des normes internationales –, les accords plus récents sont centrés sur des objets plus spécifiques (conditions d’emploi et politiques sociales), voire s’intéressent à des sujets nouveaux.

1. Les accords à objet général ou la « privatisation » des normes internationales

Les tout premiers accords se référaient principalement, et souvent exclusivement, à des instruments internationaux pour consacrer au niveau de l’entreprise les droits sociaux fondamentaux. Encore aujourd’hui, les accords d’entreprise transnationaux récemment conclus font référence à ces normes internationales, qui constituent ainsi un noyau dur de normes devant être respecté au sein de l’entreprise transnationale. Si tous les accords se réfèrent de près ou de loin aux normes internationales, ce sont surtout les accords de portée internationale qui, dans leur grande majorité, incorporent directement les normes internationales.

Ces normes, adoptées par les organisations internationales intergouvernementales telles que l’Onu, l’OIT, l’OCDE99, consacrent des droits sociaux fondamentaux, liés notamment à la personne du travailleur. Certaines de ces normes sont à destination des États, telles les conventions de l’OIT, mais d’autres s’adressent directement à l’entreprise transnationale, à l’instar des principes directeurs de l’OCDE.

L’intégration des normes internationales au sein des accords d’entreprise transnationaux résulte en partie d’une stratégie politique, inspirée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL, devenue CSI en 2006), et déployée dès 1998, afin d’inciter les fédérations syndicales internationales à ne signer des accords transnationaux que si ces derniers reconnaissaient de manière formelle et explicite les normes fondamentales de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT adoptée en 1998. Par la suite, les fédérations internationales ont conçu des accords-types100, ou « modèles » d’accords-cadres internationaux, destinés aux acteurs syndicaux d’une négociation, pour les guider à la fois dans la stratégie à adopter lors de la négociation et sur le contenu même de l’accord. Ces modèles d’accords renvoient systématiquement aux normes internationales et, notamment, aux conventions internationales de l’OIT qui s’adressent initialement aux États. Ces normes internationales « privatisées » au sein des accords d’entreprise transnationaux s’affirment ainsi comme des gages de crédibilité et de légitimité, et donnent aux accords une forme d’autorité impulsée par le droit international public (Drouin, 2006).

En définitive, les accords d’entreprise transnationaux ne font qu’élargir le champ d’application de ces droits sociaux fondamentaux et étendre leur portée au-delà des États qui en sont initialement destinataires101. Ils apparaissent de surcroît comme des vecteurs de dissémination des droits sociaux fondamentaux consacrés par les textes internationaux.

La référence aux normes internationales dans les AET permet de constituer un socle minimal de droits sociaux fondamentaux garantis aux travailleurs, au sein de l’entreprise transnationale. Mais certains accords transnationaux élargissent ce cadre à une grande variété de normes internationales, et empruntent aussi bien aux droits de l’homme qu’aux normes environnementales et sociétales.

A. Les textes définissant le socle minimal des droits sociaux fondamentaux
Les Conventions fondamentales de l’OIT

Le socle minimal des droits sociaux fondamentaux fait référence aux droits garantis par les conventions internationales de l’OIT, notamment ceux issus de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail du 18 juin 1998. En qualifiant ces droits de « fondamentaux », le Bureau international du travail (BIT) a souhaité donner une dimension d’envergure aux « droits humains au travail, quel que soit le niveau de développement de chaque État membre »102. Les huit conventions fondamentales de l’OIT sont considérées comme essentielles pour garantir et promouvoir les autres normes internationales du travail. Ces conventions fondamentales ont trait aux droits syndicaux (conventions n°87 et n°98), à l’abolition du travail forcé (conventions n°29 et n°105), à l’égalité des chances et la non-discrimination (conventions n°100 et n°111) et à l’interdiction du travail des enfants (conventions n°138 et n°182).

Pratiquement tous les accords d’entreprise de portée internationale se réfèrent aux huit conventions fondamentales de l’OIT : près de 100 % aux deux conventions relatives aux droits syndicaux et à 90 % pour les six autres conventions.

La Déclaration de principes tripartite de l’OIT

Parmi les références figurant dans les AET, on trouve ensuite la Déclaration de principes tripartite concernant les multinationales et la politique sociale de l’OIT de 1977, révisée en 2000, 2006 et dernièrement en 2017, première déclaration internationale s’adressant aux entreprises.

Mesurant l’influence grandissante du rôle des entreprises multinationales face au processus de mondialisation économique et sociale, le BIT a œuvré pour l’adoption d’une telle Déclaration, dans le but de sensibiliser et de responsabiliser au respect des droits sociaux, les entreprises multinationales qui opèrent dans le monde entier, donc dans des États n’ayant pas le même niveau économique et social de développement.

Les statistiques établies à partir de l’échantillon de 267 accords d’entreprise transnationaux révèlent cependant que la Déclaration tripartite de l’OIT n’est citée qu’au sein de 16 accords : 15 de portée internationale et un seul de portée européenne103.

Les Principes directeurs de l’OCDE

Prennent ensuite place au sein du socle minimal les Principes directeurs de l’OCDE de 1976104. Ces principes sont des recommandations que les gouvernements adressent aux entreprises multinationales. Ils énoncent des principes et des règles issus de bonnes pratiques, notamment dans les domaines de l’emploi et des relations professionnelles, de l’environnement, de la lutte contre la corruption, de l’intérêt des consommateurs, de la concurrence et de la fiscalité. Le respect des principes directeurs par les entreprises est volontaire et n’a pas de caractère obligatoire ni contraignant. Il est avant tout attendu des entreprises qu’elles se conforment au droit national car les principes ne remplacent ni les lois ni les règlements internes des États. Aucun caractère de supériorité n’est conféré à de tels principes par rapport à ces lois et règlements.

Les Principes directeurs de l’OCDE sont mentionnés dans 21 % des accords de portée internationale et 7 % des accords de portée européenne. Si, jusqu’au milieu des années 2000, les accords faisaient peu référence aux Principes directeurs de l’OCDE, ces normes ont été davantage citées dans les accords à partir de 2008. Cette évolution peut traduire la volonté des fédérations syndicales internationales de s’appuyer sur un texte qui « appelait à une attitude positive de la part des employeurs envers les syndicats et à une attitude ouverte envers les activités d’organisation menées par les syndicats »105, qui s’adresse en outre directement aux multinationales et représente donc un socle de référence solide pour convaincre les directions générales de négocier.

Le Pacte mondial des Nations unies et les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains

Enfin, les derniers textes constitutifs du socle minimal de droits sociaux fondamentaux au travail sont, en premier lieu, le Pacte mondial des Nations unies de 2000106 qui contient dix principes ayant trait notamment aux droits de l’homme et au droit du travail (voir tableau n°4) et qui engage les entreprises de plus de dix salariés à aligner de façon volontaire leurs opérations et leurs stratégies sur ces dix principes. On trouve une référence au Pacte mondial dans 7 % des accords de portée européenne107, mais 17 % des accords de portée internationale.

D’autre part, on note également que, depuis 2014, deux accords de portée internationale108 et un accord de portée européenne109 font référence aux nouveaux Principes directeurs de l’Onu relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de 2011, dits aussi « Principes Ruggie »110.

Ces quatre derniers ensembles de normes (Déclaration tripartite de l’OIT, Principes de l’OCDE, Pacte mondial de l’Onu et Principes Ruggie) forment un « corpus de règles de soft law » (Moreau, 2006), autrement dit des règles de nature non contraignantes, qui s’adressent directement aux entreprises transnationales, à la différence de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail qui consacre le caractère contraignant des huit conventions fondamentales de l’OIT.

 

Tableau 4 Les 10 principes du Pacte mondial des Nations unies ou Global Compact


B. Les textes ayant trait aux droits de l’homme

Une deuxième série de textes cités au sein des accords d’entreprise transnationaux a trait aux droits de l’homme. Tout d’abord, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, bien que de nature déclarative, reconnaît pour la première fois de manière universelle des libertés et des droits inhérents et inaliénables à tout homme. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »111. Philosophiquement conçue comme un « idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations »112, la Déclaration universelle est volontairement reprise par les partenaires sociaux aux fins de rappeler et de promouvoir les droits fondamentaux communs à tous les travailleurs au sein de l’entreprise transnationale.

D’autres textes émanant des Nations unies, et s’attachant davantage à la protection des droits des populations les plus fragiles, prennent également place au sein des accords transnationaux. La Déclaration sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1967113, et la Déclaration sur les droits de l’enfant de 1959114 viennent ainsi renforcer le texte de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Enfin, il est intéressant de relever l’originalité et la singularité de quelques rares accords qui empruntent des références européennes. Sont ainsi remarquables les références à deux importants textes, adoptés respectivement par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950115, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000116.

C. Les textes faisant référence au développement durable

Une troisième série de normes internationales relève du champ environnemental et du développement durable. L’entreprise transnationale n’est plus seulement considérée comme acteur économique et social devant garantir des droits aux travailleurs, mais aussi comme un acteur sociétal sensibilisé aux problématiques environnementales et de société, qui dépassent le strict périmètre de l’entreprise. Dans ce cadre, elle s’inscrit dans une démarche de RSE117, démarche qui apparaît déjà dans les références faites, au sein des accords, aux Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales, au Pacte mondial des Nations unies et à la Déclaration tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale.

Les accords d’entreprise transnationaux renvoient ainsi à la norme ISO 26000118, à la norme ISO 14001119, mais également à la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, ainsi qu’à la Convention des Nations unies contre la corruption, entrée en vigueur le 14 décembre 2005120. Par ailleurs, dans une perspective de démarche RSE, certaines entreprises intègrent volontairement la référence à leur propre code de conduite ou charte éthique au sein de l’accord d’entreprise transnational. Tel a été le cas pour le groupe Michelin dans son accord-cadre européen de responsabilité sociale et de développement durable du 26 mars 2014.

De ces références aux normes internationales se dégagent ainsi des thèmes récurrents formant l’objet général de l’accord d’entreprise transnational.

Les thèmes relevant des droits sociaux fondamentaux (les 8 conventions fondamentales de l’OIT) englobent : la liberté d’association et le droit de négociation collective ; l’égalité des chances et la non discrimination ; l’interdiction du travail des enfants ; l’interdiction du travail forcé121. D’autres thèmes apparaissent aussi dans les accords, faisant référence à 25 autres conventions internationales de l’OIT : protection des représentants des travailleurs, en lien avec la liberté syndicale et le droit de négociation collective ; santé-sécurité au travail ; question des salaires justes ; conditions et temps de travail ; conciliation vie professionnelle et vie familiale ; cessation de la relation de travail ; politique de l’emploi, etc.

D’autres thèmes sont, quant à eux, relatifs à la RSE et traitent de questions sociétales plus larges, telles l’environnement et le développement durable, la lutte contre la corruption ou la politique de lutte contre le VIH.

Les entreprises transnationales, jouant un rôle complémentaire à celui des États, prennent conscience de l’importance de la signature d’accords garantissant de tels droits.

2. Les accords à objet spécifique

Nous l’avons dit, les thématiques abordées varient grandement d’un accord à un autre, mais tendent à devenir plus précises avec le temps. Parmi les accords à objet spécifique, deux générations semblent se dessiner. Des accords à thématique spécifique mais classique, et des accords abordant des thèmes originaux. Cette segmentation concerne particulièrement les accords de portée européenne, ou accords-cadres européens, car comme nous l’avons vu précédemment, les accords de portée internationale tendent plutôt à incorporer directement les normes internationales relatives aux droits sociaux fondamentaux. D’une façon générale, les accords de portée européenne sont beaucoup plus variés, riches et précis que les accords de portée internationale (Leonardi, 2012).

A. Les thématiques classiques

Une première série d’accords d’entreprise transnationaux se rapportant à un objet spécifique concerne des thématiques classiques. Celles-ci couvrent un large champ de domaines liés au droit du travail : restructurations, anticipation du changement, formation et mobilité. On y trouve aussi le thème de la santé et de la sécurité, ainsi que celui de l’égalité des chances – sans référence systématique aux normes internationales – ou encore le sujet de la participation des travailleurs aux résultats de l’entreprise.

Les accords sur les restructurations et l’anticipation du changement

Le thème des restructurations et de l’anticipation du changement se retrouve dans une majorité d’accords-cadres européens (55 %) (da Costa, Rehfeldt, 2012). On peut les subdiviser en plusieurs groupes (Schmitt, 2008) :

  • Ceux dédiés aux conséquences sociales issues de l’annonce d’un plan de restructuration122, visant à définir et entreprendre les mesures nécessaires pour éviter les licenciements économiques et assurer des garanties sociales en cas de transfert d’activité.
  • Ceux qui énoncent les règles et principes généraux voués à s’appliquer en cas de restructuration123. Par anticipation, l’entreprise convient, au moyen de règles et principes généraux, des garanties individuelles (départ volontaire, mobilité géographique, compensation financière, réorganisation du temps de travail, etc.) et des garanties collectives pour les représentants des travailleurs (le moment le plus opportun pour engager la procédure d’information et de consultation, les moyens mis à disposition des représentants des travailleurs, l’assistance d’un expert, le droit de soumettre à la direction des propositions alternatives à celles prévues, etc.), qui s’appliqueront, si cette éventualité se réalise.
  • Ceux traitant principalement de l’anticipation du changement124. Cette catégorie récente d’accords s’inscrit dans une démarche plus prospective et tend à établir une politique sociale de long terme visant le maintien de l’emploi, quels que soient les changements organisationnels. Une telle politique passe par des actions de formation, la mobilité interne, le renforcement des prérogatives du comité d’entreprise européen ou l’instauration de comités spécifiques dédiés aux questions d’anticipation du changement.
  • Enfin, ceux qui, parmi les accords mondiaux, font référence aux restructurations et/ou à l’anticipation du changement125. L’objectif de ces accords est d’engager le groupe au respect de standards minimaux en cas de restructuration.

Il est intéressant de noter que les accords d’entreprise transnationaux portant sur les thématiques de restructurations et d’anticipation du changement correspondent pour l’essentiel à des accords de portée européenne. On pourrait même dire que les accords transnationaux traitant de l’anticipation du changement sont frappés du sceau du particularisme juridique français. En reprenant l’étude du troisième groupe d’accords, nous ne retrouvons en effet que des accords conclus par des entreprises transnationales relevant de l’ordre juridique français. La gestion anticipée du changement correspond en droit du travail français à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences126 (GPEC). La GPEC apparaît ici comme une « anticipation sociale des restructurations » (Beaujolin-Bellet et al., 2007), s’inscrivant dans un contexte économique de restructuration permanente (Degremont, 2004). La législation française, qui dans une loi du 18 janvier 2005 a imposé aux entreprises de 300 salariés et plus de négocier tous les trois ans un accord de GPEC, semble avoir directement influencé ces accords. Certains d’entre eux portent même le nom de GPEC127, ou du moins intègrent dans le contenu de l’accord une référence explicite à la GPEC, alors même que cette expression française n’a pas d’équivalent systématique dans d’autres langues.

Bien que les accords d’entreprise transnationaux relatifs aux restructurations soient impulsés par une majorité d’entreprises transnationales de « nationalité » française, la question intéresse aussi le niveau européen. La Commission européenne s’est déjà positionnée sur le fait qu’un dialogue social européen sur le thème des restructurations était indispensable au plan sectoriel et interprofessionnel128. En considérant les restructurations comme inhérentes à la vie de l’entreprise et destinées à en préserver la compétitivité, la Commission européenne entend désormais, tout en portant un regard attentif sur ces restructurations, renforcer le rôle du dialogue social, notamment dans la diffusion des bonnes pratiques. Elle indique même qu’elle évaluera la nécessité ou non de légiférer sur la question. Dans cette attente, ce sont aujourd’hui les entreprises transnationales qui, au niveau européen, anticipent au travers des accords d’entreprise transnationaux les conséquences liées aux restructurations.

Les accords spécifiques aux conditions d’emploi et de travail

On peut classer les accords portant sur la thématique large des conditions d’emploi et de travail en cinq grandes catégories.

La santé et sécurité. Comme évoqué précédemment, certains accords traitent de la question de la santé et sécurité de manière générale, en référence aux conventions de l’OIT. Ce sont en majorité des accords de portée internationale. Mais d’autres accords appréhendent de manière plus spécifique cette thématique, en adoptant des politiques de prévention concrètes comme dans l’accord conclu entre Danone et l’UITA sur « la santé, la sécurité, les conditions de travail et le stress » du 4 octobre 2011, ou encore dans les accords d’ArcelorMittal129 et de Lafarge130, qui prévoient la mise en place de comités de santé et de sécurité au sein des filiales ou au niveau le plus approprié. Le groupe Lafarge entend d’ailleurs, au travers de ses engagements négociés, mener des actions concrètes consistant notamment dans la formation des salariés en matière de santé et sécurité. De son côté, l’accord Michelin prévoit le développement de programmes de prévention et un suivi médical du personnel131. Certains accords vont audelà, en instituant des droits précis au profit du salarié, tel le droit de retrait132. Environ 13 % des accords européens traitent du thème de la santé et sécurité. Il semble que, depuis 2007, la dynamique de conclusion d’accords sur ce thème ralentisse si on la compare à la période 1996-2006 (da Costa, Rehfeldt, 2012).

L’égalité des chances et la non-discrimination. Un certain nombre d’accords ont pour objet l’égalité des chances, la non-discrimination et la promotion de la diversité. Si les accords relatifs à l’égalité des chances ne représentaient que 4% des accords européens sur la période 1996-2006, ceux-ci se sont davantage développés entre2007 et 2011, où ils ont représenté 10 % des accords européens signés sur la période. Ainsi le groupe Pinault-PrintempsLa Redoute (PPR) a-t-il souhaité en 2008 inscrire dans un accord sa politique d’égalité des chances en faveur de l’emploi des personnes handicapées133 . De même, le groupe Renault a consacré dans un accord sa politique de mixité homme/femme, qui s’attache au « positionnement des femmes dans l’entreprise qui se traduit par une évolution de ses processus RH en termes de recrutement et de gestion de carrière et sur le développement d’un réseau de femmes de portée internationale »134. Les groupes Suez et Total ont également développé au sein de leurs accords des mesures en faveur de l’égalité homme-femme pour encourager l’accession des femmes à des postes de management135 . De son côté, le groupe Thales soutient la diversité en « élaborant des parcours professionnels européens afin de diversifier davantage les équipes »136. Des accords sont également dédiés spécifiquement au thème de la non-discrimination et de l’égalité des chances, à l’image de Total, PPR, GDF Suez137, Danone138 et Areva139. Un accord a innové en 2016, en se consacrant exclusivement à la prévention du harcèlement sexuel140.

L’intéressement et la participation financière des salariés. Le thème de l’intéressement et de la participation financière des salariés n’est abordé que par 8 % des accords de portée européenne sur la période 2007-2011 (da Costa, Rehfeldt, 2012). Parmi les entreprises transnationales ayant conclu des accords sur ce sujet, on trouve le groupe EADS141, le groupe Suez142 et le groupe Solvay143.

Notons que la question des salaires ou des rémunérations ne peut être traitée comme telle dans un accord de portée internationale. Cela s’avèrerait d’ailleurs très difficile même dans un accord de portée européenne, tant les valeurs monétaires et le pouvoir d’achat varient d’un État à l’autre. Seules les questions du salaire décent144 et du principe de « l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur »145 peuvent faire l’objet d’une clause spécifique ou d’un accord. Ces thématiques constituent le cœur de deux droits sociaux fondamentaux : droit à une rémunération juste et droit à l’égalité de rémunération. À ce jour, aucun accord d’entreprise transnational ne traite exclusivement de la question de la rémunération.

Le dialogue social. Enfin, des accords s’intéressent au dialogue social et aux procédures d’information et de consultation des représentants des salariés, en spécifiant des règles destinées à guider la dynamique du dialogue social dans le groupe. Ce thème est abordé par environ 18% des accords de portée européenne (Sobczak, Léonard, 2009). Un accord original d’EADS a instauré une procédure de négociation destinée à être suivie dès lors que la direction et les organisations syndicales souhaitent discuter d’un sujet transnational concernant au moins deux pays différents146 (voir p. 123)

B. Des thématiques innovantes

Depuis la fin des années 2000, les accords d’entreprise transnationaux commencent à aborder des sujets innovants. Le contenu des accords et les thématiques abordées évoluent dans la mouvance de la société et de l’évolution de la conjoncture économique et sociale. Les partenaires sociaux ont parfois souhaité donner au contenu de leurs accords un caractère plus complet et un travail d’ampleur a pu être réalisé en amont147 pour préparer l’accord (voir chapitre 1, p. 25).

La protection des données

La protection des données fait partie de ces thèmes discrets, parfois abordés par les accords transnationaux : elle ne concerne que 8 % des accords européens sur la période 1996-2006 (da Costa, Rehfeldt, 2012). Parmi ceux-ci, les accords Kraft Foods148 et Philip Morris de 2001, Porr de 2003, Unilever de 2004. Depuis 2007, il semble que la protection des données personnelles ne soit que rarement abordée dans les accords. Toutefois, la question de la protection des données personnelles des salariés pourrait devenir un sujet de premier plan dans les années à venir, en lien avec l’exploitation du big data et l’intelligence artificielle.

Les politiques générationnelles

Le thème des politiques générationnelles reste encore peu appréhendé au sein des accords d’entreprise transnationaux. Aujourd’hui, seules quelques entreprises transnationales se sont attelées à négocier un accord sur ce thème qui peut être considéré comme une déclinaison de la politique « diversité ». La thématique est abordée tantôt sous l’angle des « jeunes », tantôt sous le prisme des « seniors ».

Le groupe Safran a conclu pour la première fois en mars 2013 un « accord-cadre européen en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes ». La question des seniors avait, quant à elle, suscité auparavant l’intérêt des négociateurs, puisque le premier accord consacré à ce thème semble avoir été l’accord PPR du 14 octobre 2008, Charte sur l’emploi des seniors. Le groupe Michelin a également négocié sur la question des seniors dans son accord de mars 2014, en prévoyant notamment des politiques de gestion de fin de carrière et en renforçant le rôle des seniors dans le transfert des savoirs et des savoir-faire (via la mise en place d’un tutorat par exemple).

La qualité de vie au travail

Marqués d’une empreinte française, les accords relevant de la qualité de vie au travail (QVT) semblent être en plus grand nombre que les accords de gestion des carrières des jeunes et des seniors. Allant au-delà du champ spécifique de la santé et sécurité au travail, ces accords s’intéressent avec originalité au thème de la QVT149, en abordant notamment les questions du bien-être au travail150, de la conciliation vie privée-vie professionnelle et du stress au travail151. L’accord Groupama, Déclaration commune portant sur la qualité de vie au travail du 15 février 2013, traite de ces trois thématiques, en se référant à son accord-cadre européen sur le stress au travail de 2004 et à son accord-cadre sur le harcèlement moral et la violence au travail de 2007. L’accord Michelin de mars 2014 mentionne, quant à lui, la possibilité de négocier des avenants à l’accord, notamment sur la qualité de vie au travail et sur la protection sociale152.

Il convient de rapprocher ce mouvement d’accords de la conférence sociale française de juillet 2012, qui a inscrit pour la première fois le thème de la qualité de vie au travail sur la feuille de route (Dechristé, 2012)153 ; le sujet a ensuite été consacré par la « loi Rebsamen » de 2015 parmi les thèmes de négociation annuelle obligatoire154. Des entreprises françaises telles que Michelin ou Groupama ont pu être influencées dans leurs accords transnationaux par la politique sociale française, telle qu’elle se développait à cette période. On le voit ici encore, l’ordre juridique national ne cesse de poindre le bout de son nez dans l’AET.

Aujourd’hui, deux nouveaux thèmes semblent émerger : celui du télétravail et celui de l’emploi durable, ce dernier ayant fait l’objet d’un accord adopté par le groupe Danone en 2016155.

  • 96. Ce principe correspond à une « théorie fondamentale selon laquelle la volonté de l’homme (face à celle du législateur) est apte à se donner sa propre loi, d’où positivement pour l’individu la liberté de contracter ou de ne pas contracter, celle de déterminer par un accord le contenu du contrat dans les limites laissées à la liberté des conventions par l’ordre public e les bonnes mœurs, celle, en principe, d’exprimer sa volonté sous une forme quelconque, d’où, plus généralement, l’affirmation que la volonté des parties est la source de l’obligation contractée (art. 1134 al. 1 du Code civil) et de celle de l’interprétation du contrat (article 1156 du Code civil) » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, coll. Quadrige, 10e éd., 2014. Autonomie de la volonté
  • 97. Par exemple, les accords relatifs aux restructurations faisant suite à la crise financière de 2008-2009. Voir UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi , octobre 2011, p. 13.
  • 98. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Nicolas Lefébure, DRH du Groupe GDF Suez (Engie), 12 juin 2014.
  • 99. Par exemple, les premières conventions de l’OIT ont été adoptées dès 1919, les principes directeurs de l’OCDE en 1976 et le Global Compact des Nations unies en 2000.
  • 100. Voir note n°94.
  • 101. Par exemple pour ce qui concerne les conventions internationales de l’OIT qui sont à destination des États et qui nécessitent d’être ratifiées par l’État pour s’appliquer.
  • 102. BIT, Les conventions fondamentales de l’organisation internationale du travail, Genève, 2002, préface.
  • 103. Il s’agit de l’accord européen du groupe Pernod Ricard sur la responsabilité sociale de l’entreprise de 2014.
  • 104. OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, 2011, p. 5. En matière sociale, les principes directeurs peuvent être interprétés en combinaison avec la Déclaration tripartite de l’OIT et la Déclaration de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail.
  • 105. Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), Guide syndical de la mondialisation, 2e éd., Bruxelles, 2004, p. 105.
  • 106. Le Pacte mondial des Nations unies invite les entreprises à adopter, soutenir et appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l’homme, des normes de travail et de l’environnement, et de lutte contre la corruption. Il comprend dix principes nés de l’influence de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948, de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998, de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992 et de la Convention des Nations unies contre la corruption de 2005.
  • 107. 6 accords citant les principes Directeurs de l’OCDE et le Pacte mondial : l’accord sur la participation des salariés au sein d’Allianz SE de 2006 ; l’accord européen sur la responsabilité sociale du groupe Gaz de France de 2008 ; l’accord-cadre européen de responsabilité sociale et de développement durable du groupe Michelin de 2014 ; l’accord européen sur la responsabilité sociale de l’entreprise Pernod-Ricard de 2014 ; l’accord Européen – Plateforme Sociale du groupe Total de 2004 ; l’accord sur la responsabilité sociale du groupe Valeo de 2012.
  • 108. L’accord international pour la promotion du dialogue social et de la diversité et pour le respect des droits fondamentaux au travail du groupe Carrefour du 2015 et l’accord-cadre mondial sur le respect des droits fondamentaux dans la chaîne d’approvisionnement du groupe H&M de 2015.
  • 109. L’accord européen sur la responsabilité sociale de l’entreprise Pernod-Ricard de 2014.
  • 110. Les Principes directeurs des Nations unies adoptés en 2011 pour la mise en œuvre du cadre de référence constitué du triptyque « Protéger, respecter et réparer » ont été élaborés par le représentant spécial de l’Onu en charge des droits de l’homme, John Ruggie.
  • 111. Art. 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.
  • 112. Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
  • 113. Citée dans l’accord sur la responsabilité sociale de Valeo, 10 juillet 2012.
  • 114. Ibid.
  • 115. Accord-cadre international Westdeutsche Allgemeine Zeitung Mediengruppe « sur la protection et la promotion de la liberté de la presse, le journalisme de qualité et les bonnes relations industrielles au sein des opérations de WAZ » de 2007. L’accord se réfère à l’article 10 de la CEDH relatif à la liberté d’expression.
  • 116. La référence est citée au sein de deux accords : la Charte sociale et éthique d’Air France KLM de 2008 et la Charte sociale européenne du groupe Generali de 2006.
  • 117. La Commission européenne a redéfini en 2011 la notion de RSE pour l’entendre comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société » Communication de la Commission européenne, « Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014 » du 25 octobre 2011, COM(2011) 681 final.
  • 118. La norme ISO 26000 vise la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement. Celle-ci est notamment citée par l’accord-cadre mondial de responsabilité sociale, sociétale et environnementale entre le groupe Renault, le Comité de Groupe Renault et IndustriAll Global Union du 2 juillet 2013.
  • 119. La norme ISO 14001:2004 sur les systèmes de management environnemental est citée par un seul accord, à savoir le code de conduite de l’entreprise suédoise SKF de 2003.
  • 120. La Déclaration de Rio et la Convention des Nations unies contre la corruption sont notamment citées au sein de l’accord-cadre mondial sur la Responsabilité Sociale du groupe PSA Peugeot Citroën du 20 mai 2010 (accord renouvelant et améliorant l’accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale de l’entreprise du 2 mars 2006).
  • 121. Ces quatre thèmes correspondent aux droits qualifiés de fondamentaux par la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de du 18 juin 1998. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales de même que le Pacte mondial des Nations unies opèrent un renvoi à ces droits fondamentaux.
  • 122. Parmi ceux-ci, un accord de Danone, de DaimlerChrysler, d’Unilever, deux accords de Ford, cinq accords de General Motors.
  • 123. Des accords de ce type ont été signés par Axa, Danone en 1997, Deutsche Bank, Dexia en 2002 et 2007, Diageo, EADS en 2007, GM en 2008, RWE, Total en 2004, et Unilever en 2011.
  • 124. Des accords de ce type ont été signés par Danone en 1992, Dexia en 2002, ENI en 2001 et 2003, Schneider Electric en 2007, Suez en 2004, Total en 2007, Areva, Alstom, Axa Assistance et Axa Group en 2011, BNP Paribas en 2012, Thales en 2009 et GDF Suez en 2010.
  • 125. Ce groupe rassemble notamment les accords d’Arcelor, EADS, EDF, ENI, Generali, Lukoil, PSA, Renault, Suez.
  • 126. La gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) est une gestion anticipative et préventive des ressources humaines, en fonction des contraintes de l’environnement et des choix stratégiques de l’entreprise. Depuis septembre 2017, l’employeur a l’obligation d’engager une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels au moins une fois tous les quatre ans (art. L. 2242-2 du Code du travail).
  • 127. L’accord « Dynamique sociale du groupe Suez Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » du 3 juillet 2007 ; l’« accord de groupe européen relatif à la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences » de GDF Suez du 23 février 2010 ; l’« Accord sur la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences » du Groupe Areva du 1er avril 2011.
  • 128. Communication de la Commission européenne, « Anticiper et accompagner les restructurations pour développer l’emploi : le rôle de l’Union européenne », du 31 mars 2005, COM(2005) 120 final, p. 3.
  • 129. Voir l’accord ArcelorMittal sur « la création d’un comité mondial santé et sécurité » du 3 juin 2008.
  • 130. Voir l’accord Lafarge, « Déclaration commune en matière de santé et de sécurité » du 1er juin 2011.
  • 131. Voir l’accord Michelin, Accord-cadre européen de responsabilité sociale et de développement durable du 26 mars 2014.
  • 132. Accord DaimlerChrysler « Principes de Santé et Sécurité au Travail » de février 2006, p. 2. En droit français du travail, le droit de retrait est le droit pour le salarié de se retirer d’une situation de travail présentant un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » . Le droit de retrait est un droit individuel pouvant être exercé collectivement.
  • 133. Voir accord PPR, Charte sur l’emploi des personnes handicapées du 14 octobre 2008.
  • 134. Voir l’accord Renault, Accord-cadre mondial de responsabilité sociale, sociétale et environnementale, signé le 2 juillet 2013, p. 7.
  • 135. Accord Suez, Dynamique sociale du groupe Suez Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du 3 juillet 2007, p. 4 ; Accord Total, Accord européen sur l’égalité des chances du 21 novembre 2005.
  • 136. Accord Thales, Améliorer le développement professionnel en anticipant mieux, du 11 juin 2009, p. 33.
  • 137. Accord GDF Suez, Accord européen relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du 5 juin 2012.
  • 138. Convention Groupe Danone / UITA sur la diversité du 8 juin 2007.
  • 139. Accord de groupe en faveur de l’Égalité des Chances au sein du groupe Areva en Europe, du 16 novembre 2006.
  • 140. Unilever, Déclaration conjointe sur la prévention du harcèlement sexuel, 26 janvier 2016, Liaisons Sociales Europe, n°394, 2016, p. 2.
  • 141. Accord sur la mise en œuvre d’un système d’intéressement ( Success sharing plan ) au sein du Groupe EADS-NV du 15 juin 2011 « Le présent accord annule et remplace l’accord du 16 juin 2009 ».
  • 142. Accord sur la « dynamique sociale de groupe Suez Association des salariés aux résultats » du 3 juillet 2007.
  • 143. Solvay, Accord mondial sur un plan d’intéressement à la performance pour l’année 2016, 4 mars 2016 (LSE n°399, 2016, p. 4). Un tel accord a aussi été conclu au sein du groupe le 27 mai 2015 pour l’année 2015 (LSE n°379, 2015, p. 8). Une première expérimentation de cet intéressement fut adoptée en 2014 (LSE n°399, 2016, p. 4).
  • 144. Voir BIT, Rapport mondial sur les salaires 2012/13. Salaires et croissance équitable , Genève, 9 mai 2013. Selon Guy Ryder, Directeur Général de l’OIT, « les salaires minimaux contribuent à protéger les travailleurs faiblement rémunérés et à prévenir une chute de leur pouvoir d’achat qui, à son tour, affecterait la demande intérieure et la reprise économique ».
  • 145. Art. 157 du Traité FUE ; Convention n°100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération, 1951.
  • 146. Accord du groupe EADS « relatif à la procédure de négociation sociale au niveau européen », septembre 2010.
  • 147. Par exemple, un recensement des bonnes pratiques a été réalisé dans le cadre de la négociation de l’accord IDEA chez Thales et dans le cadre de la négociation de l’accord sur la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences au sein du Groupe Areva. Propos issus des entretiens réalisés auprès de Cécile Dufoix, Juriste Droit Social du Groupe Thales le 11 juin 2014 et d’un représentant de la direction du Groupe Areva.
  • 148. Accord Kraft Foods de 2001 relatif à « la protection et au traitement des renseignements personnels à caractère professionnel des employés de dans les pays de l’UE/ de l’Espace Economique Européen ».
  • 149. Emilie Bourdu, Marie-Madeleine Péretié, Martin Richer, La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité , La Fabrique de l’industrie, Presses des Mines, 2016.
  • 150. Lafarge, Déclaration relative au bien-être au travail du 23 mai 2013 ; PPR, Charte d’engagements sur la qualité de vie professionnelle et la prévention du stress au travail du 27 juillet 2010 ; un accord GDF Suez sur le bien-être au travail était en négociation au moment de la rédaction de ce travail.
  • 151 Allianz, Accord sur les lignes directrices concernant le stress au travail de mai 2011. L’accord se réfère aux directives européennes suivantes : Directive 89/391 sur l’introduction de mesures pour améliorer les conditions de santé et de sécurité au travail ; Directive 90/270 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation.
  • 152. Voir l’accord Michelin, Accord-cadre européen de responsabilité sociale et de développement durable du 26 mars 2014, p. 3.
  • 153. Sur le thème de la qualité de vie au travail, voir aussi le dossier documentaire de la table ronde n°4 « Atteindre l’égalité professionnelle et améliorer la qualité de vie au travail » disponible sur : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/table_ronde_egalite_prof_QVT.pdf.
  • 154. Article L. 2242-8 du code du travail issu de la loi n°2015-994 relative au dialogue social et à l’emploi, dit « loi Rebsamen ». Cette loi apporte des modifications à la négociation d’entreprise. Désormais, la négociation obligatoire est regroupée selon qu’elle est annuelle en deux thèmes ou selon qu’elle est triennale en un seul thème (la gestion des emplois et des parcours professionnels dans les entreprises d’au moins 300 salariés). La négociation annuelle obligatoire est, d’une part, relative à la rémunération, au temps de travail et au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, et d’autre part, relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la qualité de vie au travail. Avec l’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017, dite « ordonnance Macron », ces mêmes négociations obligatoires sont définies au niveau du droit supplétif (qui s’applique à défaut d’accord). Ainsi, la périodicité, les thèmes des négociations et leur contenu sont aujourd’hui définis par accord collectif d’entreprise (accord de méthode).
  • 155. Danone, Convention Danone/UITA sur l’emploi durable et l’accès aux droits, 15 mars 2016, LSE , n°397, 2016, p. 4.
Chapitre 5

Les parties à la négociation transnationale d’entreprise : qui négocie et à quel titre ?

À retenir

  • Un ou plusieurs membres de la direction de la société dominante du groupe représente l’employeur à la négociation. Le négociateur est souvent le DRH groupe, et le signataire de l’accord, le PDG du groupe transnational.
  • La représentation des travailleurs doit s’appuyer sur la base la plus large possible, afin d’assurer à l’accord sa légitimité. Cela nécessite souvent de recourir à une combinaison d’acteurs qui négocieront et signeront l’accord.
  • Le comité d’entreprise européen est depuis la fin des années 1990 un acteur incontournable de la négociation transnationale d’entreprise, dont il est souvent l’initiateur. Lorsqu’il existe, le comité de groupe « monde » peut aussi être impliqué.
  • À côté des instances transnationales de représentation des salariés, différents acteurs syndicaux prennent part à la négociation.
  • Les fédérations syndicales internationales et européennes, avec leur expertise sectorielle, jouent un rôle très actif dans ces négociations, qu’elles visent à encadrer par leurs propres lignes directrices et modèles-types d’accords.
  • Les syndicats nationaux implantés dans l’État du siège de la société dominante interviennent fréquemment en amont de la négociation, durant celle-ci et comme signataires, principalement pour les accords de portée internationale. Leur légitimité à représenter l’ensemble des salariés d’un groupe mondial est souvent contestée.>
  • Enfin, certaines entreprises impliquent dans la négociation les syndicats nationaux d’autres pays au sein duquel le groupe possède des filiales, afin de favoriser par la suite une large application de l’accord.
  • À noter que du point de vue syndical, la négociation collective transnationale relève du monopole syndical au même titre que la négociation nationale. Seuls des signataires syndiqués( versus des élus ) peuvent, de leur point de vue, assurer à l’accord une réelle légitimité.

En l’absence de cadre juridique dédié à l’accord d’entreprise transnational, la première question qui se pose est de savoir qui négocie, et surtout à quel titre. En pratique, une multiplicité d’acteurs sont appelés à la négociation, particulièrement pour ce qui concerne la représentation des salariés, sans que le rôle respectif de chacun ne soit toujours clairement déterminé. D’où provient alors la légitimité de chacun des acteurs à négocier et signer de tels accords ?

1. Une légitimité patronale tirée du pouvoir de contrôle de la société dominante

L’acteur patronal du groupe transnational est représenté par un membre de la direction de la société dominante.

Juridiquement, le groupe se compose d’une société dominante, c’est-à-dire la société mère du groupe, et des sociétés dominées, les filiales implantées dans différents États.

En pratique, la représentation des employeurs de l’entreprise transnationale ou du groupe transnational à la négociation de l’AET ne semble pas sujette à grande controverse. Que ce soit pour la négociation et la signature d’un accord de portée européenne ou internationale, la personne représentant l’employeur correspond souvent à un ou plusieurs membres de la direction de la société dominante du groupe. Au sein de la direction de la société dominante, divers services peuvent être associés à la négociation d’accords : le DRH du groupe, le Responsable des relations sociales, le Directeur Développement Durable156, le Président-Directeur Général en personne en fonction de la séance de négociation. Peuvent également figurer parmi les acteurs de la négociation les directions de filiales, la direction Achat, la direction commerciale et la direction juridique157.

 

Graphique 2 Une multiplicité d’acteurs appelés à la négociation


Le représentant de la société dominante tire sa légitimité d’un « véritable rapport de pouvoir qu’une société dominante est en mesure d’instaurer à l’égard des sociétés qu’elle contrôle » (Legrand, 2008). Par conséquent, « la domination inhérente à la notion de groupe suppose que la société qui l’exerce ait le pouvoir d’imposer ses décisions aux autres ».

Les groupements d’employeurs pourront constituer des lieux d’échange en amont de la négociation d’un accord. Ces espaces d’échange se constituent au niveau international, européen et national entre les dirigeants, tels « l’Organisation internationale des employeurs (l’OIE) auprès de l’OIT, le Business and Industrial Advisory Committee (BIAC) auprès de l’OCDE, l’Union des industries de la communauté européenne (UNICE) [devenue Business Europe en 2006] auprès des institutions de l’Union européenne » (Saincy, 2006). Les organisations patronales nationales et sectorielles, telles le Medef ou l’UIMM en France ou le BDA (Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbande)158 en Allemagne, constituent également des lieux d’échange pour les directions d’entreprises. Mais animés chacun par leur propre « culture groupe », les groupes transnationaux préfèrent davantage opérer seuls plutôt que de se placer sous la houlette d’une organisation patronale.

Un élément intéressant peut être relevé. Bien que de nombreux accords aient été négociés avec le DRH de l’entreprise159 ce dernier n’est pas pour autant systématiquement le signataire de l’accord. Les accords recueillent généralement la signature du PDG qui détient le pouvoir d’engager le groupe transnational ou l’entreprise transnationale dans son ensemble. Thales constitue l’une des exceptions puisque le signataire des deux accords pour la direction était le DRH du groupe160.

Bien que la légitimité patronale semble en pratique ne pas poser de difficultés, celle-ci peut toutefois se heurter à l’autonomie juridique des sociétés composant le groupe. Pour que l’accord engage toutes les sociétés du groupe, chacune devrait en principe le signer, « ce qui semble d’autant plus irréaliste que le périmètre des groupes et des réseaux est modifié en permanence » (Sobczak, 2006). On considère donc généralement qu’il existe un mandat tacite en faveur de la société dominante du groupe transnational. Le représentant de la société dominante serait mandaté comme agent négociateur et signataire, et de ce fait, il agirait au nom des directions des sociétés dominées. Toutefois, la valeur juridique du mandat tacite risque d’être « affaiblie [et de] poser problème si de nouvelles filiales rejoignaient le groupe ». La technique de l’adhésion à l’accord d’entreprise transnational sera alors la bienvenue (voir ci-après p. 110). L’adhésion à l’accord permet à une nouvelle filiale de s’engager, postérieurement à la conclusion de l’accord, à en respecter le contenu.

La question de savoir qui représente la direction du groupe transnational n’implique par conséquent pas de difficultés majeures. Le débat s’élève plutôt quant au(x) représentant(s) des travailleurs le(s) plus légitime(s), politiquement et juridiquement, à négocier.

2. Les instances transnationales de représentation des travailleurs

Les instances transnationales de représentation des travailleurs comprennent le comité d’entreprise européen (CE Européen) et le comité d’entreprise mondial.

Ces instances transnationales tirent leur légitimité de la proximité qu’elles entretiennent avec les travailleurs du groupe transnational. Elles représentent les salariés des différentes filiales ayant un ou plusieurs représentants siégeant à l’instance transnationale. En effet, selon les règles qui définissent la constitution de l’instance, les membres de celle-ci représentent, proportionnellement au nombre de salariés dans le pays de la filiale, les principaux États où les salariés sont employés161.

A. Comité d’entreprise européen et organe de représentation des travailleurs de la Société européenne

Les instances transnationales européennes d’information et de consultation ont été consacrées au niveau communautaire en 1994 par l’adoption de la Directive 94/45/CE sur le Comité d’entreprise européen, révisée par la Directive refonte 2009/38/CE du 6 mai 2009. Quelques années plus tard, la directive 2001/38/CE du 8 octobre 2001 consacra un volet « implication des travailleurs » destiné à compléter le statut de la Société européenne et visant à garantir des procédures d’information et de consultation au niveau transnational, dès lors qu’une société européenne (SE) est créée. Dans ce cadre, est prévue la mise en place d’un organe de représentation des travailleurs par voie d’accord négocié entre les organes compétents des sociétés participantes (représentants de la direction) et le groupe spécial de négociation (représentants des travailleurs).

Ces deux directives n’ont fait que consacrer une pratique déjà existante au sein de certains groupes transnationaux puisque, bien avant la consécration juridique d’une instance représentative européenne, on a pu identifier l’existence d’instances européennes d’information et de consultation, à l’instar du comité ad hoc européen du groupe BSN, devenu par la suite le groupe Danone, créé dans les années 1980162.

Conçus comme des espaces d’échange d’informations et de consultation entre la direction et les représentants des travailleurs sur les questions transnationales à l’échelon européen, le comité d’entreprise européen ou l’organe de représentation des travailleurs de la SE ne dispose formellement d’aucune attribution à la négociation transnationale d’entreprise selon les deux directives communautaires.

Le seul rôle de négociation attribué à une instance transnationale de représentation des travailleurs est octroyé, en amont de la création du comité d’entreprise européen ou de l’organe de représentation de la SE, à un Groupe spécial de négociation (GSN) avec pour objectif de négocier et conclure l’accord de mise en place du comité d’entreprise européen, c’est-à-dire en préciser, entre autres, la composition, la répartition des sièges, les attributions et moyens163. Nonobstant cette vacuité législative, les partenaires sociaux de certains groupes transnationaux ont emprunté et développé la voie de la négociation transnationale via le comité d’entreprise européen.

Il est intéressant de relever, par ailleurs, que l’une des rares SE à avoir négocié et signé des accords d’entreprise européens, Allianz, a expressément inséré une clause au sein d’un de ses accords, qui habilite précisément le « comité d’entreprise » de la SE à négocier des accords d’entreprise transnationaux sur les thématiques énumérées par l’accord : égalité des chances, santé et la sécurité, protection des données et formation continue164.

De même, le groupe allemand MAN SE a négocié en 2012 avec le « comité d’entreprise » de la SE un accord-cadre international sur les droits sociaux fondamentaux et les conditions de travail. Il semble que cela soit le premier accord transnational de portée internationale à avoir été négocié par le comité d’entreprise d’une SE165. Allianz et MAN disposaient, toutes deux, avant leur transformation en SE, d’un comité d’entreprise européen et étaient ainsi déjà animées d’une culture du dialogue social transnational.

Depuis la signature des premiers accords avec les comités d’entreprise européens à la fin des années 1990166, le nombre d’accords négociés et signés par les comités d’entreprises européens continue de s’accroître régulièrement167, faisant du CE Européen un acteur incontournable de la négociation transnationale d’entreprise.

Pour ce qui concerne la conclusion d’AET de portée internationale, une étude de 2009 rapporte que 24 % d’entre eux sont « cosignés par le comité d’entreprise européen concerné » (Sobczak, Léonard, 2009). S’il n’est pas le signataire de l’accord, il arrive fréquemment que le comité d’entreprise européen soit « associé à la négociation de l’accord, voire s’en trouve à l’origine ». Un exemple en est celui de l’accord EDF sur la responsabilité sociale du groupe. L’instance européenne via ses organisations syndicales nationales168 donna l’impulsion à la négociation de l’accord, en portant officiellement la demande de conclure un accord RSE auprès de la direction du groupe EDF.

Pour les accords de portée européenne, plus des trois-quarts d’entre eux sont négociés et signés par un comité d’entreprise européen (77 % des accords européens) et dans ce pourcentage, 77 % le sont par le comité européen seul.

Il se dégage en outre une particularité s’agissant des comités d’entreprise européens de groupes allemands. On sait que dans la culture allemande du dialogue social, les négociations sociales sont menées par le conseil d’entreprise (Betriebsrat)169. Ainsi, par tradition, les entreprises ayant leur siège en Allemagne associent-elles presque systématiquement leur comité d’entreprise européen à la négociation et la signature d’accords d’entreprise transnationaux170, que celui-ci ait vocation à s’appliquer à l’échelle européenne ou internationale.

Le choix du partenaire de négociation représentant les intérêts des salariés est ainsi influencé non seulement par la culture de la négociation présente dans l’entreprise mais aussi par la nationalité de la société dominante. Un effet « pays d’origine » émerge bien de l’analyse des acteurs négociant des accords d’entreprise transnationaux.

Le Groupe Spécial de Négociation. Nous avons vu ci-dessus que pour négocier l’accord instituant un CE Européen, la directive européenne avait prévu la constitution d’un Groupe Spécial de Négociation (GSN). Certains comités d’entreprise européens ont alors redécouvert ce droit déjà acquis pour l’utiliser à d’autres fins : établir et légitimer une procédure informelle de négociation dans d’autres domaines. En effet, une négociation avec la totalité des membres d’un CE Européen peut se révéler complexe et constituer un frein à son bon déroulement. Dès lors, les directions peuvent souhaiter restreindre le nombre d’acteurs participant à la négociation dans le but d’assurer son efficacité. Ce GSN, composé généralement des membres formant le comité restreint171 du CE Européen, lequel gère les affaires courantes, se positionne ainsi comme un interlocuteur pertinent de la direction pour mener la négociation d’un accord d’entreprise transnational.

Le GSN peut aussi se faire assister par un expert syndical de son choix, provenant d’une organisation syndicale « compétente et reconnue »172 au niveau de l’Union européenne, celui-ci pouvant également participer aux réunions de négociation173.

B. Le Comité d’entreprise mondial

Dès les années 1950, certains syndicats, en particulier le syndicat des ouvriers de l’automobile aux États-Unis (UAW), avait envisagé l’idée de créer un espace de dialogue transnational174. Ce sera finalement dans les années 1990 qu’émergeront les premiers comités d’entreprises mondiaux (appelés aussi parfois comités de groupe mondiaux), influencés par la directive 94/ 45/CE relative à l’institution du CE Européen (da Costa, Rehfeldt, 2009). Les premiers comités d’entreprise mondiaux virent le jour chez SKF (groupe suédois) et Volkswagen (groupe allemand). Depuis, le groupe Renault, de même que les groupes italiens Indesit en 2012175 et Enel en 2013176, se sont dotés d’un comité de groupe mondial.

L’intérêt d’animer les négociations au sein d’un comité d’entreprise mondial est de réunir les représentants des principales régions du monde où sont implantées les filiales. La structure du comité de groupe monde épouse la dimension internationale de l’entreprise et permet d’impliquer des pays dont la culture juridique n’est pas forcément spontanément en phase avec ce type d’instruments (cultures asiatiques, par exemple), à la fois dans la négociation, mais aussi et surtout dans la phase de déploiement et de suivi des accords177 (voir chapitres 6 et 7). Par rapport à une fédération syndicale internationale qui ne représente que un ou quelques secteurs d’activité (voir ci-après), le comité monde présente également l’avantage de pouvoir représenter les différents métiers d’un groupe diversifié. Par exemple, dans le cadre de la négociation de l’accord mondial du groupe Renault de juillet 2013, le comité « monde » avançait sa légitimité à représenter, en plus des métiers de la métallurgie, le commerce et les services, qui n’auraient pas été représentés par la seule FIOM (fédération syndicale internationale de la métallurgie)178. Ces questions de représentation de la diversité des salariés au sein d’un groupe expliquent pourquoi les AET sont souvent signés par plusieurs types de représentants des travailleurs.

À l’instar du CE Européen, le comité mondial se présente comme un acteur privilégié pour la direction, bien qu’en pratique il se compose souvent majoritairement de représentants de pays de l’Union européenne. Cela témoigne de la spécificité européenne que revêtent encore la négociation transnationale et les accords transnationaux, considérés aujourd’hui comme « une des composantes les plus prometteuses et intéressantes du processus dit d’“internationalisation” (ou d’“européanisation”) des relations professionnelles » (Leonardi, 2012).

Du fait du faible nombre de comités mondiaux, rares sont cependant les accords ayant été négociés avec cette instance. Parmi les entreprises qui ont fait cette expérience, citons Renault179, Volkswagen180 et DaimlerChrysler181, trois groupes relevant précisément du secteur de l’automobile, dont deux possèdent leur siège social en Allemagne. Plus récemment, en juin 2010, un comité de groupe monde a été créé au sein d’Orange.

Comme dans le cas du Groupe Spécial de Négociation issu du CE Européen, le comité restreint du comité mondial peut également jouer un rôle dans la négociation. Dans le cadre de la négociation de l’accord mondial Renault de juillet 2013, c’est le comité restreint qui fut un agent négociateur, aux côtés de la fédération syndicale internationale, la FIOM.

Le Comité de groupe « monde » de Renault

Le comité de groupe « monde » de Renault représente un cas particulier, dans la mesure où ce comité était originairement un comité d’entreprise européen créé en 1993 – avant l’adoption de la directive 94/45 – dont la représentation a ensuite été étendue à l’échelle mondiale. Renault figure ainsi parmi les entreprises pionnières de la mise en place d’une instance transnationale représentative du personnel. La transformation du comité européen en comité de groupe monde date de 2000. Aujourd’hui, le comité monde de Renault réunit 40 membres, dont 34 titulaires européens et 6 observateurs monde, représentant les 20 principaux pays où le groupe est implanté. Ce comité de groupe possède des bases européennes mais se compose de membres titulaires qui représentent des filiales situées hors d’Europe, comme la Russie, l’Argentine, la Corée, la Turquie, le Brésil et le Maroc.

C. Limites de la représentation par l’instance d’entreprise transnationale

Bien que le comité d’entreprise européen (ou mondial) se présente souvent comme la seule instance légitime de représentation transnationale des travailleurs, sa légitimité demeure fragile et se heurte à deux objections : l’absence d’assise juridique solide lui permettant de négocier de tels accords et la question de sa capacité à représenter l’ensemble des travailleurs du groupe.

La capacité de négociation du CE Européen n’a pas d’assise juridique solide

La directive européenne sur le CE Européen n’attribue à cette instance aucun droit à négocier. Ce sont des espaces d’information et de consultation. La négociation collective est, elle, souvent réservée aux organisations syndicales en vertu des différents droits nationaux. Les systèmes juridiques nationaux établissent, la plupart du temps, une distinction entre le droit d’information et de consultation des organes élus et le mandat de négociation qui relève du monopole syndical. Tel est le cas en France, mais aussi en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et dans les pays nordiques (Lokiec et al. 2006). Le système juridique allemand constitue une exception à ce monopole syndical, puisque la négociation de tout type d’accord au niveau de l’entreprise y est du ressort du Betriebsrat, institution représentative élue. C’est pourquoi, les entreprises allemandes tendent spontanément à privilégier le cadre du CE Européen pour négocier les AET et sont réticentes à transférer ce droit de négociation aux seules fédérations syndicales européennes. Ce tropisme découle incontestablement de la culture du dialogue social à l’allemande.

Si l’on se tourne vers le droit de l’Union européenne, les différents textes relatifs à l’implication des travailleurs dans le comité d’entreprise européen sont neutres quant à la nature du représentant des travailleurs et établissent un renvoi aux droits nationaux. Les membres du comité d’entreprise européen peuvent donc être indifféremment élus ou désignés par une organisation syndicale.

S’agissant alors de l’attribution d’un droit de négociation collective aux membres du comité d’entreprise européen, celle-ci devrait sans doute être conditionnée par la composition exclusivement syndicale du comité, ce qui n’est – on l’a vu pour l’Allemagne – pas toujours le cas.

Le CE Européen ne représente pas l’ensemble des travailleurs du groupe

En principe, le CE Européen « ne représente pas les salariés des sociétés filiales du groupe situées à l’extérieur de l’Union européenne, même si certains groupes ont décidé d’élargir leur comité, sur une base volontaire, à des représentants du monde entier » (Laulom, 2005). En pratique, les représentants de filiales du groupe qui se situent en dehors de l’Union européenne peuvent être membres du comité d’entreprise européen mais à titre d’observateurs182. Une carence existe donc dans la représentation des salariés.

L’insuffisance de la représentation concerne également le Groupe Spécial de Négociation, quand c’est lui qui négocie de facto un accord. Bien que la réduction du nombre de participants à la négociation ait pour objectif de garantir l’efficacité de la négociation, « la faible représentation peut avoir pour conséquence d’engendrer une réserve des membres absents [du comité d’entreprise européen] à s’approprier l’accord et entraîner des réticences lors de son application » (Santoro, 2015).

De plus, dans la pratique, ce sont parfois les membres du GSN ayant en plus la nationalité de l’État du siège du groupe qui seront force de proposition et principales parties à la négociation d’AET. Ce constat s’explique en partie par le fait que ce sont les États membres, en transposant la directive 2009/38, qui déterminent, en fonction de « leur système national de relations collectives, la manière dont les membres nationaux des GSN seront désignés » (Laulom, 2007). Ainsi, c’est le droit national de l’État du siège qui peut influencer in fine la représentation des salariés dans la négociation transnationale d’entreprise. Ce qui aboutit, il faut bien le dire, à une très imparfaite représentation des différents intérêts collectifs.

Ce fut le cas, par exemple, de la négociation d’un accord transnational au sein du groupe français GeoPost qui contrôle plusieurs filiales en Europe, et notamment en Allemagne. Alors que la Charte des principes de responsabilité sociale du groupe GeoPost et de ses partenaires a été signée en mai 2013 par la direction et le comité d’entreprise européen, sa négociation n’a été réellement assurée que par une seule personne, membre du syndicat allemand Ver.di (Vereinte DienstleistungsGewerkschaft), qui n’avait reçu aucun mandat de négociation183. La négociation s’est donc déroulée sous l’influence de la seule culture sociale allemande : ce seul syndicat était-il vraiment légitime pour négocier pour le compte de l’ensemble des représentants des travailleurs du groupe ?

À côté des instances transnationales de représentation, différents acteurs syndicaux prennent également part à la négociation transnationale, favorisant ainsi une combinaison de légitimités.

3. La légitimité syndicale

Au niveau transnational, les fédérations syndicales internationales et européennes se sont emparées de la négociation, tirant leur légitimité de leur action dans le secteur d’activité au sein duquel elles opèrent, avec la vision globale dont elles sont dotées. Mais les syndicats nationaux, principalement ceux du siège de l’entreprise transnationale, restent souvent impliqués dans les accords.

A. Les fédérations syndicales européennes et internationales

Les fédérations syndicales internationales et européennes se perçoivent comme des acteurs clés de la négociation transnationale d’entreprise. Leur pluralité reflète le nombre de secteurs d’activité dans lesquels elles agissent. Rappelons que le tout premier accord transnational conclu l’a été entre Danone (à l’époque BSN) et l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA).

Se structurant par secteur d’activité dont elles deviennent expertes, les fédérations syndicales internationales et européennes s’inscrivent dans des dynamiques de négociation différentes.

La dynamique de négociation des fédérations syndicales internationales

Les fédérations syndicales internationales se composent d’organisations syndicales nationales « représentant les travailleurs d’un secteur, d’une industrie ou d’une profession spécifique » et correspondent à des organisations autonomes et démocratiques disposant de leur propre administration, tout en s’associant à la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL devenue CSI)184.

Les fédérations syndicales internationales sont venues remplacer les anciens secrétariats professionnels internationaux, fondés à la fin du XIXe siècle. Ces secrétariats ont forgé la composition des différents courants syndicaux internationaux de l’après-Seconde Guerre mondiale et se sont élevés comme « contre-pouvoir syndical » face à la montée en puissance des multinationales. Ce n’est qu’après la chute du bloc soviétique, corrélée au développement de la mondialisation, que les fédérations syndicales internationales ont endossé de nouvelles responsabilités, se traduisant notamment par la négociation d’accords-cadres internationaux.

On dénombrait en 2004 dix fédérations185 actives au niveau international dans la négociation d’un accord d’entreprise transnational. Aujourd’hui, suite à différents regroupements, quatre d’entre elles dominent : IndustriAll Global Union, née de la fusion de trois fédérations syndicales internationales (FIOM, ICEM et FITTHC)186, l’IBB (l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois)187, l’UITA (l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes) et UNI Global Union188. L’ISP (Internationale des services publics) et la FIJ (Fédération internationale des journalistes) ne sont parties signataires que de quelques accords chacune. L’IE (Internationale de l’éducation) et l’ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport), quant à elles, n’ont signé aucun accord d’entreprise transnational. En pratique, les accords à vocation mondiale sont souvent négociés et signés par plus d’une fédération syndicale internationale. C’était le cas de la FIOM et de l’ICEM qui étaient souvent signataires conjoints avant de fusionner pour former IndustriAll Global Union189. De même, la conclusion de deux accords de GDF Suez a fait intervenir trois d’entre elles : IndustriAll Global Union, l’IBB et l’ISP190.

En « l’absence d’une représentation syndicale [internationale] intégrée à l’entreprise » (Daugareilh, 2005), les fédérations syndicales internationales, extérieures à l’entreprise mais œuvrant dans un secteur d’activité spécifique, se sont positionnées comme acteurs légitimes de la négociation transnationale pour conclure des accords-cadres internationaux. Cependant, les organisations syndicales nationales ne sont pas toutes affiliées à une fédération syndicale internationale, ce qui peut poser la question de la légitimité de cet acteur à négocier un accord à vocation mondiale.

La dynamique de négociation des fédérations syndicales européennes

Les fédérations syndicales européennes constituent, aux côtés des 89 confédérations syndicales nationales réparties dans 39 pays, la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a été créée en 1973 dans le but de représenter et promouvoir les intérêts des travailleurs au niveau européen. Dans la négociation des accords d’entreprise transnationaux, les fédérations syndicales européennes se positionnent comme des partenaires actifs. Elles sont au nombre de dix191, chacune affiliée à la CES, représentant ainsi les travailleurs des différents secteurs d’activité.

Les fédérations syndicales européennes jouent prioritairement un rôle au niveau du dialogue sectoriel européen. Leur deuxième champ d’intervention concerne le dialogue social transnational et la négociation transnationale d’entreprise. Dans ce cadre, la CES reconnaît le rôle de plus en plus important joué par les fédérations syndicales européennes et tente d’harmoniser leurs différentes stratégies par la définition d’un noyau de règles en matière de procédure de négociation en vue d’un accord-cadre transnational. Elle se prononce en outre en faveur d’un mandat de négociation et de signature relevant de la seule responsabilité d’une fédération syndicale européenne.

Les fédérations européennes se présentent donc comme des concurrents directs des comités d’entreprise européens dans la négociation transnationale d’entreprise. En pratique, les CE Européens sont très souvent à l’initiative d’une négociation, mais dans le même temps, cette négociation transnationale est de plus en plus menée par une fédération européenne (da Costa et al, 2012).

S’agissant des fédérations syndicales européennes particulièrement actives dans la négociation d’AET, nous avons vu que la majorité des accords à vocation européenne sont conclus dans les secteurs de la métallurgie, de la chimie et de l’énergie (voir chapitre 1). Les entreprises du secteur de la banque-assurance ont essentiellement signé des accords de portée européenne, faisant intervenir la fédération UNI Europa, à l’image du groupe Axa et du groupe BNP Paribas. Toutefois, les accords dans ce secteur sont pratiquement tous négociés et signés avec le concours d’un CE Européen. IndustriAll Europe, qui a établi des lignes directrices fortes pour la négociation de tels accords, se démarque de ce point de vue, en négociant et signant régulièrement seule les accords.

Les fédérations européennes peuvent également intervenir dans la négociation d’accords de portée mondiale aux côtés des fédérations syndicales internationales relevant du même secteur d’activité. Par exemple, le groupe Arcelor-Mitall a négocié et signé tous ses accords mondiaux avec les anciennes FEM (niveau européen) et FIOM (niveau international), de même que le groupe Club Med a associé à la fois la fédération internationale (UITA) et la fédération européenne (EFFAT).

B. Les syndicats nationaux

Les syndicats nationaux de l’État du siège ont-ils légitimité à participer à la négociation et à la signature d’accords d’entreprise transnationaux ? Cette participation peut être questionnée.

Comment justifier la négociation et la signature par une organisation syndicale nationale d’un accord transnational ayant vocation à couvrir les salariés des filiales étrangères du groupe, qui disposent elles-mêmes d’organisations syndicales présentes dans l’entreprise ? Peut-on concevoir que des représentants des salariés du siège du groupe négocient des accords d’entreprise transnationaux « à la place et pour le compte de tous les salariés du groupe ou du réseau de sous-traitance » ? (Sobczak, 2006) Les organisations syndicales nationales ne disposent pas nécessairement de connaissances relatives aux filiales étrangères du groupe ni même de connaissances européennes et internationales. Elles doivent parvenir à dépasser les problématiques nationales pour se projeter dans une dimension européenne et/ou internationale de l’entreprise, tenant compte de l’ensemble des travailleurs.

Dans la pratique, les syndicats implantés dans la société dominante de l’État du siège tirent leur légitimité de leur action syndicale et revendicative menée au quotidien sur le terrain auprès des travailleurs. Ils représentent souvent les partenaires « naturels » de la direction générale, qui traite déjà avec eux habituellement. De ce fait, ils disposent d’une assez bonne connaissance de la stratégie de l’entreprise et de ses processus réels. Ils sont donc souvent associés à différents stades du processus d’accord : en amont de la négociation, durant la négociation proprement dite aux côtés des acteurs européens et internationaux, ainsi que comme signataires.

Les syndicats nationaux implantés dans l’entreprise peuvent être à l’origine de la négociation d’un accord, à l’image du groupe Eurosport. Les organisations syndicales nationales représentatives au niveau du siège du groupe – la CFDT et la CFTC (respectivement pour le groupe TF1 et pour le groupe Eurosport) – ont co-signé l’accord aux côtés de la fédération syndicale internationale UNI Global Union en octobre 2012. La CFDT avait été à l’initiative de la négociation de cet accord mondial sur les droits sociaux fondamentaux au sein du groupe192.

Certaines entreprises impliquent, dans la négociation et la signature, les syndicats nationaux d’autres pays au sein desquels le groupe détient des filiales. Le groupe EDF a procédé de la sorte lors de l’accord sur la responsabilité sociale du groupe signé en 2005 et renouvelé pour une durée indéterminée en 2009. Le choix de la direction d’EDF a été d’impliquer les syndicats d’autres pays dès la négociation de l’accord, afin de ne pas rester à un niveau trop « macroscopique par rapport à l’ampleur d’un groupe international »193. Pour la négociation, la direction a indiqué le nombre de sièges disponibles par pays où le groupe était implanté. Dans un second temps, il a été convenu par la direction que la signature de l’accord par un syndicat engageait toutes les filiales dans lesquelles ledit syndicat était présent194.

D’autres accords sont régulièrement revêtus de la signature de syndicats nationaux qui sont bien souvent les syndicats nationaux du pays de la société mère du groupe transnational, à l’instar du groupe suédois Electrolux pour l’accord-cadre international de 2010, du norvégien Norske Skog pour deux accords mondiaux de 2013 et de 2002 ou du groupe allemand Pfleiderer pour l’accord-cadre international de 2010.

Concernant les accords qui associent des syndicats nationaux à leur négociation et leur signature, une tendance semble toutefois se dégager : ce sont en majorité des accords d’entreprise transnationaux à vocation mondiale ; les accords transnationaux de portée européenne impliquent davantage une instance de représentation européenne et/ou une fédération syndicale européenne.

4. Techniques visant à consolider ou combiner la représentation des intérêts des salariés

Si chacun des acteurs dispose d’une légitimité propre à négocier et signer, celle-ci ne permet pas une représentation de l’ensemble des intérêts des salariés des différentes filiales. Face à cette incomplétude, des procédés ont été institués pour consolider ces légitimités, voire les combiner.

La légitimité passerelle : le coordinateur syndical

La légitimité des organisations syndicales, européennes ou nationales, et la légitimité des comités d’entreprise européens à négocier, bien que tirées de la pratique, demeurent toutes deux incomplètes. Il est toutefois possible d’identifier un lien entre ces deux légitimités à travers le coordinateur syndical, qui établit une « légitimité passerelle ».

IndustriAll Europe, fédération syndicale européenne, a défini précisément le rôle et les tâches du coordinateur syndical. Celui-ci est mandaté par une fédération syndicale européenne pour guider et conseiller le comité d’entreprise européen. Il doit soutenir la représentation des travailleurs au niveau européen, assurer le développement de l’instance européenne en favorisant la cohésion du groupe, et « aider à développer un profil réellement européen »195.

De facto, le coordinateur syndical, qui est aussi fréquemment l’expert désigné auprès du GSN (voir ci-dessus), provient bien souvent du principal syndicat du pays du siège de l’entreprise transnationale (Waddington, 2011). Par exemple, le coordinateur syndical de Schneider Electric est un membre d’IndustriAll Europe (fédération syndicale européenne), provenant d’une fédération syndicale de l’État du siège de l’entreprise (France), la FGMM-CFDT.

Le coordinateur syndical assure de cette manière une liaison entre le comité d’entreprise européen et la fédération syndicale européenne ; il constitue le point d’articulation de la dimension syndicale nationale et européenne avec la dimension de l’instance européenne. Son soutien et son expertise permettent d’apporter la vision européenne que, bien souvent, les membres d’un comité d’entreprise européen, pris individuellement, ne possèdent pas et, ainsi, de dépasser le « nationalisme de comportement ». Le coordinateur syndical européen est perçu aujourd’hui comme un acteur-clé de la négociation transnationale d’entreprise au niveau européen.

La constitution d’alliances syndicales mondiales

Des syndicats d’entreprise choisissent de se constituer en alliance syndicale de groupe comme réponse à la mondialisation « qui affaiblit les normes du droit du travail » (Sobczak, 2006). Ces alliances se définissent « comme des regroupements de syndicats de différents pays représentant des travailleurs d’une même entreprise multinationale, [elles] se présentent avant tout comme un lieu d’échanges d’informations et de coordination de l’action syndicale à l’échelle d’une multinationale » (Hennebert, Dufour-Poirier, 2013). La raison commune de la création de ces alliances réside dans le fait que « l’adhésion syndicale ne suffit pas, qu’il faut pouvoir s’unir pour comparer les actions de chacun et former un front commun »196.

Des alliances syndicales ont été mises en place au début des années 2000 par l’Union Network International « pour coordonner l’action des affiliées et pour exercer une véritable pression mondiale sur ces multinationales »197. La fédération syndicale internationale des services, UNI Global Union, et la fédération syndicale internationale de la métallurgie, l’ancienne FIOM, se présentent comme les principales fédérations syndicales internationales à l’origine de la mise en place de telles structures ad hoc. En 2010, la fédération syndicale internationale de la métallurgie a même adopté des lignes directrices qui formalisent la procédure de création de ces instances mondiales.

Le deuxième AET du groupe Orange (anciennement France Telecom) de novembre 2014 a, par exemple, été porté par l’alliance syndicale Orange, dont le rôle avait été redéfini formellement quelques mois avant la conclusion de l’accord. Quelques mois avant l’accord, en mars 2014, une déclaration commune entre l’alliance syndicale mondiale UNI-Orange et le groupe Orange avait été adoptée pour reconnaître cette alliance comme le seul partenaire légitime dans la négociation et la concertation au niveau mondial. Par conséquent, c’est avec cette alliance que la direction du groupe négocie désormais les accords mondiaux. Le groupe Orange est le seul à notre connaissance à avoir négocié et signé un accord avec une alliance syndicale internationale.

La participation d’une alliance syndicale mondiale à la négociation favorise à la fois la représentation de l’ensemble des salariés des différentes filiales du groupe mais également celle de la fédération syndicale internationale. Une combinaison de légitimité de ces acteurs est ainsi assurée.

Les techniques juridiques renforçant la légitimité des acteurs sociaux

Des techniques juridiques de représentation peuvent être mises en place pour consolider la légitimité des acteurs de l’entreprise transnationale à représenter un vaste ensemble de salariés. Elles reposent sur : l’affiliation, la co-signature, le mandat et l’adhésion.

L’affiliation. Il est possible d’imaginer que toutes les organisations syndicales du groupe et de ses filiales soient affiliées à la fédération syndicale internationale, ce qui légitimerait alors cette dernière à conduire la négociation ; il devrait en être de même pour les fédérations syndicales européennes. Pourtant, en pratique, un syndicat français ou une fédération syndicale française peut être affilié à une fédération syndicale européenne mais ne pas être systématiquement affilié à la fédération internationale correspondante. Ainsi, même si une fédération syndicale internationale intervient dans la négociation et la signature d’un accord à vocation mondiale, il ne va pas systématiquement de soi que la fédération syndicale européenne du même secteur agira au niveau européen. Par exemple, pour la négociation d’un accord mondial, GDF Suez198 a fait intervenir trois fédérations internationales
(IndustriAll Global Union, ISP et IBB), mais uniquement deux fédérations syndicales européennes (IndustriAll Europe et EPSU) pour la négociation d’un accord européen199. Le groupe Ford, quant à lui, a fait le choix de négocier avec l’ancienne FIOM (IndustriAll Global Union) au niveau international200 mais pour le niveau européen, il a négocié non pas avec l’ancienne FEM (IndustriAll Europe) mais avec le comité d’entreprise européen201 . Il en est de même pour le groupe Siemens202.

La légitimité des fédérations syndicales internationales et européennes à négocier pour le compte des salariés d’un groupe ne devrait-elle pas être conditionnée par l’affiliation des organisations syndicales nationales présentes au sein du groupe à ces fédérations ?

La co-signature. Une autre méthode consiste à faire co-signer l’accord par une fédération syndicale internationale, une fédération syndicale européenne mais également par le comité d’entreprise européen et/ou les organisations syndicales nationales. Une étude de 2009 révèle que la co-signature concerne un nombre important d’accords à vocation mondiale (Sobczak, Léonard, 2009). Les fédérations syndicales européennes co-signent près de 14 % de ces accords (principalement l’ancienne FEM) ; les CE Européens, près d’un quart (24%) – ce qui témoigne à nouveau du poids de cette instance dans la négociation d’accords à vocation mondiale ; les organisations syndicales nationales, presque la moitié (46 %), principalement dans les secteurs de la chimie, des services et du bâtiment-construction. Les organisations syndicales signataires sont en général celles du siège de l’entreprise et, quelques fois, celles des filiales les plus importantes, à l’instar du groupe EDF.

Le mandat syndical international. Une technique possible pour conférer à la fédération syndicale internationale la légitimité de négocier, résiderait dans l’attribution par les membres de la fédération d’un mandat syndical international pour négocier un accord d’entreprise transnational (Sobczak, Léonard, 2009). Aujourd’hui, IndustriAll Global Union et UNI Global Union disposent de lignes directrices en ce sens, qu’elles ont adoptées lors de leur comité exécutif. Le dernier accord conclu chez Total en janvier2015 a, semble-t-il, été négocié sous l’égide de ces nouvelles lignes directrices.

Ce mandat syndical crée un processus démocratique de représentation contribuant à rendre légitime la négociation et la signature d’un accord par une fédération syndicale internationale. Une telle procédure de mandatement203 pourrait se généraliser à d’autres fédérations internationales.

Le mandat syndical européen. La procédure de mandatement est utilisée par certaines fédérations syndicales européennes comme IndustriAll Europe pour renforcer leur rôle dans la négociation transnationale et fournir un cadre à celle-ci. Contrairement aux fédérations syndicales internationales, la représentation des travailleurs par les fédérations européennes peut reposer ici sur un cadre européen, celui de l’entreprise transnationale dans son périmètre européen au travers du comité d’entreprise européen. Bien souvent, les membres d’organisations syndicales qui seront mandatés pour la négociation seront en pratique également des membres syndiqués du CE Européen, affiliés à une organisation nationale, elle-même affiliée à une fédération européenne. Les membres du comité européen disposent ainsi d’une double légitimité comme représentants, parfois élus, du personnel et comme négociateurs syndicaux.

L’adhésion à l’accord d’entreprise transnationale. L’adhésion est un acte unilatéral permettant de s’engager à respecter un accord que l’on n’a à l’origine pas signé. C’est une technique juridique qui renforce la légitimité à la fois des représentants des travailleurs et des représentants de l’employeur. Elle a été employée par le groupe EDF dans son accord relatif à la RSE. Il est ainsi prévu la possibilité pour les directions des différentes filiales, de même que pour les syndicats de ces filiales, de s’engager dans le respect de l’accord d’entreprise transnational, en signant l’accord d’adhésion204 établi unilatéralement par la direction de la société dominante. La technique d’adhésion est par ailleurs souvent employée pour les contrats de sous-traitance, « qui contiennent l’engagement de la part des sous-traitants à respecter le contenu de l’accord-cadre international signé par le donneur d’ordres » (Sobczak, 2006). Elle se révèle, par ailleurs, très utile lorsque de nouvelles filiales intègrent le groupe.

***

La multiplicité des acteurs à la négociation fait surgir la question de leur légitimité à négocier et signer les accords en l’absence de cadre juridique. Si la représentation de la partie patronale pose rarement problème, celle des travailleurs peut concerner le comité d’entreprise européen, le comité d’entreprise mondial, la fédération syndicale internationale, la fédération syndicale européenne ou les organisations syndicales nationales. La légitimité de chacun de ces acteurs est consacrée par différents titres et critères tirés de la pratique, mais elle demeure incomplète car elle ne permet pas toujours la représentation des différents intérêts collectifs et individuels des salariés, c’est-à-dire à la fois les salariés de la société mère du groupe et ceux des filiales. À ce problème, s’ajoute la question de la représentation des fournisseurs et des sous-traitants lorsque l’accord a vocation à s’appliquer aussi à eux.

Il ressort toutefois une complémentarité de ces acteurs à intervenir aux différents stades de la négociation, ce dont témoigne le fait que ces accords sont souvent signés par plusieurs parties. Différents procédés existent, qui visent à combiner les acteurs de façon à assurer à l’accord la plus large légitimité.

La question du choix des acteurs de la négociation et de leur capacité à représenter largement les intérêts de tous les travailleurs d’un groupe est essentielle. En effet, un accord négocié sur une base volontaire tire sa force de la légitimité reconnue aux parties à l’accord. La capacité qu’il aura à se déployer et à produire des effets dépend de cette légitimité initiale. « La qualification juridique d’une norme négociée dépend du pouvoir reconnu à ses auteurs » (Sobczak, 2006).

  • 156. C’est le cas de Solvay.
  • 157. ORSE, Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadres internationaux , décembre 2006, p. 8.
  • 158. Le BDA correspond à la confédération des associations patronales allemandes.
  • 159. À l’instar des accords de GDF Suez, de l’accord EDF, etc.
  • 160. L’accord européen sur « Un entretien annuel d’activité transparent pour l’écoute mutuelle et le développement des savoir-faire professionnels » (TALK) signé entre le Directeur des Ressources Humaines du Groupe Thales et le Secrétaire Général Adjoint de la Fédération Européenne des Métallurgistes (FEM).
  • 161. Voir par exemple l’article R. 2344-1 du code du travail qui fixe les modalités d’attribution des sièges au sein du comité d’entreprise européen par État, en fonction du pourcentage de l’effectif global (jusqu’à 10 % de l’effectif global, un siège attribué ; de 10 % à 20 %, 2 sièges attribués ; […] plus de 90 %, 10 sièges attribués).
  • 162. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Bruno Vannoni, Président de l’EFFAT (Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme), 11 juillet 2013.
  • 163. Voir art. 5 §3 de la Directive 2009/38/CE du 6 mai 2009 (ex-article 5 §3 de la Directive 94/45/CE du 22 septembre 1994) : « Le groupe spécial de négociation a pour tâche de fixer, avec la direction centrale, par un accord écrit, le champ d’action, la composition, les attributions et la durée du mandat du ou des comités d’entreprise européens, ou les modalités de mise en œuvre d’une procédure d’information et de consultation des travailleurs ». Ce groupe de négociation existe également au sein de la Société européenne pour négocier avec la direction la fixation des modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la société européenne (voir art. 3 de la Directive 2001/38/CE du 8 octobre 2001).
  • 164. Art. 8 de l’accord sur l’implication des travailleurs dans la société européenne Allianz, 2006.
  • 165. Accord-cadre sur les droits sociaux fondamentaux et les conditions de travail du 6 mars 2012 conclu entre la direction de MAN SE, la FIOM et le comité d’entreprise de la SE.
  • 166. Voir notamment l’accord d’Hartmann Group sur les standards minimums à appliquer lors de restructurations dans le groupe du 26 octobre 1999 ; la charte du groupe Solvay en matière de développement durable et de responsabilité sociétale d’entreprise du 19 mai 1999 ; la charte sur les Droits Sociaux Fondamentaux du groupe Vivendi du 21 novembre 1996 conclue par l’instance de dialogue social européen.
  • 167. Depuis 2010, nous décomptons d’après notre répertoire des accords d’entreprise transnationaux, 30 accords négociés et signés par un comité d’entreprise européen.
  • 168. La CFDT et la CGT. Propos issus des entretiens réalisés auprès de Frédéric Fritsch, secrétaire du comité de dialogue sur la RSE
    (CDRS) pour le groupe EDF, 16 mai 2014, et auprès de Marc Ferron, secrétaire du comité d’entreprise européen du groupe EDF, 18 mars 2014.
  • 169. Le législateur allemand a conféré au conseil d’entreprise un droit de co-détermination (Mitbestimmung ), c’est-à-dire un droit de participation à égalité avec l’employeur à la prise de certaines décisions, associé d’un droit de négociation d’accord d’entreprise.
  • 170. Selon notre répertoire des accords d’entreprise transnationaux, 26 accords sur 39 conclus par une entreprise transnationale ayant son siège en Allemagne ont été négociés et signés ou co-signés par un comité d’entreprise européen ou mondial.
  • 171. La directive 2009/38 prévoit en son article 7 relatif aux prescriptions subsidiaires, l’élection au sein du comité d’entreprise européen d’un comité restreint composé au maximum de cinq membres afin d’« assurer la coordination de ses activités ». Ce comité restreint doit par ailleurs « bénéficier des conditions lui permettant d’exercer son activité de façon régulière ».
  • 172. La Commission européenne a établi les critères de représentativité. « Pour être représentatives, ces organisations doivent: a) être interprofessionnelles ou appartenir à des secteurs ou catégories spécifiques et être organisées au niveau européen; b) être composées d’organisations elles-mêmes reconnues comme faisant partie intégrante des structures des partenaires sociaux des États membres, avoir la capacité de négocier des accords et être représentatives dans plusieurs États membres; c) disposer de structures adéquates leur permettant de participer efficacement aux processus de consultation et aux travaux des comités ». V. Communication de la Commission du 14 décembre 1993 concernant la mise en œuvre du protocole sur la politique sociale, COM(93) 600 final.
  • 173. Art. 5, §4, alinéa 3 de la Directive 2009/38, JOUE n° L. 122 du 16 mai 2009, p. 28 : « pour les besoins des négociations, le groupe spécial de négociation peut demander à être assisté dans sa tâche par des experts de son choix, parmi lesquels peuvent figurer des représentants des organisations syndicales compétentes et reconnues au niveau communautaire. Ces experts et représentants des organisations syndicales peuvent assister, à titre consultatif, aux réunions de négociation à la demande du groupe spécial de négociation ».
  • 174. « Comités d’entreprise mondiaux, une tentation forte mais des expérimentations peu nombreuses », Planet Labor, article n°8117, 22 janvier 2014.
  • 175. Le groupe Indesit est un fabricant d’appareils électroménagers italien qui a signé le 15 novembre 2012 un accord transformant le CE Européen institué en 1993 en comité d’entreprise mondial.
  • 176. Accord-cadre du groupe Enel sur les lignes directrices du dialogue social du 14 juin 2013. Cet accord met en place le comité d’entreprise mondial.
  • 177. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Martine Derdevet, juriste internationale du groupe Renault, 12 juin 2014.
  • 178. Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie, devenue IndustriAll Global Union en 2012.
  • 179. « Renault précise son engagement social, sociétal et environnemental au niveau mondial », Liaisons sociales quotidien, 8 juillet 2013, n°16381, p. 4.
  • 180. Le groupe Volkswagen a négocié et signé ses trois accords-cadres mondiaux avec le comité d’entreprise mondial et la fédération syndicale internationale FIOM : La Déclaration concernant les droits sociaux et les relations industrielles chez Volkswagen, 6 juin 2002 ; La Charte des relations de travail au sein du groupe Volkswagen, 29 octobre 2009 et la Charte du travail temporaire, 30 novembre 2012. Les deux derniers accords de 2009 et de 2012 ont été co-signés par le CE Européen du groupe Volkswagen.
  • 181. Accord sur les Principes de Responsabilité Sociale, 2 septembre 2002 et l’accord sur les Principes de Santé et Sécurité au Travail chez DaimlerChrysler de février 2006. Ces deux accords ont été signés par le comité d’entreprise mondial et la fédération syndicale internationale FIOM.
  • 182. À titre d’exemple, le groupe Areva compte en 2014 comme membre observateur du comité de groupe européen un représentant du Kazakhstan (du fait qu’il existe une activité minière d’Areva dans cet État). En tant que membre observateur, le Kazakhstan n’a pas de droit de vote mais peut participer aux réunions et aux différentes commissions.
  • 183. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Laurent Lampin, membre du comité d’entreprise européen de GeoPost, 12 novembre 2013.
  • 184. CISL, Guide syndical de la mondialisation , 2e édition, Bruxelles, 2004, p. 27.
  • 185. En 2004, dix fédérations syndicales internationales étaient affiliées à la CISL (Confédération internationale des syndicats libres) : la FIJ (Fédération internationale des journalistes) ; la FIOM (Fédération internationale des organisations des travailleurs de la métallurgie) ; la FITBB (Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois) ; la FITTHC (Fédération internationale des travailleurs du textile, du vêtement et du cuir) ; l’ICEM (Fédération internationale des travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des secteurs connexes) ; l’IE (Internationale de l’éducation) ; l’ISP (Internationale des services publics) ; l’ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport) ; l’UITA (Syndicat international de l’Association des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, du secteur HORECA, du tabac et des secteurs connexes) ; UNI (Union Network International).
  • 186. IndustriAll Global Union a été fondée le 19 juin 2012. Cette organisation réunit les affiliées des anciennes fédérations mondiales syndicales : la Fédération internationale des Organisations de travailleurs de la Metallurgie (FIOM), la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la Chimie, de l’Énergie, des Mines et Industries diverses (ICEM) et la Fédération internationale des Travailleurs du Textile, de l’Habillement et du Cuir (FITTHC).
  • 187. L’IBB est née le 9 décembre 2005. Cette organisation rassemble à la fois la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB) et la Fédération mondiale des organisations de la construction et du bois (FMCB).
  • 188. UNI a été créé le 1er janvier 2000 par des membres de l’Internationale des communications, de la FIET (fédération syndicale des travailleurs non manuels et des services), la Fédération graphique internationale et l’Internationale des médias et du spectacle (MEI).
  • 189. Par exemple ont été signés par l’ancienne FIOM et l’ancienne ICEM, la convention de développement durable du groupe belge Umicore, 8 juin 2007, et l’accord-cadre international du groupe Norsk Hydro, 15 mars 2010.
  • 190. L’accord mondial sur les droits fondamentaux, le dialogue social et le développement durable du groupe GDF Suez, 16 novembre 2012 et l’accord mondial santé sécurité du groupe GDF Suez, 13 mai 2014.
  • 191. Ces dix fédérations sont : EAEA (Alliance européenne des médias et du spectacle), EUROCOP (Confédération européenne de la police), EFBWW/FETBB (Fédération européenne des travailleurs du bois et du bâtiment), EFFAT (Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme), EFJ/FEJ (Fédération européenne des journalistes), IndustriAll Europe (Fédération européenne des travailleurs de l’industrie et métallurgie), EPSU (Fédération syndicale européenne des services publics), ETF (Fédération européenne des travailleurs des transports), ETUCE/CSEE (Comité syndical européen de l’éducation), UNI EUROPA (Fédération syndicale européenne des services et de la communication).
  • 192. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant de la direction du groupe Eurosport.
  • 193. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Frédéric Fritsch, secrétaire du comité de dialogue sur la RSE (CDRS) pour le groupe EDF, 16 mai 2014.
  • 194. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant de la direction du groupe EDF.
  • 195. FGMM-CFDT, Négocier ou renégocier un accord CEE avec la directive 2009/38 , Guide CEE, 2013.
  • 196. Propos recueillis par Planet Labor auprès de Philip Jennings, secrétaire général d’UNI Global Union. Voir « International : éclairage sur les alliances syndicales mondiales », Planet Labor, Art. n°6533 du 02 avril 2012.
  • 197. CISL, Guide syndical de la mondialisation , op. cit. , p. 99.
  • 198. GDF Suez, Accord mondial santé sécurité du groupe, 13 mai 2014.
  • 199. GDF Suez, Accord européen relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, 5 juin 2012.
  • 200. Ford, Accord-cadre international, 25 avril 2012.
  • 201. Ford, Accord sur les droits sociaux et les principes de responsabilité sociale, 4 décembre 2003.
  • 202. Siemens, Accord-cadre international du 25 juillet 2012 conclu entre Siemens, le comité d’entreprise central de Siemens, IG Metall et IndustriAll Global Union ; Siemens, Déclaration commune entre la Direction du Groupe Siemens et le Comité Europe de Siemens sur la « Compliance » du 12 décembre 2007.
  • 203. Dans le cadre de la négociation d’un accord d’entreprise transnational, le mandatement par une fédération syndicale européenne ou internationale correspond à une procédure qui consiste à mettre en place le mandat pour la négociation. Il se distingue de celui institué en droit français des relations collectives (art. L. 2232-23-1, I et L. 2232-24 du code du travail).
  • 204. L’accord d’adhésion correspond ici à « l’acte unilatéral manifestant, de la part d’un syndicat ou d’une personne qui ne l’a
    pas signé, la volonté d’assumer les obligations et de recueillir les droits résultant d’une convention collective » (G. Cornu, 2014).
Chapitre 6

Appropriation et transposition des accords d’entreprise transnationaux

À retenir

  • Pour assurer l’effectivité des accords d’entreprise transnationaux, la diffusion et l’appropriation des accords par les acteurs (managers des filiales, organisations syndicales et travailleurs) représentent un préalable essentiel.
  • Dans ce but, différentes procédures d’information et de communication sur l’accord sont généralement prévues au sein des accords : ces obligations n’incombent pas seulement à la direction du groupe, mais aussi souvent aux organisations syndicales signataires.
  • Les accords d’entreprise transnationaux sont très rarement directement applicables : ils nécessitent d’être transposés du niveau global au niveau national ou local.
  • Les méthodes de transposition se divisent en « actives » ou « passives », selon qu’elles associent ou non les partenaires sociaux nationaux ou locaux à une forme de dialogue social. Parmi les méthodes actives, on note la négociation collective ou la concertation ; parmi les méthodes passives, la re-signature, la contre-signature ou la transposition unilatérale.
  • Les cultures nationales ou locales constituent l’un des principaux freins à la déclinaison de l’accord d’entreprise transnational, en particulier lorsque les dispositions de l’accord entrent en conflit avec des normes nationales ou locales préexistantes plus favorables ou plus défavorables.
  • Les accords prévoient donc des principes visant à résoudre les conflits de normes, tels que les clauses de non régression, de subsidiarité ou de réserve.
  • Dans les cas où l’accord transnational n’est pas transposé au niveau local dans un instrument juridique contraignant (ex. un accord d’entreprise de droit national), ses effets juridiques demeurent très incertains.

Une fois l’accord d’entreprise transnational signé, la question se pose de savoir comment les règles édictées en son sein vont effectivement s’appliquer dans les filiales du groupe transnational. De quelle manière les clauses et les dispositifs mis en place par ces accords peuvent-ils être et sont-ils mobilisés ?

Une première étape indispensable consiste à favoriser la connaissance et l’appropriation de l’accord par les directions des filiales, les organisations syndicales locales et les travailleurs, avant d’assurer sa transposition, du niveau global au niveau local. Appropriation et transposition contribuent ainsi à doter les accords d’« effectivité », c’est-à-dire d’une capacité à produire des effets.

1. Diffusion du contenu des accords

À la différence des codes de conduite unilatéraux, 80 % des accords-cadres internationaux prévoient des dispositions précises portant sur leur procédure de diffusion auprès des filiales et des travailleurs (Schömann et al., 2008).

A. Qui est responsable de la diffusion des accords ?

La diffusion peut s’opérer conjointement par la direction de la société mère et les représentants des travailleurs signataires de l’accord. Il peut ainsi être conventionnellement prévu que ces signataires « s’engagent à la plus large diffusion possible sur le contenu de cet accord dans toutes les activités opérationnelles »205 du groupe, à l’instar de l’accord du groupe Lafarge. L’accord du groupe EDF, quant à lui, énonce que « tous les signataires conviennent de porter le présent accord à la connaissance des salariés du groupe en s’appuyant sur leurs vecteurs de communication propres »206.

Il est donc généralement de la responsabilité non seulement de la direction de la société mère, mais également des fédérations syndicales internationales et européennes, de diffuser l’accord.

Une clause peut cependant prévoir que la diffusion de l’accord sera opérée par la seule direction de la société mère. L’accord du groupe suédois Electrolux énonce que « la direction est responsable de la mise en œuvre de l’accord et de l’information des salariés de leurs droits, de leurs devoirs et de leurs responsabilités existants dans le cadre du présent accord et du code de conduite Electrolux »207. Il en est de même pour la direction du groupe Solvay « qui s’engage à communiquer cet accord à son management et à informer les salariés de son existence et des engagements qu’il prévoit »208. Il est possible de déceler au travers de ces clauses une forme d’obligation de diffusion de l’accord pesant principalement sur les directions.

Mais d’une manière générale, il est préférable d’impliquer les représentants des travailleurs dans le processus de diffusion de l’accord. Le premier avantage réside dans le fait que la promotion de l’accord par les représentants des travailleurs peut contribuer à renforcer la légitimité du texte pour les salariés, notamment « par rapport à celle des textes promus unilatéralement par le management » (Schömann et al., 2008). Le deuxième avantage de l’implication des représentants des travailleurs renvoie au fait que ceux-ci peuvent participer à une « appropriation collective du texte et éviter que l’accord […] soit perçu comme un instrument adopté au niveau international mais sans impact concret au plan local » (Ibid.).

B. À qui les accords sont-ils diffusés ?

Filiales. Le processus de diffusion est souvent marqué par une pratique de réunions de lancement de l’accord, spécialement dans les entreprises françaises, à destination des directions des filiales, et des représentants des salariés. Ainsi, l’accord européen du groupe GDF Suez sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 5 juin 2012 spécifie qu’ « un séminaire européen de lancement sera organisé dans les six mois de la signature de l’accord en coordination avec les fédérations européennes. Ce séminaire réunira des partenaires sociaux, le management et des représentants de la fonction ressources humaines des pays concernés » 209. On retrouve cette logique chez Thales et Areva. Ces séminaires paritaires sont organisés dans le but de partager le contenu de l’accord et de favoriser sa connaissance et son acceptation par les managers et les représentants des travailleurs des filiales. Ce temps représente une étape nécessaire dans le processus de diffusion pour que chacun de ces acteurs puisse ensuite mobiliser et intéresser ses propres équipes dans la promotion de l’accord210.

Il apparaît que ce type de diffusion auprès des partenaires sociaux locaux s’opère davantage pour les accords d’entreprise transnationaux à vocation européenne que pour les accords à vocation internationale. En effet, il est logiquement plus aisé de réunir les différents représentants des ressources humaines et du personnel de quelques pays au niveau européen qu’à l’échelle mondiale.

Fournisseurs et sous-traitants. Au-delà des salariés du groupe transnational, les fournisseurs et sous-traitants du groupe sont également soumis à une diffusion et à une information relative à l’accord d’entreprise transnational et à son contenu. En effet, ces cocontractants, parties tierces à l’accord, peuvent se voir appliquer une partie de son contenu. Il est alors de la responsabilité de la direction et des représentants des travailleurs d’informer les cocontractants de l’existence de l’accord. Ainsi, l’accord PSA Peugeot-Citroën énonce-t-il que « sans se substituer à la responsabilité juridique de ses fournisseurs, sous-traitants, partenaires industriels et réseaux de distribution, [le groupe] s’engage à communiquer cet accord auprès de ces entreprises et demande qu’elles appliquent les conventions internationales de l’OIT mentionnées précédemment » 211 portera à la connaissance de ses sous-traitants l’existence de ce texte, et notamment les principes qui les concernent »212.

En pratique, il est possible d’imaginer que l’information de ces cocontractants démarre le plus souvent avec la signature par le cocontractant d’une charte213, d’un cahier des charges ou bien de tout autre document précisant l’application d’une partie de l’accord à ces partenaires. Ces documents, telles les « chartes fournisseurs » et « charte d’engagement pour la protection des droits de l’homme », qui existent par exemple chez Carrefour214, font le plus souvent mention du respect des droits de l’homme, des conventions fondamentales de l’OIT et autres droits sociaux fondamentaux consacrés par des textes internationaux. Les cocontractants devront alors, en connaissance de cause, faire application de la partie de l’accord les concernant pour assurer une protection des droits sociaux fondamentaux à leurs propres salariés, voire inciter leurs propres fournisseurs et sous-traitants à respecter ces droits.

Pouvoirs publics. Certains accords vont aussi être diffusés auprès des pouvoirs publics, c’est-à-dire aux autorités publiques nationales ou aux instances européennes et internationales. Cette diffusion externe semble participer d’une stratégie de communication. Certains accords ont ainsi été signés en présence de personnalités internationales à l’image du dernier accord Carrefour signé en présence du directeur général de l’OIT, Guy Ryder215. Au niveau européen, l’accord Thales de juin 2009, nommé IDEA216, a été non seulement parrainé par Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, mais également signé en présence de représentants de la Commission européenne. Cette pratique de signature en présence de personnalités officielles marque la volonté de faire connaître l’accord, sur la scène européenne et internationale, que ce soit auprès d’institutions ou auprès d’autres entreprises transnationales. Une telle démarche peut avoir pour effet symbolique de conférer du «poids» aux engagements pris dans l’accord, puisque les organisations internationales et européennes se présentent alors comme des gardiens du respect des accords passés.

Toutefois, la diffusion externe ne peut se réaliser que dans le respect de certaines conditions. Ainsi, certains accords prévoient-ils que la diffusion externe doit nécessairement recueillir le consentement mutuel des parties à l’accord217.

C. Comment les accords sont-ils diffusés ?

Parmi les moyens favorisant la diffusion de l’accord, pourront être prévus dans l’accord lui-même les langues dans lesquelles l’accord sera traduit ainsi que les moyens financiers éventuellement alloués à la communication de l’accord (kit de diffusion, plaquettes, sites web dédiés, etc.). Il est possible de faire dans ce but une demande de soutien financier auprès de la Commission européenne.

D’autres démarches peuvent être entreprises visant à une véritable appropriation de l’accord par les filiales et allant au-delà du devoir d’information sur l’existence de l’accord.

Un premier type de démarche consiste dans la présentation de l’accord par la direction du siège et par la fédération syndicale internationale ou européenne sur les différents sites. Cette démarche représente un travail considérable, puisque les signataires de l’accord se déplacent sur le terrain pour promouvoir l’accord sur différents sites. Ce fut le cas, par exemple, chez Danone et au Club Med (voir encadré). Chez Danone, un représentant de l’UITA et un représentant de la DRH ont ainsi visité les filiales dans chaque pays pour présenter et expliquer conjointement aux directions locales et aux représentants syndicaux, les accords mais également pour faire un état des lieux218.

Club Med : un exemple de diffusion soutenue

Le cas du Club Méditerranée représente une bonne illustration d’une démarche de diffusion soutenue d’un accord.

La structure de cette entreprise est assez singulière et caractéristique du secteur du tourisme, puisqu’elle comprend une grande majorité de salariés saisonniers, travaillant par conséquent sous contrat à durée déterminée. Ces salariés proviennent notamment de pays d’Afrique du Nord (Tunisie, Maroc) et de Turquie. Dans le cadre de leurs fonctions au Club Méditerranée, ils sont confrontés, par le rythme des saisons, à la mobilité transnationale. Un premier accord transnational de 2004 avait été conclu pour une durée de trois ans entre la direction générale du Club Méditerranée, la fédération syndicale européenne EFFAT et la fédération syndicale internationale UITA, afin de garantir le respect des droits sociaux fondamentaux, encourager la mobilité transnationale du personnel de service et soutenir les travailleurs saisonniers migrants venant travailler dans les stations des Alpes. Cet accord était initialement applicable à l’Union européenne et à la Turquie. Son champ d’application a ensuite été élargi à la Suisse, au Maroc, à la Tunisie, à l’Égypte, à la Côte d’Ivoire, au Sénégal et à l’Ile Maurice, lorsque l’accord fut renégocié et signé en 2009219. Une initiative a été prise par le coordinateur syndical EFFAT-UITA (voir ci-dessus, p. 106 ) pour présenter l’accord dans les différents villages alpins conjointement avec une personne de la direction. Le fait d’avoir une présentation paritaire de l’accord donne plus de légitimité au texte et incite davantage les salariés à assister à ces réunions d’information. Cette pratique de présentation a été renouvelée après la signature de l’accord en 2009, en se réalisant conjointement avec le DRH France220.

Une autre démarche consiste à prévoir dans l’accord une formation des partenaires sociaux locaux et des salariés des filiales. La formation des partenaires sociaux locaux et parfois même des salariés constitue un facteur important d’appropriation de l’accord. Elle vise à s’assurer que ces acteurs sociaux sont suffisamment équipés et disposent d’une maîtrise des thématiques de l’accord, permettant d’assurer sa bonne déclinaison et application (Sobczak, 2012). Les formations peuvent porter sur une thématique spécifique de l’accord, telle la santé et sécurité au travail sur les différents sites du groupe Lafarge221 ou sur les droits de l’homme et les droits sociaux fondamentaux222. Dans les faits, peu d’accords se sont engagés dans une telle démarche.

Toutes ces stratégies de communication ont pour visée commune de s’inscrire dans « un processus de légitimation » de l’accord.

L’efficacité de ces moyens d’information et de communication reste toutefois discutée. Tout d’abord, des problèmes peuvent surgir au moment de la traduction du texte de l’accord, ce qui s’avère assez symptomatique du fait que les termes traduits n’ont pas forcément la même force ou la même valeur entre la version traduite et la version originale. De plus, les engagements ne sont pas compris de la même manière dans tous les États223. En effet, les engagements transnationaux qui sont empreints d’une spécificité européenne – puisque les sociétés mères sont, en grande majorité, de la nationalité d’un État membre de l’Union européenne – ne sont pas forcément compréhensibles par l’ensemble des salariés des filiales, et même par certains syndicats locaux. L’engagement relatif à la liberté syndicale, par exemple, ne possède pas la même signification en France, aux États-Unis et en Inde ; il en va de même pour les engagements portant sur l’égalité de traitement ou la non-discrimination qui ne sont pas compris ni interprétés de la même manière. Certains engagements correspondant aux conventions fondamentales de l’OIT peuvent, en outre, ne pas avoir été ratifiés par les États où sont implantées des filiales, à l’instar des États-Unis qui n’ont pas ratifié les conventions internationales 87 et 98 relatives aux droits syndicaux.

2. Transposition de l’accord au niveau local

Les accords d’entreprise transnationaux ne prévoient que dans de très rares cas leur application directe. Un seul accord, celui de GDF Suez, portant sur la thématique précise de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences énonce expressément qu’il correspond à « un accord d’application directe pour l’ensemble des sociétés incluses dans le champ d’application »224. Mais pour l’écrasante majorité des accords, l’application directe n’est pas prévue. Dès lors, en l’absence d’application directe prévue par les signataires mais aussi en l’absence de réglementation européenne ou internationale, il est nécessaire de transposer, voire d’adapter, l’accord transnational au niveau local.

A. Les freins à la transposition locale de l’accord transnational

La culture nationale ou locale constitue l’un des principaux freins à la déclinaison de l’accord d’entreprise transnational. L’un des risques est de projeter dans les accords d’entreprise transnationaux un modèle national (français ou allemand, pour ne citer que les modèles les plus concernés par la conclusion d’AET) qui serait alors mal compris par les acteurs sociaux des filiales étrangères. Par exemple, la mise en place d’une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein d’une filiale anglaise pourrait être incomprise, tout comme le terme « anticipation »225.

En outre, les garanties légales dont bénéficient les salariés peuvent être variables d’un pays à l’autre où l’accord a vocation à s’appliquer. La Société européenne Allianz, dont le siège social est situé en Allemagne, a été confrontée à cette difficulté lors de la déclinaison de l’accord sur le stress au travail conclu en mai 2011226. Les dispositions légales étaient, en droit français, plus avantageuses pour les salariés que celles prévues par l’accord. Il importait donc que l’application de cet accord dans les filiales françaises n’entraîne pas une régression de la protection des droits sociaux des travailleurs – on rejoint ici la problématique du conflit entre les normes de l’accord et le droit local (voir ci-après). Cependant, il ressort d’une analyse de l’application des accords d’Allianz que ceux-ci ont constitué un levier important pour l’amélioration des conditions de travail dans les filiales implantées dans les pays d’Europe de l’Est227.

Parmi les autres freins à la transposition, on note que les partenaires sociaux locaux, qu’il s’agisse des managers ou des représentants des travailleurs, peuvent avoir le sentiment d’être dépossédés de leur pouvoir par les acteurs de niveau européen ou international (Santoro, 2015). Il peut en résulter un comportement hostile à l’égard de l’accord transnational.

Ces freins sont révélateurs des enjeux que recouvrent le choix entre différentes méthodes de transposition en vue de favoriser la meilleure application possible des accords. Si certains accords demeurent muets sur la question228 plus nombreux sont ceux qui indiquent désormais la méthode de transposition choisie par les négociateurs de l’accord.

B. Les méthodes de transposition des accords

Les méthodes de transposition préconisées se divisent en deux grands groupes.

La première catégorie correspond à une démarche active des partenaires sociaux locaux et transnationaux : il s’agit de la négociation collective et de la concertation.

La seconde relève de méthodes que l’on pourrait qualifier de transposition « passive », car elle n’implique pas de discussion ou de négociation sur le contenu de l’accord transposé au niveau local.

Sauf exception, la transposition n’est jamais obligatoire, mais incitative, ce qui correspond au caractère volontaire des accords.

Il faut noter que les accords prévoyant leurs propres modalités de déclinaison sont en grande majorité des accords européens, quand bien même une tendance au rapprochement du contenu entre accords européens et accords internationaux se dessine.

Les méthodes de transposition actives

La négociation collective. La transposition par la voie de la négociation collective correspond à la méthode associant les partenaires sociaux nationaux ou locaux. Ces derniers vont alors être invités par les parties signataires de l’accord à transposer celui-ci au niveau des filiales du groupe, en adoptant un accord d’entreprise national ou local.

Les incitations à la transposition de l’accord par les partenaires sociaux peuvent être plus ou moins contraignantes selon les formulations contenues dans les accords.

Les signataires de l’accord Total de 2015 relatif aux modalités de garantie de protection sociale ont prévu la possibilité d’une transposition par voie de négociation collective, en énonçant que les garanties prévues par l’accord « pourront […] faire l’objet d’une négociation ou d’une concertation avec la représentation du personnel »229. La transposition est ici envisagée sur une base volontaire, et la négociation collective se présente comme une alternative à la concertation. Cette précision laisse place à la liberté de choix des partenaires sociaux dans les moyens de transposition des clauses de l’accord.

En revanche, dans l’accord PSA Peugeot-Citroën, on trouve une clause relative à la transposition des engagements dans les filiales, aux termes de laquelle « chaque filiale s’engage à négocier avec les organisations syndicales, la mise en œuvre des actions qui répondent aux principes et aux engagements de ce chapitre, en particulier sur la formation, l’évolution professionnelle et la sécurité au travail »230. L’emploi du verbe « s’engage » témoigne de la plus forte volonté des signataires de voir les partenaires sociaux se saisir de la négociation collective pour transposer efficacement l’accord à l’échelon de chaque filiale.

Un seul accord à notre connaissance rend la transposition obligatoire à l’échelon local, sans possibilité de modifier les termes de l’accord : celui conclu par EADS231.

Transposition obligatoire : le cas EADS

Le groupe EADS a conclu en 2010 un accord qui établit une procédure de négociation obligatoire au niveau européen. Il définit plus particulièrement « la procédure à appliquer au niveau européen pour négocier un sujet transnational concernant l’ensemble du Groupe EADS ou l’une de ses divisions seulement ». La procédure, telle que détaillée à l’article 7, prévoit que la déclinaison de l’accord portant sur un sujet transnational et émanant du groupe européen de négociation se fera « dans chaque pays participant au Groupe Européen de Négociation, conformément aux législations nationales sans qu’il soit possible d’en modifier les dispositions ». Le caractère obligatoire de cette déclinaison est attesté par l’emploi du présent de l’indicatif : les signataires affirment que l’accord « est ensuite décliné […] ». La méthode et le périmètre de déclinaison sont imposés par les parties. Cette transposition doit s’effectuer « dans le cadre de négociations nationales ».

Le caractère contraignant de la transposition était, dans ce cas, facilité par le fait que le champ d’application de l’accord était limité aux pays négociateurs ainsi qu’aux pays représentés au sein du comité d’entreprise européen d’EADS, essentiellement la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne232. Or ces quatre États partagent une relative proximité en matière culturelle et juridique.

La concertation. La transposition de l’AET peut aussi se réaliser par le biais de la concertation des partenaires sociaux locaux, laquelle peut avoir comme objectif l’adoption d’une méthodologie de déclinaison de l’accord, d’un plan d’action local ou même la mise en place d’une instance spécifique de déclinaison de l’accord.

Certains groupes transnationaux prévoient ainsi pour la déclinaison de l’accord, l’adoption d’un plan d’action au sein des filiales. Telle fut la méthode choisie par le groupe GDF Suez pour appliquer l’accord européen relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de 2012. L’accord transnational prévoyait que les filiales de plus de 300 salariés devaient « élaborer un plan d’action déclinant les thématiques du présent accord dans les 12 mois de la signature de celui-ci », l’élaboration de ce plan devant se faire de façon concertée avec les représentants des salariés. D’autres accords prévoient la mise en place d’une instance spéciale paritaire dont le rôle consiste justement dans la déclinaison de l’accord au niveau local233.

La méthode de la concertation est assez souple, dans la mesure où elle ne nécessite pas d’aboutir à un nouvel accord d’entreprise local (versus la négociation collective), mais elle incite les partenaires sociaux à la coopération en vue de rendre l’accord effectif.

La transposition « passive »

Certains signataires font le choix d’une méthode de transposition dite « passive ». Elle est ainsi qualifiée, car elle n’associe pas les partenaires sociaux nationaux ou locaux à une quelconque forme de dialogue social. On observe dans les accords trois formules de transposition passive : la « re-signature » ou la contre-signature, et la transposition unilatérale.

Re-signature ou contre-signature. La technique de la re-signature ou de la contre-signature par les partenaires sociaux locaux ne concerne que quelques accords. Si la contre-signature vise pour les partenaires sociaux à « apposer [leur] signature sur un acte pour en attester l’authenticité ou s’en déclarer solidaire », la re-signature consiste, une fois l’accord d’entreprise signé par les partenaires sociaux européens et internationaux, à faire signer aux partenaires sociaux locaux à leur échelon l’accord transposé en accord de groupe.

Dans le cas de l’accord IDEA chez Thales, l’accord a été re-signé « sous forme d’un accord collectif valable et contraignant au regard de son droit national » pour chacun des États dans lequel se situait des filiales234. Selon la direction du groupe Thales, il ne s’agit donc pas de ré-ouvrir une négociation au niveau national, mais bien de resigner un accord pour lui donner une réelle portée juridique nationale, voire à lui attribuer « force de loi »235. La transposition s’opère donc de manière automatique, dès la signature de l’accord, sans nouvelle négociation collective au niveau national.

La transposition unilatérale. Il s’agit du cas où la déclinaison de l’accord ne dépend que des seules directions locales. Le contenu de l’accord peut, par exemple,
être simplement intégré dans les directives managériales qui émanent du siège afin d’être appliqué par les managers des directions locales. La responsabilité de la déclinaison de l’accord transnational repose alors exclusivement sur les directions des filiales. L’accord du groupe Bosch, Principes de responsabilité sociale, de 2004 en est une illustration. Cet accord prévoit que les principes qu’il énonce doivent être mis en œuvre au niveau international par leur intégration au sein du « Manuel de système de gestion de la qualité, de l’environnement et de la sécurité du Groupe Bosch ».

Chaque méthode présente des avantages au regard de l’environnement et des spécificités internes du groupe transnational. En définitive, le choix de l’une ou l’autre méthode de transposition dépend de sa pertinence par rapport à la culture d’un groupe, l’étendue de son périmètre géographique, la thématique de l’accord, l’état du dialogue social dans les filiales. Quelle que soit la méthode de transposition employée, ce qui importe pour les parties signataires est que le contenu de l’accord d’entreprise transnational soit pris en compte dans chaque entité où il a vocation à s’appliquer.

C. L’articulation de l’accord d’entreprise transnational et du droit local

Nous avons vu que, parmi les freins à la transposition locale de l’accord transnational, figure le problème du conflit des normes entre celles prévues par l’accord et l’ensemble des normes nationales ou locales préexistantes (lois, règlements, conventions collectives, usages, etc.).

La relation entre les accords d’entreprise transnationaux et le droit national ou local présente une certaine complexité. Les partenaires sociaux transnationaux se sont donc saisis des difficultés liées à l’articulation de l’accord d’entreprise transnational avec le droit local, en insérant dans l’accord des clauses dont la vocation est de faciliter la résolution des conflits de normes.

On trouve dans les accords trois principes pouvant guider cette articulation : la clause de non-régression, la clause de subsidiarité et la clause de réserve.

La clause de non régression. Les signataires des accords d’entreprise transnationaux peuvent prévoir une clause de non-régression, afin de garantir que la protection dont bénéficient les salariés ne soit pas moins avantageuse que celle garantie par le droit local, du fait de l’application des clauses de l’accord transnational. La clause de non régression doit être distinguée du principe de faveur qui prévoit, lui, l’application de la loi la plus favorable au salarié.

L’accord européen du groupe GDF Suez de 2012 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes contient une clause de non régression. Celle-ci énonce explicitement que « les clauses du présent accord ne peuvent en aucun cas constituer un motif de réduction des obligations sur le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes déjà prévues par les législations nationales, européennes et/ou les conventions collectives locales »236. Dans le même sens, l’accord international du groupe Lafarge de 2013 affirme qu’« aucune disposition du présent accord ne réduit ou n’affaiblit de quelque façon que ce soit les pratiques existantes en matière de relations de travail ou les accords concernant les droits syndicaux »237.

La clause de subsidiarité. Elle désigne le principe « selon lequel les décisions devraient être prises au niveau (international, national ou local) où elles sont susceptibles de produire les résultats les plus efficaces » (Marleau, 2006). Le préambule de l’accord du groupe Lafarge fait, par exemple, référence au « principe de subsidiarité […] selon lequel les questions relatives aux relations sociales sont mieux résolues au plus près du terrain »238.

La clause de réserve. Elle correspond à une disposition affirmant la primauté du droit local sur l’accord d’entreprise transnational. Ainsi, l’accord transnational du groupe Accor de 1995 énonçait-il que ses dispositions s’appliquaient « conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur » 239. Sous couvert de vouloir résoudre d’éventuelles contradictions entre les dispositions de l’accord transnational et le droit local, la clause de réserve revient en réalité à vider l’accord transnational de sa substance, en affirmant la supériorité du droit local (même plus défavorable) sur les dispositions de l’accord (plus favorables). Par exemple, un accord ne sera pas applicable dans les pays qui interdisent la liberté d’association – soit le contraire du but initialement recherché. Cette clause donne en réalité aux entreprises un instrument leur permettant de justifier la non-application de l’accord transnational dans tel ou tel pays.

D. Les effets juridiques de l’accord en cas de non transposition

La question se pose de savoir si l’accord transnational peut produire des effets juridiques par lui-même, même en cas de non transposition au niveau national ou local. Car si l’accord était pourvu d’effets juridiques directs, il pourrait alors être mobilisé en justice pour garantir la protection des droits sociaux fondamentaux des travailleurs dans les différentes filiales du groupe transnational, sans devoir nécessairement recourir à d’autres textes. Cette question fait débat au sein de la doctrine, même s’il est possible de mobiliser plusieurs mécanismes de droit240 pour déceler un « engagement juridique » dans les dispositions de l’accord.

L’idée que les accords d’entreprise transnationaux puissent produire des effets directs renvoie à la possibilité pour les travailleurs et les organisations syndicales locales d’invoquer en justice les dispositions de l’accord d’entreprise transnational. Cette question ne s’est dans la pratique jamais posée. Il semble que la saisine du juge pour faire respecter l’accord ne soit pas la solution privilégiée par les partenaires sociaux qui s’intéressent davantage à des modes alternatifs de règlement des conflits et rejettent ainsi tout contentieux éventuel (voir chapitre 7 sur les mécanismes de règlement des différends).

Pour résumer, si les dispositions de l’accord d’entreprise transnational sont transposées au niveau local dans un instrument juridique doté d’un effet juridique contraignant, tel un accord d’entreprise de droit national, les salariés relevant de cet ordre juridique national bénéficieront directement de ces dispositions et pourront s’en prévaloir. Dans le cas où l’accord d’entreprise transnational n’est pas transposé, l’incertitude demeure en l’absence actuelle de toute saisine du juge.

  • 205. Lafarge, Accord sur la Responsabilité sociale de l’entreprise et sur les relations sociales internationales entre le groupe Lafarge, la FITBB, l’ICEM et la FMCB, 2005.
  • 206. EDF, Accord sur la responsabilité sociale du groupe, version du 25 janvier 2009.
  • 207. Traduction non-officielle réalisée par l’auteure. Electrolux, Accord-cadre international, 15 décembre 2010 : « Management is responsible for implementing and informing employees of their rights, duties and responsibilities under this International Framework Agreement and Electrolux Workplace Code of Conduct ».
  • 208. Solvay, Accord mondial de responsabilité social conclu entre Solvay et IndustriAll Global Union, 17 décembre 2013.
  • 209. GDF Suez, Accord européen relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, 5 juin 2012.
  • 210. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Nicolas Lefébure, Directeur des relations sociales du Groupe GDF Suez (Engie), 12 juin 2014.
  • 211. PSA Peugeot-Citroën, Accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale, mai 2010, Chapitre 4.
  • 212. Valeo, Accord sur la responsabilité sociale, 10 juillet 2012.
  • 213. Le groupe Carrefour prévoit dans son accord de septembre 2015, à la fois la signature par ses fournisseurs, d’une « charte fournisseurs », et la signature de la « Charte d’engagement pour la protection des droits de l’homme » par ses nouveaux franchisés internationaux hors Union européenne.
  • 214. Carrefour, Accord international pour la promotion du dialogue social et de la diversité et pour le respect des droits fondamentaux au travail, 30 septembre 2015.
  • 215. Planet Labor, « Carrefour : signature d’un accord-cadre mondial sur le dialogue social et la diversité », Article n°9283, 1er octobre 2015. V. également « Le groupe Carrefour signe un ambitieux accord-cadre international », LSE n°386, 15 octobre 2015, p. 3.
  • 216. Voir note n°20.
  • 217. Petrobras, « Terms of Understanding of Good Labor Relations », 2011 : « Any external publication of the terms will have to be mutually agreed by the parties ».
  • 218. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Bruno Vannoni, Président d’EFFAT, 11 juillet 2013.
  • 219. Club Méditerranée, « Accord relatif au respect des droits fondamentaux au travail et à la mobilité transnationale des salariés GE du Club Méditerranée dans la zone Europe Afrique », 2009.
  • 220. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Christian Juyaux, coordinateur syndical EFFAT-UITA pour le Club Méditerranée, le 23 janvier 2014.
  • 221. Lafarge, Accord sur la responsabilité sociale de l’entreprise et sur les relations sociales internationales entre le groupe Lafarge, la FITBB, l’ICEM et la FMCB, 12 septembre 2005 : « Tous les collaborateurs reçoivent une formation sur les risques encourus sur le lieu de travail et disposent des moyens de leur prévention » ; Lafarge, Déclaration commune en matière de santé, de sécurité et d’hygiène, 1er juin 2011. L’accord prévoit une formation de l’ensemble du personnel, quel que soit son niveau hiérarchique, l’étude de risques dans son environnement de travail.
  • 222. ENI, Accord sur les relations industrielles au niveau international et sur la responsabilité sociale de l’entreprise, 2 mars 2009 : « les parties pourront décider de la réalisation de programmes d’intervention positive axés sur l’affirmation des droits de l’homme et des droits sociaux fondamentaux et sur les bonnes pratiques de travail. Ces programmes pourront comprendre des activités d’information, de formation et de recherche ».
  • 223. Exemple de Renault lors de la traduction de l’accord de 2013. La direction du groupe a demandé aux juristes des unités RH locales de vérifier et valider la traduction. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Martine Derdevet, Juriste droit international chez Renault, 12 juin 2014.
  • 224. GDF Suez, Accord de groupe européen relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, 23 février 2010.
  • 225. Ce fut le cas de filiales anglaises au sein de GDF Suez et du groupe Thales. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Nicolas Lefébure, Directeur des relations sociales du Groupe GDF Suez (Engie), 12 juin 2014.
  • 226. Allianz, Accord sur les lignes directrices concernant le stress au travail, mai 2011.
  • 227. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Jean-Jacques Cette, vice-président du comité d’établissement européen de la SE Allianz, 5 novembre 2013.
  • 228. C’est le cas notamment des premiers accords conclus à la fin des années 1980 et dans les années 1990, tels l’accord sur le droit syndical du groupe Accor de 1995, la Charte sur les Droits Sociaux Fondamentaux du groupe Vivendi de 1996.
  • 229. Total, Accord mondial, 22 janvier 2015.
  • 230. PSA Peugeot Citroën, Accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale, mai 2010, art. 3.4.
  • 231. EADS, Accord relatif à la procédure de négociation sociale au niveau européen, 28 septembre 2010, préambule.
  • 232. EADS est devenu en 2014 Airbus Group et s’est transformé en mai 2015 en Société européenne.
  • 233. Par exemple, Orange, Accord mondial sur la santé sécurité, 21 novembre 2014.
  • 234. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Cécile Dufoix, Juriste droit social du groupe Thales, 11 juin 2014.
  • 235. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’Isabelle Barthès, Senior Policy Advisor at IndustriAll Europe, 30 avril 2014.
  • 236. GDF Suez, Accord européen relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, 5 juin 2012, art. 15.
  • 237. Lafarge, Accord global sur la responsabilité sociale de l’entreprise et sur les relations sociales internationales, 21 mai 2013, préambule. L’accord poursuit en affirmant que ne peuvent être affaiblies « les structures syndicales déjà établies par un affilié ou groupe d’affiliés de l’IBB et IndustriAll Global Union quel qu’il soit, ou tout autre syndicat au sein de Lafarge ».
  • 238. Lafarge, Accord global sur la responsabilité sociale de l’entreprise et sur les relations sociales internationales, 21 mai 2013.
  • 239. Accor, Accord entre l’UITA et le groupe Accor sur le droit syndical, 1995.
  • 240. Par exemple, l’engagement unilatéral de l’employeur ou la stipulation pour autrui.
Chapitre 7

Le suivi de l’accord d’entreprise transnational

À retenir

  • La très grande majorité des accords d’entreprise transnationaux récents contient des clauses relatives au suivi de l’accord, destinées à en favoriser l’application.
  • Le suivi de l’accord repose le plus souvent sur une instance de dialogue paritaire, préexistante ou ad hoc, composée de représentants des travailleurs et de la direction.
  • Quelques accords associent à leur suivi des acteurs externes, tels que l’OIT, des ONG ou des cabinets d’audit.
  • L’évaluation de l’application de l’accord nécessite la mise au point d’indicateurs de suivi, qui s’appuient sur des référentiels internationaux ou internes à l’entreprise. Il importe que le choix de ces indicateurs soit partagé avec les représentants des salariés. L’évaluation est menée au niveau de chaque filiale, puis consolidée dans un bilan global, afin d’identifier les faiblesses et les points d’amélioration.
  • Les accords prévoient divers mécanismes de règlement des différends relatifs à l’application ou à l’interprétation des accords, tels que l’arbitrage, la conciliation ou le droit d’alerte des salariés. Mais ils ne prévoient pas de sanctions, et les mécanismes mis en place visent tous à éviter le recours au juge.

Pour garantir l’effectivité de l’accord d’entreprise transnational, c’est-à-dire sa capacité à produire des effets, il importe également d’assurer le suivi de son application. Nouvelle étape fondamentale de la vie de l’accord d’entreprise transnational, le suivi ne peut se faire sans l’implication des acteurs sociaux aux différents niveaux de la structure de l’entreprise transnationale ou du groupe transnational.

L’adoption de mesures de suivi au sein des accords d’entreprise transnationaux « est devenue une condition sine qua non de [leur] signature […] par les syndicalistes »241 (Descolonges, 2010). Aujourd’hui, la majorité des AET, notamment les plus récents, contiennent des clauses relatives au suivi de l’accord. Chaque accord définit son propre dispositif de suivi, lequel peut se réaliser selon différentes modalités favorisant à la fois une évaluation qualitative et quantitative de l’application de l’accord. Les dispositifs de suivi obtiennent cependant des résultats mitigés.

1. Les acteurs du suivi

De manière générale, les parties signataires et les acteurs du suivi se confondent au sein d’une instance de dialogue paritaire, qui peut être déjà existante ou créée spécifiquement dans ce but. Mais un suivi par des acteurs externes au groupe peut également être prévu par l’accord.

A. L’instance de dialogue paritaire interne

La tâche du suivi de l’accord d’entreprise transnational repose le plus communément sur une instance de dialogue paritaire composée de représentants des travailleurs et de représentants de la direction de l’entreprise transnationale (Seguin, 2006). En principe, le suivi est assuré par les parties signataires de l’accord242, mais pas nécessairement. La pratique révèle ainsi que les instances de suivi peuvent être composées de parties non-signataires de l’accord représentant aussi bien les travailleurs que la direction. Le suivi peut être confié à une instance paritaire déjà existante et connue des signataires de l’accord ou à une instance nouvelle spécifique correspondant à une instance ad hoc. Quelle que soit sa forme, le processus de suivi est, dans ce cas, interne, c’est-à-dire assuré par des acteurs appartenant au groupe transnational ou à l’entreprise transnationale.

Entité paritaire déjà existante. Le schéma emprunté par de nombreuses entreprises transnationales est de confier le suivi de l’accord à une entité paritaire déjà existante, et qui peut être partie signataire de l’accord. L’avantage de cette option est que les partenaires sociaux se connaissent et ont déjà une expérience commune du dialogue social.

La majorité des AET à vocation européenne prévoient que le contrôle sera effectué par les membres du comité d’entreprise européen ou par les membres de son Bureau. Il en est ainsi pour l’accord du groupe Etex de 2010, qui confie le suivi de l’accord au comité d’entreprise européen, par ailleurs signataire de l’accord243. Il en va de même pour l’accord Groupama de 2013244, l’accord du groupe Axa pour lequel « le bureau du comité européen assumera le rôle d’organe de suivi de l’exécution de cet accord »245, ou encore l’accord du groupe Valeo de 2012246. L’accord Schneider Electric de 2007 fait également l’objet d’un suivi par le Bureau du comité d’entreprise européen non-signataire de l’accord, accompagné par la fédération syndicale européenne247.

Le suivi de l’accord Renault est, quant à lui, assuré par le comité mondial restreint accompagné par des représentants de la Fédération syndicale internationale (IndustriAll Global Union), et par des représentants de la direction du groupe248. Tel est le cas également de l’accord Volkswagen de 2012 dont le suivi est assuré à la fois par le comité d’entreprise européen et le comité d’entreprise mondial du groupe249, tous deux signataires de l’accord.

Si le rôle du comité d’entreprise européen est privilégié dans le suivi de l’accord, c’est parce qu’il est capable d’assurer un suivi au quotidien, en parallèle de la gestion des affaires courantes de l’entreprise transnationale. Cependant, certains accords ne prévoient un suivi que par la direction du groupe et la fédération syndicale signataire, à l’instar de l’accord Solvay de 2013250.

Instance spécifique ad hoc. Quelques accords d’entreprise transnationaux prévoient la création d’une instance spécifique nouvelle dédiée à leur suivi. Cette modalité est choisie aussi bien par des accords à vocation internationale qu’européenne. Il semble que ces instances soient créées pour des thématiques que le groupe souhaite mettre en avant. Ce sont notamment les accords portant sur la RSE, la santé et sécurité, et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Par exemple, selon les termes de l’accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF (à vocation internationale), le suivi est confié à une instance spécifiquement créée à cet effet : « le comité de dialogue sur la responsabilité sociale du groupe » (CDRS)251. Bien que le comité d’entreprise européen ait été à l’initiative de la négociation de cet accord252, la tâche du suivi a été confiée à une nouvelle instance paritaire. Le comité se compose de représentants des signataires de l’accord. Chacune des zones géographiques du groupe est représentée paritairement au sein du comité. Un Bureau qui est une émanation du CDRS se réunit deux fois par an et est composé, en plus du secrétaire, d’un représentant par zone géographique253.

Les parties signataires de l’accord Total de 2015 ont convenu, quant à elles, de la création d’un Comité « FAIR » (Faciliter l’Application, l’Implication de tous et la mesure régulière des Résultats de l’accord)254.

Tantôt l’instance de suivi aura vocation à suivre tous les accords signés, tantôt elle sera instaurée spécifiquement pour le suivi d’un seul accord. Si le suivi des accords du groupe Thales est, par exemple, confié à une seule et même instance, chez GDF Suez il y a une commission de suivi spécifique pour chaque accord.

Modalités de fonctionnement des instances. La désignation des instances de suivi dans l’accord s’accompagne de la fixation de leurs modalités de fonctionnement, principalement la responsabilité de la charge financière du suivi et la périodicité des réunions.

Les frais d’organisation sont à la charge de l’entreprise. Certains accords prévoient de manière plus générale que « l’employeur met à disposition les moyens nécessaires au bon déroulement de la réunion, y compris la prise en charge des frais engagés par les représentants pour participer à cette réunion »255.

Pour coordonner le suivi des accords au niveau de la société mère, la plupart des accords d’entreprise transnationaux prévoient que les partenaires sociaux se réunissent au moins une fois par an « pour discuter des initiatives prises, des difficultés rencontrées et des résultats obtenus ». De manière fréquente, lorsqu’est présent un comité d’entreprise européen, la réunion de l’instance chargée du suivi se déroule concomitamment à la réunion de ce comité européen.

Il peut cependant être intéressant de nommer au comité de suivi de l’accord des membres différents de ceux siégeant au comité d’entreprise européen ou mondial. Cela permet de solliciter et de sensibiliser de nouvelles personnes, du côté des travailleurs et du côté de la direction, à l’importance du suivi de l’application de l’accord. Par ricochet, cela contribue à développer un réseau transnational « de veille », composé d’acteurs internes au groupe et, par conséquent, concourt à dynamiser le dialogue social dans l’entreprise transnationale.

À côté des instances de dialogue paritaires internes, des acteurs externes peuvent aussi être associés au suivi de l’accord d’entreprise transnational.

B. Les acteurs externes

Seuls quelques accords256 associent des acteurs externes à leur suivi, comme l’OIT, des ONG ou des cabinets d’audit.

L’OIT garante du suivi. L’OIT est impliquée, par exemple, dans le cadre d’un
accord mondial de partenariat qu’elle a conclu avec le groupe H&M en 2014 pour « des chaînes d’approvisionnement durables dans l’industrie textile » 257.
Parallèlement à ce partenariat, H&M s’est engagé dans un projet avec le syndicat suédois IF Metall, l’OIT et le gouvernement suédois dans le but de favoriser le développement de la négociation collective chez ses sous-traitants au Cambodge258. Le projet est financièrement soutenu par l’OIT qui met à la disposition du groupe une personne cambodgienne pour assurer le suivi et la coordination du projet. Le groupe H&M a poursuivi cet engagement pour des chaînes d’approvisionnement durables en adoptant en novembre 2015 un accord-cadre mondial sur le respect des droits fondamentaux dans la chaîne d’approvisionnement259. L’OIT se positionne alors comme garante du suivi du projet.

ONG. Le suivi de l’accord peut être réalisé en coopération avec une ONG, comme prévu par exemple dans l’accord Carrefour de 2001. Un partenariat entre la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et le groupe Carrefour avait été engagé dès1998, sans négociation avec les instances représentatives du personnel et les organisations syndicales du groupe (Duval, 2006). Tout en soulignant sa « volonté de ne pas se substituer aux syndicats à travers les audits sociaux chez les fournisseurs », la FIDH, via l’association indépendante Infans260 a été chargée du suivi de l’accord Carrefour chez les partenaires commerciaux du groupe. En parallèle de ce suivi externe de l’accord Carrefour existe un suivi interne pour les filiales du groupe. Selon les termes de l’accord de 2015, l’évaluation de la mise en œuvre de l’accord Carrefour est assurée par les représentants de la direction et les représentants d’UNI Global Union qui se rencontrent deux fois par an261. Si peu d’accords d’entreprise transnationaux confient le suivi à une ONG, c’est notamment dû aux relations quelquefois conflictuelles entre certaines ONG et les organisations syndicales, voire avec les directions générales de l’entreprise transnationale. En effet, les interpellations des ONG « vis-à-vis des entreprises ou d’un secteur d’activité sont prises comme une agression et une menace pour l’emploi, non seulement par les directions, mais aussi par les salariés eux-mêmes et leurs organisations syndicales » (Duval, 2006).

Audit externe. Le suivi de l’application des accords peut aussi être réalisé par la mise en place d’un reporting réalisé via un audit externe, c’est-à-dire par une tierce personne indépendante. Dans ce cas, la prise en charge financière de l’expert externe est assurée par le groupe transnational262. Le recours à l’audit externe est une forme qui demeure peu courante dans les accords d’entreprise transnationaux263. Dans les quatre accords analysés qui fixent un suivi via un auditeur externe, ce dernier ne possède pas la compétence exclusive du suivi, car des instances paritaires internes sont également mises en place264
. Ainsi, l’auditeur a en charge la réalisation du bilan qui est présenté à l’instance de suivi lors de la réunion annuelle265. L’objectif principal de ces audits consiste dans l’évaluation indépendante et transparente de l’application de l’accord266.

Des inspections sur le lieu de travail. De façon marginale, des inspections sur le lieu de travail menées par les fédérations syndicales internationales ou européennes peuvent également avoir lieu. Elles ne sont pas entendues comme une inspection réalisée par une institution indépendante, à l’instar de celle effectuée par un inspecteur du travail, mais cette inspection implique réellement des visites sur les différents sites du groupe. Les sites dans lesquels se réalisent les visites sont sélectionnés « pour observer les conditions de travail et les pratiques qui y ont cours de façon à vérifier si le contenu [de l’accord] est appliqué ». Cette procédure de suivi est notamment prévue par l’accord Skanska267

Finalement, les auteurs du suivi de l’application de l’accord sont multiples. Même si le suivi de l’accord peut être réalisé par un acteur externe, ce dernier ne semble pas avoir la compétence exclusive de ce suivi. Il assure le plus souvent un suivi complémentaire de celui réalisé par l’instance de dialogue paritaire interne au groupe et par les signataires de l’accord. Le discours des organisations patronales révèle aussi que certaines « entreprises préfèrent confier le suivi à un organisme interne plutôt qu’à une entité extérieure, et ce, afin d’éviter l’immixtion de tiers dans l’entreprise »268.

2. Les mécanismes de suivi

Quels sont les mécanismes à disposition des acteurs sociaux pour assurer la bonne évaluation de l’application des accords d’entreprise transnationaux ? De quelle manière vont-ils contribuer à une meilleure effectivité des accords ? Le suivi régulier de l’application de l’accord nécessite un partage de l’information entre les partenaires sociaux, basé sur des critères d’évaluation de l’application de l’accord. Dans le cadre d’un suivi exceptionnel, c’est-à-dire lorsqu’émerge un différend dans l’application de l’accord, les parties vont recourir à des méthodes de règlement des différends, elles-mêmes prévues par les accords.

A. Le niveau du suivi

Le suivi des accords d’entreprise transnationaux doit s’exercer aux différents niveaux de l’entreprise (international, européen, national, local). Le groupe transnational ou l’entreprise transnationale est, en effet, composé de différentes filiales ou entreprises établies dans différents États. Le lien entre le niveau corporate – c’est-à-dire, le niveau de la société mère du groupe ou de la direction de l’entreprise transnationale – et le niveau national ou local peut alors se diluer à mesure que le nombre de filiales et/ou de salariés croît. Or, l’accord a vocation à s’appliquer aux salariés des différentes filiales du groupe transnational implantées dans différents États.

Quelques accords spécifient que le suivi doit se faire de manière concomitante à un double niveau. C’est la voie de suivi empruntée notamment par les groupes PSA Peugeot-Citroën269, GDF Suez270 et EDF271.

Pour l’évaluation de l’application des accords du groupe GDF Suez, un suivi est prévu en deux temps : tout d’abord, une évaluation au niveau de chaque société, puis une évaluation au niveau du groupe. Pour le premier niveau, « chaque société concernée effectue son propre bilan annuel dans le cadre d’une réunion spécifique entre les représentants du management et les organisations syndicales ou, à défaut, les représentants des salariés, dans des conditions de dialogue adaptées »272. Au second niveau, celui du groupe, la responsabilité du suivi repose sur le comité paritaire spécialement mis en place pour réaliser annuellement le bilan de l’application et de l’évaluation des résultats de l’accord.

Parfois, au niveau local, ce sera aux partenaires syndicaux de veiller à l’application de l’accord. L’accord GDF Suez prévoit sur ce point une implication renforcée des syndicats locaux en leur prescrivant de surveiller « intensivement » l’application de l’accord selon les méthodes définies273.

B. Les indicateurs d’évaluation

Seuls quelques accords intègrent expressément des indicateurs d’évaluation des résultats de l’application de l’accord. Ces indicateurs sont le plus souvent adoptés postérieurement à la conclusion de l’accord. Dans tous les cas, une évaluation de l’application de l’accord ne peut se faire sans un cadre minimal défini par des référentiels, des indicateurs ou une méthodologie à suivre. Par qui et de quelle manière les indicateurs vont-ils être déterminés ? Dans quelle mesure ces indicateurs vont-ils favoriser une meilleure effectivité de l’accord ?

Il ressort de notre étude des 267 AET des indicateurs communs et des indicateurs propres à chaque accord. Il existe deux types de référentiels : les référentiels internationaux édictés de manière officielle par des institutions internationales et les référentiels créés par l’entreprise.

Les référentiels internationaux sont des standards officiels créés par des institutions internationales, qui garantissent une évaluation objective de l’accord. Il s’agit notamment du référentiel GRI (Global Reporting Initiative274) auquel quelques accords font référence275. L’implication de différents acteurs de la société civile (entreprises, ONG et autres parties prenantes) à la confection de ce référentiel permet de garantir son objectivité.

Les référentiels propres à une entreprise. Certains groupes, à l’image de Solvay ou d’Areva, ont créé leur propre référentiel, qui s’apparente alors davantage à un outil de management interne du groupe transnational.

Le groupe Areva a créé, au sein de l’accord en faveur de l’égalité des chances, son propre référentiel, « Areva Way ». Ce référentiel est spécifique à la définition des indicateurs « diversité »276. Avec l’adoption de l’avenant à l’accord de 2006 sur l’égalité des chances, le suivi de l’accord a été renforcé par l’établissement du projet ODEO277. Le suivi de l’accord s’intègre ainsi dans une démarche composée de quatre étapes : 1) un état des lieux détaillé de la situation dans les différents sites européens ; 2) une formalisation du plan d’action de chaque site ; 3) une séance de travail européenne réunissant représentants du personnel, responsables ressources humaines et managers des sites européens ; 4) une commission de suivi pour présenter conjointement les avancements de l’accord à la fédération européenne de la métallurgie278. De plus, un guide d’auto-évaluation a été élaboré de manière paritaire avec le soutien du cabinet d’expertise français Syndex279. Dans le but de poursuivre une amélioration continue et d’aider les différents sites « à se situer et à prendre conscience de leurs difficultés sur ces sujets », ont été intégrés au sein de ce guide des indicateurs quantitatifs et qualitatifs relatifs à l’égalité homme-femme et au handicap.

Des indicateurs « co-construits ». L’accord mondial du groupe Renault de 2013 fait l’objet d’un suivi « notamment au travers des 60 indicateurs co-construits avec les part enaires sociaux et les experts métiers ». La définition de certains indicateurs s’inspire de ce qui existe déjà au niveau des référentiels internationaux, notamment les référentiels GRI et ISO 26000280. Dans le cadre de la définition de ces indicateurs, le comité de dialogue social du groupe Renault a reçu un appui d’expert et une subvention de la Commission européenne destinée à l’étude, la méthodologie et l’élaboration des indicateurs281.

« Solvay Way »

Solvay définit sa politique de développement durable via le référentiel « Solvay Way ». Ce dernier correspond à « un référentiel de responsabilité sociale et environnementale qui décrit les ambitions de responsabilité que le groupe entend exprimer vis-à-vis de ses parties prenantes qui sont au nombre de six : les clients, les fournisseurs, les investisseurs, les employés, les communautés et la planète »282. Pour chacune de ces parties prenantes, un certain nombre d’ambitions de responsabilité sont définies. Ces ambitions de responsabilité se déclinent précisément en « bonnes pratiques » qui sont classées sur une échelle de performance à quatre niveaux283.

Chaque année, la direction de Solvay et IndustriAll Global Union vérifient le niveau auquel le groupe se situe pour l’ensemble des pratiques. Ce procédé contribue à évaluer tout d’abord les points de force et de faiblesse de chaque entité du groupe. La consolidation de l’ensemble des données des entités du groupe permet ensuite de tracer le profil de responsabilité « Solvay Way » du groupe. La direction du groupe Solvay énonce que, dans cet outil, il est également « possible de distinguer des pratiques qui portent sur l’application et le respect de l’accord mondial dans la partie “employés”, plus précisément le respect des droits sociaux fondamentaux ». À côté du référentiel « Solvay Way », des indicateurs de suivi sont également établis pour une évaluation par thématique. L’accord fixe ainsi des indicateurs spécifiques pour la santé, la sécurité et l’environnement284, les salariés et le dialogue social ou encore les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants285.

Il ressort du discours des acteurs sociaux que, dans la perspective d’un partage d’information efficace, la définition des indicateurs de suivi doit idéalement reposer sur une construction conjointe de ceux-ci entre les partenaires sociaux, afin de valider en amont la méthodologie d’évaluation. Tous les indicateurs vont être associés à une clause de l’accord mais toutes les clauses ne feront pas systématiquement l’objet d’un indicateur286. La pratique révèle que, pour favoriser le succès de l’évaluation de l’application de l’accord par les partenaires sociaux locaux, le nombre d’indicateurs doit être limité287.

C. Le bilan de l’application de l’accord

Les différents outils d’évaluation de l’accord doivent permettre d’obtenir un bilan aussi complet et objectif que possible de l’application de l’accord dans les différentes filiales du groupe et dans les différents États où sont implantées les filiales. L’établissement d’un cadre ou d’une méthodologie de suivi via des référentiels de groupe ou des indicateurs d’évaluation communs aux différentes filiales contribue à la remontée d’informations quantitatives et qualitatives au niveau global. Les rapports d’évaluation effectués dans les différentes filiales du groupe permettront d’établir un rapport consolidé. Un tel processus est indispensable pour pouvoir identifier les faiblesses et les points d’amélioration dans chacune des filiales du groupe transnational.

De manière générale, le bilan de l’évaluation locale se réalise annuellement, et il est établi soit unilatéralement par la direction locale, soit bilatéralement avec les représentants des travailleurs. Il est important d’établir ce bilan pour avoir une trace de l’évaluation de l’accord d’entreprise transnational. Les bilans locaux sont ensuite consolidés dans un document global.

Dans le groupe Solvay, l’accord stipule que « Solvay et IndustriAll Global Union procèdent chaque année à un bilan de l’application de cet accord au cours d’une réunion formelle tenue au cours du premier trimestre. Solvay présente à cette occasion un document bilan basé sur les indicateurs de suivi de l’accord, le résultat des missions d’évaluation conjointe menées par Solvay et IndustriAll Global Union dans les pays »288.

Ces bilans de l’application des accords doivent favoriser l’échange de vues entre les représentants des travailleurs et la direction, et permettent d’identifier les points d’amélioration et de fragilité. Ces points de faiblesse peuvent s’exprimer par des difficultés de mise en œuvre de l’accord ou encore de temps d’adaptation nécessaire pour mettre en œuvre certaines clauses. Dans le cas où des violations de clauses de l’accord seraient constatées, certains accords mettent en place des mécanismes spécifiques permettant alors un suivi exceptionnel.

3. Les mécanismes de règlement des différends

La mise en place de mécanismes de règlement des conflits lors de l’application de l’accord procède pour les partenaires sociaux d’une stratégie d’évitement du juge, qui s’inscrit dans un mouvement général des différents droits du travail (international, européen et nationaux) à adopter des modes alternatifs de règlement des conflits. Certains accords font ainsi explicitement état de cette stratégie par la stipulation, au sein d’une clause, d’un engagement de non recours au juge289 ou d’une compétence exclusive attribuée à un comité de conciliation spécifiquement mis en place pour connaître des litiges290.

Cette stratégie d’évitement du juge implique, pour les signataires de l’accord, de déterminer eux-mêmes la procédure de règlement des différends. La plupart des accords prévoient que tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application de l’accord sera soumis aux signataires. Différents mécanismes s’offrent pour le règlement des conflits, qui interviennent généralement dans le respect du principe de subsidiarité. Certains accords renvoient à un arbitre indépendant, d’autres envisagent une procé-dure de conciliation interne ou une procédure de plainte.

L’arbitrage. Dans le cas où les parties n’ont pas résolu en interne le conflit qui s’est élevé à l’occasion de l’application de l’accord d’entreprise transnational, certains accords291 prévoient la désignation, d’un commun accord, d’un « arbitre indépendant »292.

Ce dernier intervient généralement comme l’ultime recours dans la procédure interne de traitement des différends. Dans le cas où une solution amiable ne serait pas trouvée en interne, « la partie indépendante proposera un arbitrage qui sera contraignant pour les deux parties. Il reviendra au médiateur/ arbitre indépendant de décider quelle partie s’acquittera des frais liés à cette médiation ou à cet arbitrage ». La sentence rendue par l’arbitre est par conséquent contraignante à l’égard des deux parties au litige. Lorsqu’il s’agit d’un différend d’interprétation de l’accord, certains signataires prévoient, en s’appuyant sur des modèles d’accord édictés par les fédérations syndicales internationales ou européennes293, la possibilité de faire intervenir un expert externe pour aider à trancher le différend, tel un expert de l’OIT294 . La procédure s’apparente alors davantage à une procédure de médiation295.

Procédure de conciliation interne. L’accord ArcelorMittal, Maîtriser et anticiper le changement de 2009, prévoit l’instauration d’un comité de conciliation paritaire. Composé de représentants des deux parties négociatrices de l’accord, ce comité « est mis en place au siège social d’ArcelorMittal dans le but de concilier tout litige éventuel résultant de l’interprétation ou de la mise en œuvre du présent accord »296. Selon les termes de l’accord, le comité de conciliation est doté d’une compétence exclusive car lui seul « peut régler de tels litiges et sa décision est finale ». Une procédure préalable est toutefois imposée puisque, avant de soumettre un différend devant le comité de conciliation, la direction et les organisations syndicales devront au préalable le soumettre au « comité de suivi national conformément aux pratiques et traditions nationales ».

La procédure de conciliation est par conséquent gouvernée par le principe de subsidiarité, entendu ici dans le sens de la recherche d’une conciliation au niveau le plus pertinent pour produire le résultat le plus efficace. Le fait d’instaurer différents niveaux de conciliation et de privilégier au préalable les mécanismes de résolution non judiciaires des conflits au niveau local, permet de favoriser le dialogue social local et de régler le conflit au plus près du terrain297.

Procédure de plainte directe pour les salariés. Des procédures de plainte sont mises en place par certains accords pour permettre aux salariés de dénoncer directement « tout manquement aux droits sociaux garantis par l’accord » (Sobczak, 2006). Le salarié pourra alors s’adresser au représentant national siégeant au comité d’entreprise européen298 ou « saisir son supérieur hiérarchique, la direction des Ressources Humaines et/ou un représentant syndical de la société dont il relève »299 ou même contacter une ligne téléphonique spécialement mise en place afin de faire connaître et remonter sa plainte300. La création de ce type de plainte directe et de ces lignes téléphoniques est étroitement liée à l’obligation introduite par la loi américaine Sarbanes-Oxley301, adoptée en réponse aux scandales financiers et comptables qui ont éclaté aux États-Unis au début des années 2000 (Enron, WorldCom). Il est en effet possible d’observer la mise en place par certains accords d’un véritable droit d’alerte pour le salarié302 qui pourrait rapprocher ce dernier du rôle de lanceur d’alerte (Bouton, 2016), en ce qu’il va, comme « “dénonciateur légal” […] dénoncer ou signaler des illégalités, des risques ou des comportements contraires à la déontologie professionnelle 303.

Sanctions. Si certains codes de conduite fixent des sanctions disciplinaires applicables en cas de violation d’un des principes énoncés et prévoient de manière plus marginale « des poursuites civiles en cas de violation grave du code » (Schömann et al., 2008), les accords d’entreprise transnationaux adoptent une démarche différente, en impliquant dans le règlement des différends à la fois la direction et les représentants des travailleurs. Le but qu’ils poursuivent réside dans le changement des comportements et dans l’amélioration de la situation par la voie du dialogue social. Les seules sanctions que l’on retrouve au sein des accords d’entreprise transnationaux sont celles infligées aux fournisseurs et sous-traitants en cas de non-respect des dispositions de l’accord qui leur sont applicables304. Ces sanctions se traduisent généralement par la rupture des relations commerciales avec le cocontractant, ce qui conduit en conséquence à une forme de sanction financière.

  • 241. Des fédérations syndicales internationales telles l’ancienne FIOM ont élaboré un modèle d’accord d’entreprise transnational sur lequel les négociateurs peuvent s’appuyer, qui fixe des clauses de suivi de l’accord.
  • 242. Eurosport, Accord mondial sur les droits sociaux fondamentaux, 10 octobre 2012, Art. 6 : « Un suivi de l’accord et des bilans réguliers sont effectués par les présents signataires ».
  • 243. Etex, Charte en matière de sécurité et protection de la santé, 14 juin 2010.
  • 244. Groupama, Déclaration commune portant sur la qualité de vie au travail, 15 février 2013 : « La Direction et les partenaires sociaux procèderont à un bilan de l’application de la présente déclaration dans le cadre de l’une des réunions plénières du Comité d’entreprise européen ».
  • 245. Axa Group, Accord européen sur l’anticipation des changements, 23 novembre 2011.
  • 246. Valeo, Accord sur la responsabilité sociale, 10 juillet 2012.
  • 247. Schneider Electric, Accord européen sur l’anticipation des changements, 12 juillet 2007, Art. 5.4.
  • 248. Renault, Accord-cadre mondial de responsabilité sociale, sociétale et environnementale entre le groupe Renault, le comité de Groupe Renault et IndustriAll Global Union, 2 juillet 2013.
  • 249. Volkswagen, Charte du travail temporaire, 30 novembre 2012.
  • 250. Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale, 17 décembre 2013 : « Solvay et IndustriAll Global Union assurent en continu le suivi de la bonne application de l’accord ».
  • 251. EDF, Accord sur la responsabilité sociale du groupe, 25 janvier 2009, art. 22.
  • 252. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de Marc Ferron, secrétaire du comité d’entreprise européen du groupe EDF 18 mars 2014.
  • 253. Zone Europe de l’Ouest (Belgique, Grande Bretagne), zone Europe de l’Est (Pologne, Hongrie) et zone Asie-Pacifique. Chacune de ces zones est représentée par un représentant ainsi que deux autres français.
  • 254. Total, Corporate social responsability Accord mondial, 22 janvier 2015, art. 7.2.
  • 255. Club Méditerranée, Accord relatif au respect des droits fondamentaux au travail et à la mobilité transnationale des salariés du Club Méditerranée dans la zone Europe Afrique, 2008.
  • 256. Parmi ces accords, nous comptons l’accord Carrefour de 2015, l’accord EDF de 2009, l’accord Solvay de 2013, l’accord GDF sur la RSE de 2008, l’accord Umicore de 2007, l’accord PSA Peugeot-Citroën de 2010, l’accord Skanska de 2001.
  • 257. Voir http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_307288/lang–fr/index.htm . L’accord de partenariat entend reprendre des programmes et des travaux que le groupe H&M a menés « tout en recherchant de nouvelles synergies avec d’autres acteurs » (« H&M : signature d’un accord mondial de partenariat avec l’OIT pour des chaînes d’approvisionnement durables dans l’industrie textile », Planet Labor , article n°8593 du 18 septembre 2014). La démarche adoptée par l’OIT et le groupe H&M tient dans une approche multidimensionnelle pour laquelle « six domaines de collaboration ont été définis avec pour chacun des projets spécifiques et un budget » ( Planet Labor , article n°8593 du 18 septembre 2014). Les six domaines définis sont : relations sociales et salaires, formation et développement des compétences, renforcement des organisations de travailleurs et d’employeurs, participation au programme Better Work , travail décent dans la chaîne d’approvisionnement mondiale d’H&M, communication et partage des enseignements.
  • 258. « H&M : l’entreprise suédoise lance un projet avec le syndicat suédois IF Metall et l’OIT pour développer la négociation collective chez ses sous-traitants au Cambodge », Planet Labor , Article n°8459 du 18 juin 2014. L’article précise que « ce projet fait suite à certaines pressions. Le secteur textile du Cambodge a connu une vague importante de mouvements sociaux, au point que certaines marques et entreprises internationales du textile ont fait pression sur le gouvernement cambodgien pour ramener la stabilité dans le secteur en assurant un meilleur respect des droits fondamentaux ».
  • 259. LSE, n°388, 2015, p. 8.
  • 260. ORSE, Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadres internationaux , décembre 2006, p. 45.
  • 261. Carrefour, Accord international pour la promotion de la diversité et pour le respect des droits fondamentaux au travail, 30 septembre 2015, Art. 5.
  • 262. Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale, 17 décembre 2013, Art. VI.
  • 263. Voir GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3; Umicore, Convention de développement durable, 28 septembre 2007, Art. 5.4 ; PSA Peugeot-Citroën, Accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale, mai 2010, Chapitre 10.
  • 264. C’est le cas de l’accord Umicore de 2007 qui prévoit également un suivi assuré par « un comité paritaire dédié […] chargé de surveiller la mise en œuvre de la présente convention » ; voir aussi Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale, 17 décembre 2013, Art. VI.
  • 265. Par exemple, l’accord Solvay de 2013 prévoit qu’avant l’arrivée à échéance de l’accord, le bilan global de celui-ci peut-être réalisé par un expert externe. « Solvay et IndustriAll Global Union conviennent de dresser un bilan d’ensemble avant l’arrivée à échéance de l’accord pour en préparer la reconduction éventuelle. Réalisé dans la dernière période de validité de l’accord, ce bilan pourra être confié à un expert externe choisi conjointement et son coût pris en charge par Solvay » ; l’accord Umicore, quant à lui, prévoit que l’auditeur extérieur du rapport sur le développement durable présente son rapport d’audit lors de la réunion annuelle du « comité paritaire dédié ».
  • 266. PSA Peugeot-Citroën, Accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale, mai 2010, Chapitre 10 : le groupe « garantit que ces audits sont effectués en toute indépendance et transparence et en coopération avec les représentants syndicaux»; GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3 : pour « donner à l’ensemble des parties prenantes une information pertinente, consistante et fiable sur sa performance extra-financière […], le groupe Gaz de France recourt à une tierce évaluation indépendante de son rapport ».
  • 267. Skanska, Accord international sur les droits des travailleurs, 8 février 2001 : « Le Vice-Président senior des ressources humaines et le comité exécutif [du comité d’entreprise européen de Skanska] désigneront chacun un représentant qui visitera et inspectera au moins une fois par année divers sites de travail sélectionnés ».
  • 268. UIMM, Analyse juridique des accords transnationaux d’entreprise. État des lieux et mode d’emploi, octobre 2011, p. 26.
  • 269. PSA Peugeot-Citroën, Accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale, mai 2010, Chapitre 8. L’accord énonce qu’au niveau du suivi local, « dans chacun des principaux pays (plus de 500 salariés) sont mis en place des observatoires sociaux locaux, composés des directions des ressources humaines et des organisations syndicales ».
  • 270. GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3 ; GDF Suez, Accord mondial sur les droits fondamentaux, le dialogue social et le développement durable, 16 novembre 2010, Art. 3.2.
  • 271. EDF, Accord sur la responsabilité sociale du groupe, 25 janvier 2009, Art. 22.
  • 272. GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3.
  • 273. GDF Suez, Accord mondial sur les droits fondamentaux, le dialogue social et le développement durable, 16 novembre 2010, Art. 3.2 : « Chaque société couverte par cet accord proposera ses méthodes d’application dans le cadre de plans d’action conjoints. Cette application est surveillée intensivement par les partenaires syndicaux à partir d’indicateurs accessibles et objectifs. Là où les syndicats ne peuvent pas être impliqués, d’autres méthodes seront étudiées et convenues conjointement ».
  • 274. La Global Reporting Initiative a été lancée par une ONG américaine en 1997. « En France, c’est l’ORSE qui travaille sur la mise en œuvre du référentiel GRI par les entreprises », voir le site internet de Novethic : http://www.novethic.fr/lexique/detail/ gri.html. Par exemple, GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3 : « Le groupe Gaz de France recourt à une tierce évaluation indépendante de son rapport et […] les référentiels les plus adaptés à ses champs d’activité et notamment le GRI ».
  • 275. Par exemple, GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.3 : « Le groupe Gaz de France recourt à une tierce évaluation indépendante de son rapport et […] les référentiels les plus adaptés à ses champs d’activité et notamment le GRI ».
  • 276. Les indicateurs «Areva Way» portent notamment sur le pourcentage de femmes parmi les cadres, les non cadres et les cadres dirigeants, et la part des personnes handicapées dans les effectifs.
  • 277. Open Dialogue Through Equal Opportunities.
  • 278. Aujourd’hui nommée IndustriAll Europe.
  • 279. « Areva : bilan du projet européen sur le développement du dialogue social via le déploiement de l’accord-cadre transnational sur l’égalité des chances », Planet Labor , n°090158, 12 février 2009.
  • 280. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant des travailleurs du groupe Renault et de Martine Derdevet, Juriste droit international du Groupe Renault, 12 juin 2014.
  • 281. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant des travailleurs du groupe Renault. Le comité de groupe Renault a mené une étude en 2008 accompagné de l’expert Syndex, subventionnée par la Commission européenne et destinée à l’étude des indicateurs sociaux et à la conception d’une méthodologie de ces indicateurs pour les CE Européens. Ont été produites des préconisations en termes d’indicateurs et une méthodologie. La Commission européenne a incité un certain nombre de CE Européens à prendre en compte ces indicateurs et la méthodologie. Le comité de groupe Renault en a tenu compte dans le cadre de l’élaboration de ses propres indicateurs, notamment en matière de santé et de sécurité au travail.
  • 282. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant de la direction du groupe Solvay.
  • 283. L’accord Solvay définit les quatre niveaux de performance : « 1) Lancement : L’entité est essentiellement réactive face aux attentes des parties prenantes. Un état des lieux a été réalisé ; 2) Déploiement : L’entité met en œuvre une démarche de progrès structurée, en interne et auprès des parties prenantes ; des méthodes sont utilisées pour établir les priorités, des moyens sont déployés, les managers sont mobilisés dans des plans d’action ; 3) Maturité : L’entité a engagé des plans d’actions avec succès. Leur mise en œuvre est effectuée et contrôlée sur tout le périmètre, avec des premiers retours d’expérience ; les salariés sont mobilisés dans le déploiement ; 4) Performance : L’entité est proche des benchmarks de la profession. La démarche d’amélioration est pérenne, les résultats sont en amélioration durable. L’entité est reconnue pour son exemplarité, l’ensemble des parties prenantes adhère à la démarche ».
  • 284. « Taux de sites audités en matière d’hygiène, sécurité et environnement depuis moins de trois ans selon le référentiel du groupe ; taux de fréquence des accidents du travail aboutissant à un arrêt de travail, mesuré en nombre d’accidents survenus par million d’heures de travail ; taux de fréquence des accidents du travail aboutissant ou non à un arrêt de travail mesuré par million d’heures de travail ».
  • 285. «Bilan du respect des standards Solvay et des éventuelles mesures correctives; Bilan des réclamations émanant de fournisseurs et de leur traitement par Solvay ».
  • 286. Propos issus de l’entretien réalisé auprès de représentants de la direction d’EDF.
  • 287. Propos issus de l’entretien réalisé auprès d’un représentant des travailleurs du groupe Renault.
  • 288. Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale, 17 décembre 2013, Art. VI.
  • 289. ISS, Accord international, 2008 : « UNI promet de ne pas entamer d’action publique ou d’action en justice contre ou portant atteinte à ISS sans donner un préavis équitable à ISS pour lui laisser suffisamment de temps pour régler le conflit avant de prendre toute action publique ou action en justice à l’encontre de l’entreprise. UNI respectera le même engagement concernant tout conflit intervenant au niveau local ou national, et UNI encouragera ses syndicats affiliés à respecter le même engagement envers ISS ».
  • 290. ArcelorMittal, Maîtriser et anticiper le changement chez ArcelorMittal, 2 novembre 2009, Art. 5: «Seul le comité de conciliation peut régler de tels litiges et sa décision est finale ».
  • 291. Skanska, Accord international sur le droit des travailleurs, 2001 ; EADS, Accord-cadre international, 2005 ; Aker, accord-cadre international, 2008 ; ISS, Accord international, 2008 ; G4S, Accord mondial de partenariat éthique sur l’emploi, 2008 ; Siemens, Accord-cadre international, 2012 ; Inditex, Accord-cadre international sur la mise en œuvres des normes de travail internationales dans toute la chaîne de fournisseurs d’Inditex, 8 juillet 2014.
  • 292. L’accord ISS de 2008 énonce qu’« au cas où les parties ne pourraient résoudre un conflit résultant du présent accord mondial après discussion à la réunion semestrielle, […] la question sera déférée à un médiateur/arbitre indépendant, désigné d’un commun accord, qui tentera en premier lieu une médiation » ; L’accord G٤S de, ٢٠٠٨ stipule que « dans le cas où les parties ne parviendraient pas à résoudre un conflit concernant l’application de cet accord après avoir mené des discussions au sein du Comité de Suivi, il est prévu d’un commun accord que le problème sera soumis à un arbitre neutre en charge de trouver une solution intermédiaire » ; l’accord Skanska de ٢٠٠٨ prévoit que « s’il s’avère impossible de s’entendre quant aux interprétations et applications de cet accord au sein du groupe de surveillance, la question sera référée à l›organe d›arbitrage composé de deux membres et d’un président indépendant. Skanska AB et la FITBB désigneront chacun un membre, et le président sera désigné par accord mutuel. Les décisions de cet organe d›arbitrage lieront les parties ».
  • 293. Le modèle d’accord édicté par l’ancienne fédération syndicale internationale de la métallurgie, la FIOM, énonce dans sa clause d’arbitrage qu’ « en cas de blocage, l’arbitrage est confié à l’OIT ou à une partie neutre mutuellement agréée par la direction et les syndicats ».
  • 294. Inditex, Accord-cadre international sur la mise en œuvres des normes de travail internationales dans toute la chaîne de fournisseurs d’Inditex, 8 juillet 2014: «Every effort will be made to find common agreement but where this is not possible Inditex and IndustriAll Global Union will, in appropriate circumstances, seek the expert advice of the ILO ».
  • 295. La procédure semble ici se rapprocher de la médiation entendue au sens général comme «un mode de solution des conflits consistant, pour la personne choisie par les antagonistes (en raison le plus souvent de son autorité personnelle), à proposer à ceux- ci un projet de solution, sans se borner à s’efforcer de les rapprocher, à la différence de la conciliation, mais sans être investi du pouvoir de leur imposer comme décision juridictionnelle, à la différence de l’arbitrage et de la juridiction étatique » (G. Cornu, 2014).
  • 296. ArcelorMittal, Maîtriser et anticiper le changement chez ArcelorMittal, 2 novembre 2009.
  • 297. Employé en ce sens, le principe de subsidiarité se confond avec le principe de proximité.
  • 298. Lafarge, Déclaration commune en matière de santé et de sécurité, 11 juin 2003.
  • 299. GDF, Accord européen sur la responsabilité sociale du groupe, 2 juillet 2008, Art. 5.2.
  • 300. Electrolux, Accord-cadre international, 15 décembre 2010 ; DaimlerChrysler, Principes de Responsabilité Sociale chez DaimlerChrysler, 2 septembre 2002.
  • 301. Sarbanes-Oxley Act of 2002, Public Law. 107–204, 116 Stat. 745, enacted July 30, 2002.
  • 302. Solvay, Accord mondial de responsabilité sociale, 17 décembre 2013, Art. III, 9 : « Tout salarié est le gardien du respect du droit, des engagements et règles de comportement du groupe. Il dispose de la possibilité d’alerter sa hiérarchie sur d’éventuels manquements en la matière. Il peut aussi saisir le représentant local de la fonction Ressources Humaines ou de la fonction juridique ». Un canal spécifique est également mis en place par un cabinet extérieur pour que le salarié puisse se faire entendre « en cas de dysfonctionnement des voies habituelles de dialogue ». En droit du travail français, ce droit d’alerte « se dit soit du pouvoir reconnu aux salariés ou aux membres du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail d’aviser immédiatement l’employeur de l’existence d’un danger grave et imminent, soit du droit reconnu aux représentants du personnel, selon une procédure complexe, d’informer les dirigeants d’une société ou les associés eux-mêmes de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise » (art. L. 4131-1 et s. du code du travail).
  • 303. Le code du travail français prévoit une protection spécifique pour le salarié « dénonciateur » (Art. L. 1152-2 du code du travail).
  • 304. Par ex. EDF, Accord sur la responsabilité sociale du groupe, 25 janvier 2009, Art. 8.3 : « tout manquement grave et non corrigé après observations, à la législation, aux règles relatives à la santé sécurité des salariés, aux principes régissant les relations avec les clients, et à la réglementation en vigueur en matière d’environnement, devra entrainer l’arrêt des relations avec l’entreprise sous-traitante » ; voir également Total, Accord mondial, 22 janvier 2015, Art. 4.5.

conclusion

Au terme de cette étude sur le contenu et l’application des accords d’entreprise transnationaux, plusieurs résultats peuvent être soulignés.

Le développement continu des accords d’entreprise transnationaux. Le développement continu des accords se reflète sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Le nombre de 267accords (284 en 2017) traduit ainsi l’engouement des partenaires sociaux pour cet instrument, même si celui-ci reste encore marqué par une forte empreinte européenne. En outre, le contenu des accords se précise. Les thématiques abordées par les accords tendent à s’affiner et se diversifier. Le champ d’application des accords s’ouvre également aux chaînes d’approvisionnement mondiales, c’est-à-dire aux sous-traitants et fournisseurs. De plus, des procédures de déclinaison et de suivi sont désormais définies dans la majorité des accords, et de manière quasi-systématique dans les derniers accords conclus, grâce aux lignes directrices et modèles-types promus par les fédérations syndicales internationales et européennes.

Une effectivité mitigée. La capacité des accords d’entreprise transnationaux à produire des effets directs sur la protection des droits sociaux des travailleurs est relative. Or, ces accords ne doivent pas simplement se présenter comme l’un des moyens de contribuer au renouvellement de l’image et de la réputation de l’entreprise transnationale dans un monde globalisé. Il semblerait d’ailleurs que l’intérêt de signer un accord uniquement pour soigner son image soit dépassé au regard des dispositifs de suivi des accords et des contraintes souvent lourdes que représentent les procédures de reporting pour le groupe et ses filiales. Le potentiel de ces accords est beaucoup plus important et prometteur ; ils devraient pouvoir contribuer véritablement à la promotion d’un volet social de la globalisation.

Si des exemples concrets montrent une amélioration réelle de certaines situations locales, sous l’effet des accords, cette amélioration est rarement globale et homogène au sein d’un même groupe. L’observation des résultats de l’application des accords révèle qu’une de leur principale vertu est de constituer un outil de développement du dialogue social transnational et local, ainsi qu’un outil progressif de responsabilisation pour les directions. À défaut d’une amélioration globale de la protection des droits des travailleurs, les accords conduisent à créer des réseaux transnationaux d’acteurs sociaux, progressivement mobilisés dans ce but. Ce résultat constitue en soi une première étape très positive qui permettra de favoriser la conclusion et l’application d’accords ultérieurs. Dès lors, les réflexions sur l’adoption d’un cadre juridique optionnel au niveau de l’Union européenne appellent quelques précisions.

La possible adoption d’un cadre juridique optionnel au niveau de l’Union européenne. Une telle réflexion a pour but de définir le cadre de la négociation transnationale, les dispositifs de la mise en œuvre de l’accord et de son suivi. L’objectif d’un tel cadre résiderait dans la garantie d’une meilleure effectivité de ces accords, en leur conférant notamment une valeur juridique. Mais ce cadre juridique présenté et discuté par les institutions de l’Union européenne et les partenaires sociaux européens devrait demeurer optionnel au regard de la variété des acteurs sociaux, des cultures juridiques, des différentes législations relatives au droit du travail et aux relations professionnelles, des cultures d’entreprise, des secteurs d’activité, mais aussi des thématiques abordées au sein de l’accord et du champ géographique concerné par son application. Le choix d’un cadre juridique optionnel traduirait tout simplement le respect de l’autonomie des parties signataires. A minima, devraient figurer au sein de chaque accord des éléments essentiels portant sur la diffusion, la déclinaison et le suivi de l’accord. La précision de ces différents éléments favoriserait l’application des accords au sein de l’ensemble des entités de l’entreprise transnationale.

Force est de constater cependant qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de consensus sur ce sujet entre les différentes parties. En réduisant la flexibilité de cet instrument, la définition d’un cadre juridique pourrait d’ailleurs venir peser sur sa popularité et casser la dynamique en cours. D’autres pistes que la fixation d’un cadre juridique existent d’ailleurs pour apporter une meilleure effectivité à ces accords.

Vers des co-régulations. Les initiatives en faveur de la protection des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de la RSE procèdent d’une forme de gouvernance mondiale «soft». De plus en plus d’initiatives internationales ou régionales invitent à une coopération entre les acteurs institutionnels et les acteurs sociaux dans un esprit de co-régulation. À ce titre, l’OIT apparaît comme une institution pivot et incarne un rôle de garant de l’effectivité de ces démarches, en apportant son expertise et son soutien aux entreprises transnationales et aux acteurs syndicaux pour la mise en œuvre des droits sociaux fondamentaux. L’OIT a d’ailleurs énoncé qu’elle « pourrait devenir le dépositaire d’accords-cadres internationaux »305 et accompagner des acteurs pour la négociation, la mise en œuvre et le suivi effectifs de ces accords.

L’engagement des entreprises dans ces démarches de co-régulation répond à une tendance sociétale de fond visant à « durcir » la responsabilité sociale des entreprises. L’adoption en France de la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, même allégée de ses sanctions, en témoigne. D’autres pays pourraient rejoindre la France dans cette logique régulatrice. Ce qui devrait inciter les entreprises multinationales non seulement à engager des négociations en vue de la conclusion d’AET, mais en outre à rendre plus effectives sur le terrain les dispositions définies au sein de ces accords.

Dans un tel contexte, les accords d’entreprise transnationaux disposent d’un fort potentiel. Leurs dispositifs de suivi, leurs méthodes de reporting et l’implication des acteurs sociaux dans ce suivi, permettent de recueillir une quantité non négligeable d’informations. En ce sens, ils constituent une expérience sur laquelle s’appuyer pour établir et mettre en œuvre un plan de vigilance, notamment pour l’identification et la prévention des risques d’atteinte aux droits humains, à la santé-sécurité ou à l’environnement, mais aussi pour réaliser le suivi du niveau local et du niveau global.

Ces accords se présentent ainsi comme des modèles de mise en œuvre du devoir de vigilance. Ils ont donc de beaux jours devant eux.

L’Accord-Cadre Mondial sur la responsabilité sociale du Groupe PSA – POINT DE VUE

Xavier Guisse, Responsable RSE, Groupe PSA

Une réponse aux enjeux stratégiques du Groupe

Le Groupe PSA a choisi d’associer, à une échelle internationale, les parties prenantes à sa démarche de responsabilité sociale en signant dès 2006 un Accord-Cadre Mondial sur la responsabilité sociale de l’entreprise.

Le 7 mars 2017, le Groupe PSA a conclu un nouvel accord avec les fédérations syndicales IndustriALL Global Union et IndustriAll European Union, qui traduit la volonté du Groupe d’associer tous les salariés à la stratégie, à sa politique mondiale de ressources humaines, et de porter à l’échelle mondiale des pratiques de dialogue social basées sur la co-construction. L’objectif était de franchir de cette façon un pas de progrès important pour inscrire les différents pays dans une même dynamique, créant les conditions de réussite de notre plan stratégique Push To Pass.

Ainsi, cet accord est composé de deux parties.

Un cadre pour le respect des droits humains fondamentaux

La première partie donne un cadre formel à la politique de responsabilité sociale du Groupe PSA et y associe les parties prenantes.

L’Accord-Cadre Mondial exprime les exigences sociales du Groupe vis-à-vis de sa chaîne d’approvisionnement et décrit le plan de vigilance raisonnable en matière de respect des droits de l’Homme suivant les recommandations de l’OCDE. Le Groupe PSA s’engage à ce que le respect des droits humains soit un critère déterminant dans la sélection des fournisseurs. En signant la Charte « Politique achats responsables » de PSA, les fournisseurs du Groupe s’engagent à respecter les standards sociaux décrits dans l’Accord-Cadre Mondial.

Le Groupe PSA dispose ainsi d’un cadre adapté pour mettre en œuvre de façon efficiente et transparente les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux Droits de l’homme ( Ruggie Principles ) et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.

Porter la politique RH au niveau mondial

La deuxième partie de l’accord ajoute une ambition pour déployer internationalement une politique RH qui développe les talents et les compétences, la qualité de vie et le bien-être au travail, dans le respect de la diversité et de l’égalité de traitement. En outre, l’accord renforce la dimension mondiale du comité de Groupe et sa vocation à partager les enjeux économiques et sociaux à l’échelle mondiale.

L’accord-cadre mondial répond ainsi à un contexte concurrentiel et mondialisé où le Groupe est en recherche permanente de solutions pour obtenir le meilleur équilibre entre performance de l’entreprise, sécurisation de l’emploi et bien-être des salariés. C’est cette voie de la co-construction par le dialogue social que le Groupe PSA a choisie pour mener ses transformations.

Un suivi d’application qui permet au Groupe PSA d’exercer sa vigilance

L’Accord-Cadre Mondial de PSA est traduit en 14 langues, afin que tous les salariés du Groupe puissent en prendre connaissance. Une communication est faite régulièrement auprès de l’ensemble des salariés. Le texte de l’accord est public et accessible sur le site web

Le Groupe PSA réalise en permanence un suivi et une évaluation de l’application de cet accord grâce à un dispositif structuré qui implique chaque filiale.

Pour concrétiser l’application de cet accord, chaque filiale définit chaque année ses priorités et ses plans d’action pour progresser dans sa prise en compte des engagements de l’accord. 141 plans d’action ont ainsi été définis en 2017 dans les 52 sociétés du Groupe, réparties dans 23 pays, sur quatre continents. Une auto-évaluation de l’application de l’accord est réalisée tous les trois ans, associant chaque filiale et les organisations syndicales. Les organisations syndicales et instances représentatives du personnel ainsi impliquées lors de la dernière évaluation triennale en 2015 ont témoigné, à hauteur de 85 %, d’un progrès dans l’application des engagements RSE de l’accord.

De leur côté, IndustriALL et l’ensemble des organisations syndicales exercent une vigilance continue et ont la possibilité de signaler les non-conformités, leur avis étant régulièrement sollicité sur l’application des engagements de l’accord.

Cet accord est important et engageant pour le Groupe PSA. Lors de la négociation de l’accord signé en 2017, les parties ont convenu de préciser les modalités de règlement des litiges, c’est-à-dire comment traiter les recours et réclamations exprimés en application de l’accord et, lorsque c’est chez un fournisseur qu’une réclamation est signalée, assurer une diligence raisonnable vis-à-vis du fournisseur en question. Avec l’objectif conjoint de placer le dialogue comme priorité, les parties signataires se sont engagées à s’informer le plus tôt possible, afin de coopérer à la recherche d’une résolution amiable dans un délai raisonnable.

À l’issue du suivi d’application mené dans chaque pays, un suivi d’application mondial est réalisé chaque année par le Comité de Groupe réuni en formation mondiale, en présence d’IndustriALL. Ce suivi d’application en Comité Mondial offre également une opportunité d’associer les partenaires sociaux aux enjeux RSE du Groupe et de construire un utile dialogue multi-parties prenantes.

Des accords-cadres mondiaux pour promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs à travers le monde – POINT DE VUE

Kemal Özkan, Secrétaire général adjoint, IndustriALL Global Union

La mondialisation de l’économie et l’internationalisation des entreprises ont entrainé de profondes mutations dans l’organisation de la production et les relations sociales. Les accords-cadres mondiaux (ACM) répondent à un besoin de réguler les activités de ces entreprises et de promouvoir les droits des salariés qu’elles emploient partout dans le monde. Ces accords constituent un axe majeur du Plan d’Action d’IndustriALL Global Union.

À la question « Les firmes peuvent-elles s’autoréguler en matière sociale ? » , les faits nous conduisent à répondre « non » lorsqu’elles le font de manière unilatérale. Face aux pressions extérieures, de nombreuses entreprises se sont dotées de codes de conduite et/ ou de codes éthiques, rédigés par elles-mêmes et sans aucun mécanisme de contrôle de leur mise en œuvre. Certaines d’entre elles sont, certes, plus responsables que d’autres dans leur comportement et leurs pratiques, mais ces engagements unilatéraux que sont les codes procèdent la plupart du temps d’une stratégie de relations publiques, sans réel souci de vigilance sur le respect des droits sociaux fondamentaux, en particulier des conventions de l’OIT relatives aux libertés syndicales. De grandes entreprises qui ont adhéré au Pacte mondial (Global Compact) des Nations unies violent impunément le droit d’association et de négociation collective, qui sont des droits de l’homme au travail indissociables de la démocratie et sont ancrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de cette même organisation. En fait, l’autorégulation émanant des entreprises seules a souvent montré ses failles et ses limites.

À la différence des codes de conduite, les ACM sont le résultat d’une négociation au niveau mondial. Nos organisations affiliées nous ont donné un mandat pour négocier et signer ces accords. IndustriALL Global Union a donc la légitimité nécessaire pour le faire. Lors de la négociation d’un accord, nos affiliées concernées sont néanmoins informées et consultées à chaque étape du processus. Les comités d’entreprise européens n’ont pas de mandat en la matière, même si, dans les faits, ils participent sous une forme ou une autre à ces négociations.

Le contenu de ces accords est aujourd’hui effectivement plus dense et plus diversifié que par le passé. Ils incluent de nouvelles thématiques, comme le développement durable, le changement climatique ou le numérique. Cela répond aux préoccupations et demandes exprimées par nos organisations affiliées et à l’évolution du monde du travail de façon plus générale. Les nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés sur le lieu de travail nous poussent à revoir et à remettre à jour nos lignes directrices pour les ACM. Toutefois il est clair que, pour nous, le respect et la promotion des normes fondamentales du travail de l’OIT et, en premier lieu, le respect du droit d’association et de négociation collective restent la substance même et constituent le noyau dur de ces accords. Sans organisation syndicale représentative en capacité de négocier des conditions de travail décentes et de faire valoir les droits des salariés sur le terrain, ces accords resteront sans aucun effet. Les accords-cadres mondiaux ne concernent pas seulement la société mère et ses filiales. Ils couvrent également la chaîne d’approvisionnement, même si les fournisseurs et sous-traitants n’en sont pas signataires. L’incorporation dans nos accords d’une clause concernant la chaîne d’approvisionnement est fondamentale et ce, pour deux raisons : d’abord, parce que les fournisseurs et sous-traitants jouent un rôle prépondérant dans tout le processus de production. Le secteur de l’automobile en est un exemple. Avec l’externalisation des tâches, la part des équipementiers et des sous-traitants dans la valeur de la fabrication d’un véhicule dépasse 70 %, les 30 % restants correspondant au travail d’assemblage. Ensuite, parce que c’est très souvent à ce niveau-là que se produisent les pires infractions aux normes fondamentales du travail. Il suffit de prendre le textile, un secteur à forte densité de main-d’œuvre, particulièrement touché par les abus en la matière et qui a connu de nombreux scandales comme celui du Rana Plaza en 2013.

D’o ù la nécessité pour IndustriALL Global Union d’un engagement clair et ferme de la part de l’entreprise, demandant à ses fournisseurs et sous-traitants de respecter ces normes et que ces derniers aient, à leur tour, les mêmes exigences vis-à-vis de leurs propres partenaires commerciaux. Les accords précisent aussi que la non-conformité avec les normes du travail peut mener à une rupture du contrat avec le sous-traitant ou le fournisseur concerné. Mais soyons clairs : notre but n’est pas d’exclure, ce qui irait à l’encontre des intérêts des salariés. Nous nous situons dans une perspective de progrès. L’objectif est que, à travers des processus spécifiques, tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement respectent ces normes et participent ainsi à une harmonisation vers le haut des conditions de travail. De façon générale, nous privilégions la voie du dialogue pour résoudre les problèmes pouvant survenir. Sans méconnaître les difficultés, l’application d’un accord est, pour nous, moins « tributaire de la conjoncture socio-économique spécifique » de l’entreprise que de la volonté de sa direction de le mettre en œuvre. Même un changement des orientations stratégiques du niveau « corporate » ne peut justifier une remise en cause ou un affaiblissement des engagements pris dans le domaine des droits fondamentaux au travail. Le respect de ces droits n’est pas une question de priorités qui fluctueraient en fonction de la conjoncture ou des dirigeants des entreprises. Par ailleurs, nous insistons pour inscrire dans les accords la primauté des normes internationales du travail de l’OIT sur la législation nationale, lorsque cette dernière est moins favorable pour les salariés. D’ailleurs, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail stipule que les États membres, du seul fait de leur adhésion à cette organisation, ont l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser ces droits et principes.

Les ACM sont un outil de développement du dialogue social à tous les niveaux. Ils ont permis de faire progresser les droits fondamentaux au travail dans des entreprises et leur chaîne d’approvisionnement. Toutefois l’expérience sur le terrain nous montre qu’ils sont encore mal connus et insuffisamment utilisés. Il est fondamental que tous les salariés des entreprises qui ont signé ces accords et les salariés de leurs fournisseurs et sous-traitants se les approprient et les fassent vivre. Pour cela, l’information et la formation sont indispensables à tous les niveaux et plus d’efforts doivent être faits dans ce sens. Nous y contribuons aux côtés de nos organisations affiliées qui ont un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre des accords et leur suivi.

La loi française relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, qui s’inspire en partie des Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’Homme, est une avancée importante et un levier pour renforcer le dialogue en matière de responsabilité sociale des entreprises. Elle l’est d’autant plus qu’elle inclut les fournisseurs et sous-traitants dans son champ d’application. Nous y faisons référence dans nos projets d’accord-cadre en cours de négociation avec d es entreprises françaises. Cette loi va donner une nouvelle dimension aux accords-cadres mondiaux qui sont appelés à se développer à l’avenir.

Accords d’entreprise transnationaux : un changement de paradigme – POINT DE VUE

André Gauron, Économiste, membre de Lasaire

Les accords d’entreprise transnationaux constituent un sujet à la fois peu connu et peu exploré. La publication de la Fabrique de l’industrie, qui fait suite au travail remarquable de Mathilde Frapard, est donc bienvenue. Bien qu’encore peu nombreux, ces accords connaissent depuis trente ans une forte progression. Ils s’inscrivent au carrefour de deux interrogations : l’une sur la responsabilité sociale (et environnementale) des entreprises transnationales et l’autre sur le devenir, un siècle après la naissance de l’OIT, d’un cadre commun de régulation mondiale. Pour le mouvement syndical, l’enjeu n’est pas mince. Alors que des organisations syndicales, notamment internationales, sont parties prenantes de la négociation et de la signature d’accords d’entreprise au niveau mondial, les acteurs nationaux s’inquiètent de la tendance actuelle à la « privatisation » du droit social. L’objet du travail de Mathilde Frapard n’était pas de traiter cette ambivalence ; son intérêt est toutefois de la faire émerger.

Les accords d’entreprise transnationaux témoignent à la fois de la capacité à faire exister un dialogue social à l’échelle mondiale de l’entreprise et de la difficulté à asseoir ce dialogue sur un cadre public mondial. Cette contradiction tient avant tout au caractère inter-national (inter-étatique) du droit social international. Les conventions de l’OIT ne sont pas le fait d’accords entre organisations mondiales. Elles sont le produit d’accords entre des parties nationales, accords qui seront reconnus (ou non) pas les gouvernements des États. Le cas le plus emblématique est celui du travail des enfants. De nombreux États ne sont pas signataires des conventions de l’OIT qui fixent un âge minimum pour le travail des enfants, alors qu’une entreprise peut vouloir, pour des raisons éthique et d’image, exclure le travail des enfants dans ses usines partout dans le monde. De nombreux accords ont ainsi pour objet le respect des droits fondamentaux de l’OIT, ce qui revient à les imposer dans les entreprises de pays qui ne les reconnaissent pas. Alors que, dans les économies les moins développées, certains gouvernements y voient une forme de protectionnisme de la part des pays industrialisés, les entreprises signataires d’un accord d’entreprise trans- national démontrent qu’il n’en est rien. L’enjeu n’est plus seulement d’organiser une régulation au sein de l’ensemble des entités du groupe mondial. L’accord joue un rôle de vecteur de progrès social vis-à-vis des autres entreprises et des gouvernements. L’accord mondial d’entreprise supplée alors à l’extrême difficulté de faire respecter des droits reconnus par les conventions internationales auxquelles certains gouvernements se refusent de souscrire. Le droit « privé » mondial devance ici l’application du droit public international.

Cette ambivalence est au cœur de la mondialisation. Elle souligne le changement d’ordre juridique que constitue le passage de l’international au mondial. Plus qu’aucun autre, le droit social est un droit national, que des États peuvent éventuellement vouloir partager comme valeurs communes – c’est le cas des conventions sur les droits fondamentaux de l’OIT. La mondialisation exige un droit mondial qui traduise le fait que l’organisation de l’entreprise se pense désormais au niveau mondial et joue des différences de législations, avec ce que cela a de positif pour elle mais aussi de négatif pour les travailleurs et les sociétés. Un tel droit ne peut, en l’état actuel des choses, naître que comme droit privé. Il y a deux raisons à cela. En premier lieu, le fait que l’OIT appartienne à l’ancien monde, celui de l’ordre des États-nations, rend cette organisation difficilement capable de faire émerger un droit public mondial. En second, les organisations sociales nationales sont hésitantes à s’engager dans une régulation mondiale.

L’une des difficultés que rencontrent les accords d’entreprise transnationaux tient au décalage entre le niveau de la négociation – par nature mondiale ou transnationale – et celui de leur mise en œuvre – par nature nationale. Côté patronal, l’enjeu est celui de l’adhésion des responsables locaux à une négociation imposée par la direction du groupe et qui peut être en opposition avec les pratiques nationales ; côté syndical, l’enjeu porte sur l’articulation entre l’organisation mondiale qui négocie et les syndicats locaux qui sont plus ou moins associés à la négociation.

Lors de la douzième biennale organisée par Lasaire en octobre 2017 sur le thème « Anticipation, participation, intervention des travailleurs dans les mutations des entreprises », Anne-Marie Grozelier a insisté sur les conclusions tirées des séminaires préparatoires tenus à Madrid et Rome de « faciliter et renforcer la négociation au niveau pertinent, c’est-à-dire au niveau européen ». L’objectif serait que des « accords-cadres européens (ACE) puissent être négociés, et concerner non seulement les grandes entreprises, mais aussi les branches ». Vu la part prépondérante d’accords ayant pour origine une entreprise européenne, une initiative de la Commission européenne sur ce point se justifierait pleinement. Celle-ci pourrait constituer la base juridique qui fait aujourd’hui défaut à de tels accords. Malheureusement, comme l’observe Mathilde Frapard, si les syndicats européens y sont favorables, Business Europe qui représente le patronat européen, l’est beaucoup moins. Ce serait pourtant une bonne façon de faire progresser l’Europe sociale. En se concentrant sur la pratique des entreprises dans la mise au point des accords et en fournissant des repères aux acteurs sociaux, son travail peut y contribuer en faisant mieux comprendre le changement de paradigme que constituent les accords mondiaux et leur contribution à une mondialisation plus sociale, et donc mieux acceptée.

« Pour encadrer et réguler la mondialisation de l’économie et des échanges, la communauté internationale ne peut plus s’en remettre exclusivement aux gouvernements. » – POINT DE VUE

Cyril Cosme, Directeur de l’Organisation Internationale du Travail en France

Nous devons sans doute l’émergence des accords mondiaux d’entreprise à l’initiative d’entrepreneurs visionnaires, attentifs à leur responsabilité sociale et soucieux d’inscrire leur projet entrepreneurial dans une vision globale de la contribution de l’entreprise à son environnement et à la société. Antoine Riboud, alors PDG de BSN (aujourd’hui Danone), a signé en 1988 le premier accord conclu entre une entreprise et un syndicat international (UITA, secteur agro-alimentaire).

Les accords mondiaux d’entreprise sont cependant sortis de cette phase qu’on pourrait qualifier de pionnière. Sans paraître en mésestimer l’importance, les accords mondiaux, plus de 300 aujourd’hui, ne se limitent plus à la question des droits fondamentaux des travailleurs, ni à la création d’un cadre de dialogue transnational avec des représentants syndicaux. Ces accords comportent des dispositions de plus en plus précises, à l’origine d’ engagements concrets de l’entreprise quant à sa politique de ressources humaines (santé au travail, égalité de traitement, notamment) et quant à la reconnaissance du rôle des représentants des travailleurs et des syndicats internationaux dans le suivi des engagements et la résolution des différends.

Le grand mérite des travaux conduits par Mathilde Frapard est de contribuer à mieux faire connaître ces accords, souvent appelés par la doctrine des « objets juridiques non identifiés ». Le fait que les incertitudes juridiques et institutionnelles entourant ces accords n’aient pas entravé leur développement depuis 30 ans n’est pas l’aspect le moins remarquable ni le moins intéressant de ces manifestations du dialogue social transnational, sans doute parmi les plus abouties.

Même si ces accords correspondent à une pratique encore minoritaire à l’échelle mondiale et demeurent essentiellement le fait d’entreprises d’origine européenne, ils doivent être regardés moins comme l’expression, à l’échelle d’une entreprise mondiale , de la culture de dialogue social propre à certains pays, que comme la réponse à des besoins objectifs d’entreprises en voie d’internationalisation.

Parmi ces besoins, il y a bien sûr pour de telles entreprises la volonté de forger une identité et une « marque employeur » à l’international, en posant les grandes caractéristiques d’une politique de groupe en matière de ressources humaines. Cette identité peut concourir à créer un avantage concurrentiel. Il y a aussi la volonté de prévenir les risques pesant sur la santé des travailleurs, à travers des règles communes au groupe, ou encore la préoccupation de mieux contrôler la chaîne d’approvisionnement et les conditions de travail chez les sous-traitants et les fournisseurs, pour maintenir la réputation de l’entreprise et s’acquitter des obligations de « vigilance » qui font aujourd’hui en France l’objet d’un nouveau cadre législatif.

Les accords mondiaux visent donc pour les entreprises à déterminer un cadre par lequel traiter par le dialogue social les conséquences de la mondialisation de leurs activités et de leur organisation. Pourquoi le choix du dialogue social ? La question des valeurs est souvent avancée, et elle est sans doute importante pour des dirigeants d’entreprise. Mais il y a aussi très vraisemblablement un choix d’efficacité. Par ces accords, les entreprises concernées estiment qu’elles parviennent mieux à atteindre leurs objectifs que par la voie unilatérale.

Pour les organisations syndicales internationales, ces accords représentent un moyen d’élaborer et de défendre des revendications globales, de renforcer leur présence au sein du groupe et de ses filiales, de se poser en interlocuteur du management central des multinationales, souvent aux côtés d’instances de représentation transnationale des travailleurs de l’entreprise.

Ces accords mondiaux relèvent aussi d’un enjeu de gouvernance des relations économiques et sociales mondiales. Les entreprises multinationales sont en effet devenues les acteurs moteurs de la mondialisation. Leurs décisions en matière d’investissement, d’implantation et d’approvisionnement façonnent les réseaux de production et les chaînes de valeur, qui s’étendent sur tous les continents. Depuis les années 1980, la croissance du commerce international a dépassé le rythme de la croissance économique mondiale, renforçant ainsi l’ouverture des économies. 80 % du commerce international concernent des échanges au sein des chaînes de production de biens et de services (consommations intermédiaires) et ces chaînes représentent un emploi sur cinq dans le monde.

Pour encadrer et réguler la mondialisation de l’économie et des échanges, et en particulier rendre effectives les normes de l’OIT, la communauté internationale ne peut plus s’en remettre exclusivement aux gouvernements. Les initiatives que les acteurs économiques et sociaux développent sur une base volontaire ont un rôle à jouer . Cette Note aborde cette question, en soulignant que « les accords d’entreprise transnationaux ne font qu’élargir le champ d’application de ces droits sociaux fondamentaux et étendre leur portée au-delà des États qui en sont initialement destinataires » . Elle indique ainsi avec justesse les opportunités que représentent ces accords du point de vue de l’effectivité des normes internationales du travail.

L’OIT, organisation internationale tripartite, partie intégrante des Nations unies, en charge de la promotion du dialogue social depuis bientôt un siècle, ne peut se désintéresser des accords mondiaux d’entreprise. La promotion du dialogue social s’appuie sur un certain nombre de normes internationales, en particulier les deux conventions fondamentales relatives à la liberté syndicale et la protection du droit syndical (C87) et au droit d’organisation et de négociation collective (C98). Ces conventions sont juridiquement opposables dans tous les pays qui les ont ratifiées.

Mais au-delà des mécanismes classiques (et essentiels) du droit international public reposant sur les gouvernements, le dialogue social et les principes qui le soutiennent peuvent précisément être renforcés par des instruments négociés par les acteurs sociaux eux-mêmes au plan international. Les normes de l’OIT contribuent ainsi à structurer ces accords et leur suivi, et en retour, les accords mondiaux peuvent améliorer l’effectivité de nos conventions fondamentales.

Enfin avec l’expérience de près de 30 ans de mise en œuvre de ces accords mondiaux, ce travail indique quelques perspectives quant au rôle de l’OIT vis-à-vis des acteurs, qu’il s’agisse de leur accompagnement dans les processus de négociation, de signature ou de mise en œuvre des accords ou qu’il s’agisse de médiation en cas de litige ou de différend. La question est à l’ordre du jour de l’OIT depuis 2016. La recherche académique sur la question des accords mondiaux peut donc utilement alimenter les débats tripartites au niveau de l’OIT, qui sont en cours.

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ISBN : 978 -2-35671-521-0
ISSN : 2495-1706

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