Ajustement carbone aux frontières – risques et opportunités pour l’industrie européenne

Ajustement carbone aux frontières – risques et opportunités pour l’industrie européenne

 

Résumé

L’engagement de l’Union européenne (UE) à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 implique un prix des émissions de carbone stable et à un niveau suffisamment élevé. La révision du marché européen du carbone (Système d’Échange de Quotas d’Émission, ou SEQE) qui s’ensuit entraînera un renforcement des objectifs de réduction des émissions de CO2 et une diminution du volume des quotas gratuits d’émission accordés à l’industrie. Ces évolutions engendrent un risque de fuite de carbone pour plusieurs secteurs industriels fortement consommateurs d’énergie en Europe. C’est dans cette perspective que la Commission européenne a réintroduit l’idée d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), discutée dès 2009 lors du processus législatif relatif à la directive européenne de révision du SEQE comme une alternative à l’introduction de quotas gratuits d’émission. Ces derniers ont finalement semblé plus simples à mettre en œuvre.

A l’automne dernier, avant le rapport d’analyse d’impact, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur ce mécanisme, sur la base de quatre scénarios possibles et de leurs modalités d’implémentation. Chacun des quatre scénarios MACF soulève différentes questions en termes de faisabilité juridique et d’applicabilité administrative.

Le premier scénario consiste à introduire une taxe basée sur le contenu en carbone des produits importés. Cela nécessiterait l’accord unanime des États membres et pourrait affecter les barèmes douaniers adoptés dans le cadre des accords commerciaux.

Un deuxième scénario consiste à étendre le SEQE aux importations. Les importateurs vers l’UE seraient tenus d’acquérir des quotas d’émission sur le marché carbone européen en fonction du contenu en carbone de leurs produits, payant ainsi le prix établi par le SEQE.

Un troisième scénario consiste à mettre en place un système de quotas différent pour les importations, en parallèle du SEQE. Il serait basé sur les mêmes principes, mais ces nouveaux quotas ne seraient ni échangeables ni fongibles avec les quotas actuels du SEQE, afin de ne pas modifier sa structure et son équilibre interne.

Enfin, le quatrième scénario consiste à instaurer une taxe carbone à la consommation. Cet instrument pourrait sembler assez simple à première vue. Toutefois, afin d’éviter une double tarification du carbone sur les produits européens, cette nouvelle taxe devrait s’articuler avec le système de tarification du carbone en vigueur et avec les instruments existants visant à limiter les fuites de carbone. Cette option nécessiterait également l’accord unanime des États membres.

Ce document vise à décrire les conséquences possibles de ces scénarios sur les secteurs manufacturiers et à expliquer leurs réponses à la consultation de la Commission. En effet, alors qu’il est communément admis que le mécanisme devrait protéger les entreprises européennes d’un «dumping climatique», notre analyse montre que la mise en place d’un MACF peine à susciter le soutien de tous les secteurs industriels. Grâce à une analyse approfondie, complète et systématique d’environ 200 réponses de représentants de l’industrie et d’entreprises industrielles à la consultation de la Commission européenne, ainsi que de nombreux entretiens avec les parties prenantes, nous expliquons ce paradoxe apparent.

Dans l’ensemble, les entreprises et fédérations professionnelles conviennent de la nécessité de traiter le risque de fuite de carbone, mais divergent sur la manière d’atteindre cet objectif. En particulier, les conséquences découlant de chaque scénario et configuration sont encore peu comprises. Bien que les paramètres exacts de la future mesure ne soient pas encore connus, les porte-parole de l’industrie trouvent un terrain d’entente dans le questionnement de l’efficacité d’un MACF et expriment leur crainte de ne plus bénéficier des quotas gratuits au risque d’une protection moins efficace contre les fuites de carbone – ainsi que leur crainte d’éventuelles représailles commerciales de la part des partenaires commerciaux si la décision de l’UE était prise unilatéralement.

Jusqu’à présent, les quotas gratuits ont fait partie intégrante des plans d’investissement des industriels et ont significativement aidé les entreprises à rester compétitives et certains secteurs à augmenter leurs profits (CE Delft, 2021), alors que les émissions de gaz à effet de serre ont diminué. Les sites de production concernés par le SEQE ont réduit leurs émissions d’environ 35 % entre 2005 et 2019 (Commission européenne, 2021). Le SEQE permet aux entreprises de planifier leurs investissements dans les technologies de décarbonation avec une certaine prévisibilité. Par conséquent, il n’est pas surprenant que l’introduction d’un MACF soit perçue comme potentiellement déstabilisante si elle s’accompagne d’une suppression accélérée des quotas gratuits et d’un certain nombre d’inconnues.

Le rapport du Parlement européen a récemment conclu que les modalités de fonctionnement d’un MACF devraient être étudiées parallèlement à la révision du SEQE, afin de garantir la complémentarité et la cohérence des deux instruments et d’éviter une « double protection » des industries européennes. Les mesures qui seront présentées en juillet 2021 devraient donc clarifier la manière dont ces deux instruments contribueront à atteindre les objectifs climatiques.

Un MACF est un outil permettant d’atteindre la neutralité carbone tout en préservant la compétitivité des entreprises industrielles. Toutefois, pour être compatible avec les règles de l’OMC, il doit, sans ambiguïté, poursuivre un objectif environnemental.

Néanmoins, sa faisabilité dépend non seulement des bénéfices environnementaux qui l’accompagnent, mais aussi de ses effets sur la compétitivité et de sa faisabilité politique et diplomatique. Ces effets seront principalement déterminés par huit paramètres de fonctionnement plus fins, quel que soit le scénario choisi : couverture des flux commerciaux, champ d’application géographique, périmètre sectoriel, couverture des émissions, méthode de détermination du contenu en carbone, prise en compte des politiques étrangères de taxation du carbone, utilisation des recettes du MACF et couverture des produits primaires et finis. Ces paramètres de fonctionnement auront également des répercussions différentes sur les secteurs industriels, en fonction de l’intensité de leurs émissions, ainsi que de la complexité et de la vulnérabilité des chaînes de valeur concernées, et de leur exposition à la concurrence internationale.

Au-delà des préoccupations exprimées par certains secteurs, il semble néanmoins important pour les parties prenantes de l’industrie d’être impliquées dans ce processus dès ses débuts, notamment en participant à la phase pilote. Cela permettrait de s’assurer que l’option retenue par la Commission européenne est efficace pour favoriser la décarbonation de l’industrie tout en reflétant de façon appropriée les besoins et les contraintes de chaque secteur.

Avant-propos

Ce document est établi sur la base des avis exprimés dans le cadre de la consultation publique menée par la Commission européenne entre juillet et octobre 2020 et sur la base d’entretiens réalisés auprès de fédérations et d’entreprises industrielles du 16 mars au 10 juin 2021. Ceci ne présume pas des positions officielles tenues par les Etats membres et les fédérations dans leurs correspondances officielles avec la Commission européenne durant les toutes dernières phases des négociations.

Introduction

L’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour s’aligner sur l’objectif de l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique entre 1,5 et 2°C. Elle a récemment revu ses ambitions à la hausse et prévoit désormais de réduire de 55 % ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990 (au lieu de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre précédemment).

Atteindre cet objectif nécessitera probablement d’augmenter le prix du carbone au travers de différents mécanismes : par exemple, le prix du quota dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE) pourrait atteindre 76 € par tonne d’équivalent carbone en 2030 (alors qu’il était autour de 50 € la tonne en mai 2020) selon le Center for Climate and Energy Analyses (2020). Il n’existe néanmoins toujours pas d’accord international sur le coût des émissions de CO2 et le niveau d’engagement des pays à réduire leurs émissions est inégal – seuls 58 pays ont fait part d’un objectif de neutralité parmi les 183 Parties qui ont signé l’Accord de Paris (Climate Watch, 2021). Par conséquent, l’asymétrie des ambitions et des efforts en matière de climat dans le monde continue, renforçant le risque de fuite de carbone.

Les fuites de carbone correspondent au déplacement d’une partie de la production européenne dans des pays tiers où les contraintes en matière d’émissions sont moindres ou nulles. Un tel transfert entraîne souvent une augmentation des émissions mondiales de carbone et une diminution des bénéfices environnementaux découlant des efforts européens. Les mesures mises en place jusqu’à présent dans le cadre du SEQE – à savoir la mise en place de quotas gratuits et la compensation des coûts indirects du carbone pour les secteurs à risque – ont contribué à limiter les fuites de carbone au cours des deux premières phases du SEQE (de 2005 à 2012). Toutefois, dans un contexte d’augmentation du prix du carbone en Europe, par rapport aux producteurs étrangers, ces mesures pourraient ne pas être suffisantes. En effet, le plafond d’émission étant voué à diminuer au cours des prochaines années, le nombre de quotas gratuits diminuera également.

Un Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) est l’une des solutions possibles à ce problème, pour laquelle une proposition sera présentée par la Commission européenne en juillet 2021. Cela consiste à appliquer un prix aux produits importés en fonction de leur contenu en carbone et de la différence de prix du carbone entre l’Union européenne et le pays d’origine. Un MACF met donc sur un pied d’égalité les producteurs de l’UE et les producteurs tiers, de sorte que le même prix soit payé pour une quantité de carbone donnée, émise en Europe ou ailleurs.

Le MACF apparaît donc comme une solution prometteuse à bien des égards. D’un point de vue environnemental, ce mécanisme contribue à atteindre l’objectif européen de neutralité carbone. En outre, il incite les pays tiers à mettre en place des politiques climatiques et contribue ainsi à réduire les émissions mondiales. D’un point de vue économique, il résout la distorsion de compétitivité qui pèse sur les producteurs européens générée par des politiques climatiques asymétriques et à une tarification différentiée du carbone.

Cependant, notre analyse montre qu’à ce stade, les acteurs industriels n’adhèrent pas pleinement à la mise en place d’un MACF et à ses modalités. L’analyse des interrogations soulevées par les différents secteurs industriels permet d’éclairer les raisons de cet apparent paradoxe.

Premièrement, bien que la mise en place du MACF ait déjà été envisagée en 2009 comme alternative aux quotas gratuits dans le cadre du SEQE1 , cette proposition n’a jamais été examinée plus en détail. Au cours des différentes étapes de la consultation des parties prenantes, les acteurs industriels ont dû se prononcer sur quatre options encore en discussion. Il semble alors difficile pour les producteurs industriels de soutenir pleinement un mécanisme qui affectera leur visibilité à long terme au moment où ils entreprennent d’importants investissements de décarbonation, d’autant plus si celui-ci remet en cause l’allocation de quotas gratuits, qui est un paramètre clé de leurs plans d’investissement.

Deuxièmement, quel que soit le scénario retenu, ce sont la définition précise des caractéristiques du MACF et son champ d’application qui semblent les plus débattus. Ces paramètres de fonctionnement peuvent avoir des effets variables sur les différents secteurs. C’est la raison pour laquelle chaque secteur exprime une opinion spécifique sur la configuration du MACF.

En clair, dans ce contexte incertain, le statu quo apparaît comme l’un des consensus les plus faciles à trouver parmi les acteurs de l’industrie. Toute autre option nécessite des compromis, ainsi qu’une lourde charge de travail.

Avec cette analyse, nous avons cherché à rendre un peu plus accessible ce sujet très complexe auprès des acteurs publics et privés et du grand public, parfois au prix de certaines simplifications. Notre étude se base sur une analyse originale des données de la consultation européenne et sur des entretiens menés avec les parties prenantes de l’industrie. Il s’agit d’un document de travail qui permettra, grâce aux réactions obtenues, d’alimenter une deuxième publication plus approfondie qui sera publiée à l’automne, à la suite des annonces de la Commission européenne.

La première section détaille le contexte dans lequel le MACF sera mis en place et les défis qu’il devra relever, ainsi que les scénarios mentionnés jusqu’à présent par la Commission européenne. La deuxième section met en évidence l’importance de l’analyse sectorielle dans l’élaboration d’un MACF. La troisième section examine les modalités du MACF qui détermineront son efficacité et les préférences exprimées par les secteurs industriels à leur égard.

Un objectif environnemental et de multiples défis

L’idée d’un MACF n’est pas récente et a été discutée lors de phases antérieures du SEQE. Cependant, cette mesure complexe s’est toujours heurtée à une potentielle incompatibilité avec les règles de l’OMC. Par conséquent, l’un des principaux défis pour la Commission européenne est avant tout de configurer un mécanisme ayant un objectif clairement identifiable : accélérer la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la décarbonation, dans des conditions équitables. La Commission est cependant confrontée à d’autres défis, notamment celui de trouver un équilibre entre la couverture des émissions et les contraintes administratives pesant sur les producteurs européens et les importateurs.

Défis juridiques, techniques et politiques

Compatibilité avec l’OMC

La principale contrainte juridique qui pèse sur le MACF est sa compatibilité avec les règlementations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces dernières consistent principalement à interdire tout traitement différentiel entre des produits similaires provenant de régions différentes ainsi qu’entre la production européenne et la production importée. Cela signifie qu’une quantité de carbone donnée doit être facturée au même prix pour des produits comparables et qu’il n’est pas possible d’appliquer une charge différenciée à des importations équivalentes.

La mesure pourrait entrer dans le champ d’application de l’article XX du GATT – précisant la liste des exemptions au nom de la protection de l’environnement – s’il était prouvé que le mécanisme vise à lutter contre le changement climatique plutôt qu’à introduire des mesures protectionnistes. Une différenciation des produits basée sur leur contenu en carbone pourrait ensuite être introduite. La quantité d’émissions de carbone évitées dépendra toutefois des paramètres de l’instrument.

Mesure du contenu en carbone

En théorie, l’ajustement carbone aux frontières vise à traiter de manière identique les importateurs et les producteurs européens, afin qu’ils paient le même prix pour une quantité de carbone donnée, émise en Europe ou dans le pays d’origine du produit importé. Elle repose sur le calcul du contenu en carbone des produits importés auquel est appliquée la différence de prix du carbone entre l’Europe et le pays d’origine. Cette différence dépend du pays d’origine et peut varier au fil du temps. De plus, le contenu en carbone précis des produits peut être difficile à calculer si leur production repose sur des processus complexes, fragmentés en plusieurs étapes et répartis dans de nombreux pays. Ce calcul dépend également du type d’émissions prises en compte : les émissions directes uniquement, ou les émissions directes et indirectes – qui proviennent de l’électricité utilisée, et de la production d’intrants intermédiaires. On note que le contenu en carbone des matières primaires concernées par les normes ISO 14060 et le SEQE, telles que le ciment et l’acier, est déjà connu.

La charge administrative incomberait alors en partie aux producteurs, qui seraient responsables de la mise en place des outils nécessaires à la mesure et à la déclaration des émissions. Il y a donc un compromis à trouver entre le bénéfice environnemental et la faisabilité administrative.

Contraintes politiques

Enfin, la procédure d’adoption par les États membres de l’UE dépendra du type d’instrument choisi. À titre d’exemple, alors qu’une taxe nécessite l’accord unanime de tous les États membres, l’approbation d’un droit de douane dépend d’un processus de codécision impliquant le Parlement européen et le Conseil européen.

Quatre scénarios principaux et huit paramètres de réglage

Pour relever ces défis, la Commission européenne a proposé quatre mécanismes :

i Une taxe à la frontière sur les produits importés.
Cela nécessiterait l’accord unanime des États membres, et pourrait potentiellement affecter les tarifs douaniers adoptés par l’UE dans le cadre d’accords commerciaux internationaux, régionaux et bilatéraux, dont près de 70 sont actuellement en vigueur.

ii Une extension du SEQE.
Les importateurs vers l’UE seraient tenus d’acquérir des quotas d’émission sur le marché carbone européen en fonction du contenu en carbone de leurs produits. Leur prix serait établi par le SEQE : les importateurs seraient ainsi assurés de payer le même prix que les producteurs européens, conformément au principe de non-discrimination de l’OMC. Ce scénario pourrait toutefois impliquer des défis techniques et juridiques supplémentaires, tels que garantir la stabilité des prix après une augmentation soudaine du plafond d’émissions.

iii Un système de quotas parallèle ou en miroir du SEQE, c’est-à-dire un système spécifique pour les produits importés.
Il serait basé sur les mêmes principes, mais ces nouveaux quotas ne seraient ni échangeables ni fongibles avec les quotas actuels du SEQE, afin de ne pas modifier sa structure et son équilibre interne. Cette option, soutenue par les autorités françaises, permettrait de respecter le principe de non-discrimination vis-à-vis des pays tiers, tout en étant relié avec le SEQE. Il reste cependant à déterminer si un plafond d’émissions décroissant serait appliqué aux importateurs et comment synchroniser le prix de ce marché parallèle avec celui du SEQE.

iv Une taxe sur la consommation de carbone.
Cela semble assez simple à première vue. Toutefois, cette nouvelle taxe devrait s’articuler avec le système de tarification du carbone en vigueur et avec les instruments existants visant à limiter les fuites de carbone – tels que les quotas gratuits – afin d’éviter une double tarification du carbone sur les produits européens. Cette option présente, comme les trois autres, certaines limites opérationnelles en ce qui concerne la traçabilité des émissions, d’autant plus complexe qu’elle implique toute la chaîne de valeur : il sera nécessaire de trouver un compromis entre contraintes administratives et efficacité environnementale. Enfin, l’acceptation sociale d’une taxe à la consommation pourrait être plus limitée que dans le cas d’un mécanisme ciblant directement les producteurs fortement émetteurs et les importateurs. Cette option nécessiterait également l’accord unanime des États membres.

Ces options soulèvent différentes questions de faisabilité juridique interne à l’UE et d’applicabilité technique et administrative. Elles doivent être étudiées en parallèle de la révision du SEQE afin de garantir leur complémentarité et leur cohérence et d’éviter une double protection des industries européennes. Le tableau 1 ci-dessous décrit les principaux avantages et inconvénients de chaque instrument.

Tableau 1. Comparaison des quatre mécanismes envisagés

Sources : Direction générale du Trésor (2021), Parlement européen (2021)

De plus, cet instrument doit être défini en fonction de plusieurs paramètres de fonctionnement qui font appel à diverses options. Le think tank European Roundtable on Climate Change and Sustainable Transition (ERCST) a proposé une classification en huit éléments de réglage : couverture des flux commerciaux, champ d’application géographique, périmètre sectoriel, périmètre des émissions, détermination du contenu en carbone, prise en compte des politiques étrangères et utilisation des recettes. Nous ajoutons un critère lié au type de produit : primaire ou fini.

L’instrument final pourrait également s’appuyer sur les exemptions au GATT spécifiées à l’article XX et devra s’articuler avec les mesures actuelles, à savoir le prix du carbone sur le SEQE, l’allocation de quotas gratuits et la compensation des coûts indirects du carbone. La question d’une exemption sur les exportations sera également traitée différemment s’il s’agit d’une taxe ou d’un marché du carbone par exemple.

Dans son rapport d’initiative adopté en mars 2021, le Parlement européen a exprimé son soutien à un mécanisme qui soit suffisamment flexible pour suivre le prix sur le SEQE tout en assurant un prix qui soit prévisible et peu volatil. La troisième option, à savoir la création d’une réserve de quotas différente, semble donc, selon ce rapport, la plus appropriée pour faire face au risque de fuite de carbone.

Les mesures de compensation en vigueur : élément clé pour comprendre les positions des industriels

En amont de la proposition d’un MACF, la Commission européenne a lancé une consultation publique de juillet à octobre 2020. Elle a reçu 617 réponses d’acteurs européens et non européens, dont 189 de la part d’entreprises et de fédérations industrielles2. L’analyse de ces réponses révèle que ce mécanisme peine à trouver le soutien total de l’industrie manufacturière et que le choix de l’instrument utilisé ne fait pas l’objet d’un consensus pour l’instant. Il est important de noter que les réponses à la consultation reflètent les positions des répondants à un moment donné ; il est entendu qu’ils cherchent à trouver un terrain d’entente. C’est d’autant plus vrai que les industriels ont été invités à se prononcer sur un mécanisme dont les modalités de mise en place restent floues, notamment en ce qui concerne le maintien ou non des quotas gratuits prévus par le SEQE pour les secteurs concernés par un MACF.

Préférences sectorielles pour les instruments

La controverse entourant le MACF à travers l’Europe a été présentée de nombreuses façons. Notre analyse montre que les réponses à la consultation de la Commission européenne suivent des schémas sectoriels. Nous avons en effet appliqué une méthode d’analyse factorielle de données3 à partir des réponses des acteurs industriels pour comprendre comment et pourquoi elles différaient. Les détails de cette analyse sont présentés en annexe.

Le premier résultat est que le secteur auquel les répondants appartiennent explique en partie leur position en faveur ou non de la mise en place d’un MACF. Les secteurs qui apparaissent dans la partie gauche du graphique se sont montrés particulièrement favorables à la mise en place d’une taxe appliquée à la frontière, ou à une extension du SEQE, ou encore à un SEQE parallèle4. Ils ont ainsi estimé que ces trois mécanismes seraient les plus efficaces pour éviter le risque de fuite de carbone. En revanche, plus ils se situent à droite du graphique, plus ils sont réticents à l’idée d’une taxe à la frontière ou d’une extension du SEQE. Plus généralement, ce graphique montre une répartition des secteurs entre ceux favorables à la mise en place d’un MACF à gauche (comme le secteur du ciment) et ceux opposés à la mise en place d’un MACF à droite (comme le secteur de l’aluminium).

Figure 1. Cartographie des secteurs en fonction de leurs préférences concernant l’instrument à utiliser et la méthode de vérification du contenu en carbone

Source : Consultation publique sur le MACF par la Commission européenne de juillet à octobre 2020

Le second résultat est que les répondants sont aussi répartis en fonction de leur préférence pour la méthode de certification des émissions de carbone. Par conséquent, les secteurs situés dans la partie inférieure du graphique seraient plus favorables à une auto-certification.

Sur la base des réponses données à la consultation publique, nous avons également examiné les préférences sectorielles exprimées à ce moment-là parmi les quatre instruments. Les répondants des secteurs de l’acier et de l’aluminium ont par exemple évalué différemment les instruments dans le questionnaire de la consultation. Alors que les acteurs du secteur de l’aluminium semblaient trouver une taxe à la frontière et une taxe à la consommation de carbone plus pertinentes, la taxe à la frontière était l’instrument le moins plébiscité par le secteur de l’acier. Par ailleurs, les répondants des secteurs électro-intensifs (à l’exception du secteur de l’acier) semblent opter pour une taxe à la frontière.

Figure 2. Préférences de certains secteurs manufacturiers électro-intensifs pour les différents scénarios

Note de lecture : Pour chacune des options, les répondants pouvaient indiquer s’ils estimaient une option « non pertinente » , « pertinente » ou « très pertinente » , indépendamment des autres options.
Source : Consultation publique sur le MACF lancée par la Commission européenne entre juillet et octobre 2020.

Plusieurs risques ont été soulevés par les parties prenantes de l’industrie

Les résultats ci-dessus, obtenus lors de la consultation publique, ont été complétés par des entretiens avec des entreprises et des fédérations industrielles afin de comprendre leur position et d’expliquer leurs préférences. Un résultat important émanant de ces entretiens est que les préférences des secteurs industriels parmi les quatre instruments ne sont pas basées sur leurs propres spécificités ni sur les caractéristiques de leur chaîne de valeur mais plutôt sur des considérations administratives et juridiques.

Premièrement, la question de la suppression ou non des quotas gratuits pour les produits couverts par un MACF est un élément central déterminant la position des industriels. La Commission européenne n’a pas encore communiqué sur la disparition progressive des quotas gratuits pendant la mise en place du MACF5. Il reste cependant clair que conformément à la révision du SEQE, une diminution des quotas gratuits est à prévoir en raison d’une réduction du plafond et des nouvelles règles de calcul du référentiel des émissions.

Deux positions semblent se démarquer. Certains acteurs industriels sont favorables à un MACF qui viendrait en complément de l’allocation de quotas gratuits, sans double protection. Ils considèrent qu’il est juridiquement possible de conserver les quotas gratuits et de mettre en place un MACF pour les secteurs couverts.

D’autres restent opposés à un MACF et préfèrent conserver le système d’allocation de quotas gratuits car il a contribué à limiter le risque de fuite de carbone et à préserver leur compétitivité au cours des deux premières phases du SEQE (Glachant & Mini, 2020). Ils estiment que les incertitudes sur le fonctionnement du MACF et son efficacité dans la lutte contre les fuites de carbone sont encore trop importantes. Par exemple, un MACF portant uniquement sur les importations ne constituerait pas une solution à l’impact d’une augmentation du prix du carbone sur leurs exportations et affaiblirait leur compétitivité sur les marchés étrangers. Au contraire, ils affirment avoir besoin d’une visibilité à long-terme pour entreprendre des investissements importants dans des technologies bas carbone – visibilité qui serait remise en question si le MACF s’avérait être une alternative plutôt qu’une mesure complémentaire des mesures de protection contre les fuites de carbone en vigueur. Ces industriels sont également favorables au maintien de la compensation des coûts indirects du carbone, dans un contexte d’augmentation de leurs coûts d’électricité liée à l’électrification de leur production nécessaire à l’atteinte de leur objectif de décarbonation.

Mesures de compensation des coûts indirects du carbone sur le SEQE

Les coûts indirects du carbone correspondent au coût du contenu en carbone dans le prix de l’électricité payé par les industriels pour leur consommation d’énergie6. Les prix de l’électricité sur les marchés de gros sont déterminés par le coût variable de l’unité de production marginale. Ils comprennent une composante carbone qui résulte de la répercussion du prix du carbone suite à l’achat de quotas carbone par les producteurs d’électricité. Cette unité est souvent une centrale électrique au gaz ou au charbon qui définit le prix marginal sur le marché, selon l’ordre de mérite des centrales de production d’énergie disponibles pour répondre à la demande à chaque instant.

Les entreprises paient les coûts indirects du carbone liés à la centrale de production marginale, qui sont susceptibles d’augmenter en raison de l’augmentation du prix du carbone. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour les producteurs à forte intensité énergétique, car les coûts énergétiques représentent une part importante de leurs coûts de production. Il convient de noter que les coûts indirects du carbone payés par les producteurs ne correspondent pas exactement à leurs propres émissions indirectes, qui sont calculées sur la base du mix énergétique national.

Les lignes directrices du SEQE permettent aux États membres de compenser partiellement les coûts indirects du carbone des entreprises des secteurs à risque de fuite de carbone. Cette aide – provenant des recettes des quotas mis aux enchères – est limitée à 75 % des coûts indirects et ne couvre pas les technologies les moins efficaces. En contrepartie, les entreprises sont tenues de faire des efforts supplémentaires de décarbonation. Tous les États membres ne compensent pas leurs producteurs pour les coûts indirects du carbone.

Par ailleurs, le risque de représailles commerciales et la compatibilité de la mesure avec les règlementations de l’OMC sont d’autres préoccupations importantes. En effet, ce risque serait particulièrement élevé pour les secteurs pour lesquels des mesures de défense commerciale ont été mises en place par l’Union européenne à la suite de changements dans la concurrence (comme dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium). Dans ce cas, les industriels font état d’une préférence allant vers la conservation des mesures de compensation en vigueur.

Enfin, il existe un certain nombre de risques de contournement que nous aborderons plus loin (tels que le resource shuffling, l’absorption du coût du carbone, les stratégies de transbordement, le transfert du risque de fuite de carbone aux producteurs en aval, le risque de substitution par des produits importés à forte intensité en carbone). Certains secteurs sont plus ou moins exposés à ces risques, ce qui contribue à leurs divergences de points de vue vis-à-vis d’un MACF.

En somme, les industries ont été invitées à choisir entre quatre scénarios, mais la majorité des répondants ont présenté une demande commune visant à conserver les bénéfices des allocations gratuites en vigueur. Cette réaction s’explique en partie par le processus de consultation lui-même, qui a été lancé alors que de nombreux aspects du MACF et les autres propositions réglementaires n’étaient pas précisés.

Le paramétrage détaillé du MACF face aux spécificités sectorielles

Dans la dernière section, nous avons souligné que les préférences des industriels entre les quatre scénarios de base étaient peu liées aux spécificités industrielles ; celles-ci jouent toutefois un rôle important en ce qui concerne les paramètres détaillés du MACF. En effet, si tous les secteurs reconnaissent la nécessité d’une mesure contre le risque de fuite de carbone, chacun penche pour une configuration du MACF liée à ses caractéristiques sectorielles.

La configuration précise du mécanisme sera un facteur déterminant de son efficacité environnementale et économique. C’est en particulier le cas pour certaines caractéristiques du mécanisme telles que le périmètre des émissions, la couverture des produits en amont et en aval, les secteurs couverts et la méthode de calcul du contenu en carbone. Par exemple, en fonction de leurs propres caractéristiques (voir Tableau 2), certains secteurs sont susceptibles de plaider en faveur d’un MACF impliquant une couverture plus large des émissions ou des produits le long de la chaîne de valeur. Ils reconnaissent toutefois que cela peut être techniquement difficile à mettre en place.

La Commission européenne doit par conséquent tenir compte des particularités des parties prenantes afin de trouver un terrain d’entente.

Tableau 2. Caractéristiques des secteurs 7 8 9 10 11 12

Sources : ERCST, Marcu, Mehling, & Cosbey (2021), Commission européenne (2021)

Couverture des flux commerciaux

Le MACF couvrira dans tous les cas les importations, mais il reste à déterminer si des mesures équivalentes seront prises pour préserver la compétitivité à l’exportation des producteurs européens. La compatibilité de cette mesure avec l’OMC et son impact sur l’efficacité du MACF n’est pas clairement établie à ce stade. En effet, une telle exemption pourrait dissuader les producteurs de l’UE de réduire leurs émissions liées à la production des produits exportés13. Elle apparaît toutefois comme le seul moyen possible d’éviter une distorsion de la compétitivité sur les marchés étrangers pour les entreprises exportatrices de l’UE.

Par conséquent, les secteurs industriels, et en particulier ceux dont les revenus dépendent en grande partie des exportations, tels que les secteurs des produits chimiques, des engrais, de la pâte à papier et du papier, de l’aluminium et des produits pétroliers raffinés, pourraient bénéficier de mesures visant à uniformiser les règles du jeu sur les marchés étrangers. Par exemple, le think tank européen ERCST a suggéré de conserver les quotas gratuits pour les producteurs européens et de faire payer aux producteurs étrangers une charge carbone qui dépendrait de la partie des émissions du produit importé qui n’est pas couverte par les quotas gratuits (le référentiel de l’UE déterminerait le niveau d’émissions couvert par les quotas gratuits). Certains secteurs ont également souligné qu’il s’agissait d’une solution possible et juridiquement compatible, étant donné qu’une tonne de CO2 ne serait facturée qu’une seule fois.

Notons que ce paramètre de couverture des flux commerciaux n’est pas pertinent dans le cas d’une charge carbone au niveau de la consommation.

Périmètre des émissions

Les émissions de gaz à effet de serre sont classées en trois scopes. Les émissions du scope 1 comprennent les émissions directes des sites industriels (en particulier liées aux procédés industriels). Les émissions du scope 2 comprennent les émissions indirectes provenant de la production d’électricité, de vapeur, de chauffage et de refroidissement consommés par une entreprise. Les émissions du scope 3 comprennent toutes les autres émissions indirectes générées dans le cadre de la fabrication d’un produit. Le MACF inclura nécessairement les émissions du scope 1, mais la question de l’inclusion des émissions des scope 2 et 3 n’est pas encore tranchée. Il est également difficile d’affecter précisément le contenu en CO2 de l’électricité consommée pour la production industrielle.

Toutes les parties prenantes s’accordent à dire que la couverture d’un champ plus large d’émissions implique simultanément un plus grand impact environnemental et des contraintes administratives et techniques supplémentaires. Par exemple, inclure les émissions liées à la consommation d’électricité nécessite des informations sur la source d’énergie utilisée à chaque étape du processus de production. Plus la chaîne de valeur est longue, plus il sera complexe de prendre en compte toutes les émissions indirectes. C’est la raison pour laquelle la plupart des représentants des entreprises affirment qu’un équilibre doit être trouvé entre l’efficacité environnementale et les contraintes techniques.

En revanche, les secteurs dont les coûts d’électricité sont élevés prévoient une augmentation de leurs coûts énergétiques en raison de la hausse du prix du carbone et de la nécessité de s’appuyer davantage sur des processus de production électrifiés pour atteindre leur objectif de décarbonation. C’est le cas pour les secteurs de la métallurgie, de la pâte à papier et du papier, des produits chimiques et des produits pétroliers raffinés. Ces secteurs alertent donc sur le fait que le MACF doit maintenir des conditions de concurrence équitables avec les producteurs étrangers et plaident pour une couverture étendue des émissions.

En particulier, un MACF couvrant à la fois les émissions directes et indirectes devrait tenir compte des spécificités des marchés de gros de l’électricité en Europe, ce qui rend la mesure plus complexe. En effet, certaines parties prenantes avancent que le coût du carbone dans le prix de l’électricité ne correspond pas à l’intensité moyenne en carbone de l’électricité consommée – et qu’il est même supérieur à celle-ci. Cette bizarrerie est liée au fait que le prix de l’électricité est fixé par le coût variable de l’unité de production marginale appelée dans l’ordre de mérite pour satisfaire la demande sur les marchés de gros régionaux de l’électricité. Or, cette unité de production marginale est souvent satisfaite par une centrale au gaz naturel ou au charbon. Par conséquent, le coût du carbone appliqué à cette source d’énergie fossile est inclus dans le prix de l’électricité payé par les sites industriels, quel que soit le contenu réel en carbone de leur approvisionnement en électricité14. Dans la plupart des cas, un producteur de l’UE paie des coûts indirects du carbone plus élevés que s’ils étaient calculés sur la base des émissions du mix énergétique moyen du pays de production. En d’autres termes, il existe un décalage entre les émissions indirectes et les coûts indirects – puisque le coût carbone de l’unité de production marginale est plus élevé que le coût carbone moyen. Pour les secteurs très intensifs en électricité, comme les métaux non ferreux et les produits chimiques, la pâte à papier et le papier, pour lesquels l’électricité représente une grande partie des coûts d’exploitation, cela peut être problématique. Le tableau 3 résume les préférences sectorielles concernant la couverture des émissions et les relie à l’intensité des émissions indirectes et à la complexité de la chaîne de valeur des secteurs.

Il sera d’autant plus complexe de déterminer ce coût indirect du carbone pour les importateurs qu’il existe plusieurs marchés régionaux de l’électricité en Europe et que la valeur répercutée des coûts du carbone est différente d’un marché à l’autre.

Une solution avancée par les secteurs fortement consommateurs d’électricité est de conserver la mesure actuelle de compensation des coûts indirects du carbone, en complément d’un MACF. Ils font valoir que cette solution serait juridiquement compatible.

Tableau 3. Scopes des émissions et préférences sectorielles 15

Traitement des produits primaires et finis

Selon les communications de la Commission européenne, un MACF couvrirait en premier lieu les matériaux primaires, étant donné que leur contenu en carbone est plus facile à estimer que celui des produits finis – il est même déjà connu dans le cas de certains produits couverts par le SEQE – et qu’il s’agit généralement de la partie de la chaîne de valeur ayant la plus forte intensité en carbone.

Néanmoins, si le MACF se limitait aux produits primaires, il augmenterait les coûts de production des segments en aval de la chaîne de valeur – soit parce que les producteurs européens en amont perdraient le bénéfice des quotas gratuits et répercuteraient les coûts du carbone, soit parce que les producteurs étrangers devraient payer un ajustement carbone à la frontière, ce qui entraînerait un risque de fuite de carbone en aval (via la perte de parts de marché, la substitution par des produits importés…). Cette augmentation pourrait potentiellement être répercutée sur l’utilisateur final en fonction de la marge du producteur, de la structure du marché, de l’exposition au commerce international et de la manière dont les prix des produits sont fixés. Les secteurs présentant une chaîne de valeur complexe ou des intrants à forte intensité en carbone sont particulièrement préoccupés par ce risque. Ils soutiennent que le MACF devrait inclure les produits semi-finis et finis en aval. Le tableau 4 synthétise les préférences sectorielles concernant la couverture des produits primaires ou de l’ensemble de la chaîne de valeur en fonction du niveau d’exposition aux fuites de carbone des segments en aval. Là encore, un compromis doit être trouvé entre l’efficacité économique et la complexité technique.

Le secteur de l’aluminium est un exemple de secteur dont la chaîne de valeur est complexe, dont la production en amont est fortement consommatrice d’électricité et qui est confronté à la concurrence de produits en aluminium finis et semi-finis importés. Les transformateurs d’aluminium en aval seraient exposés à un risque de fuite de carbone (à savoir, à un risque de substitution par des biens importés provenant de pays ayant des contraintes climatiques moindres) si le MACF ne s’appliquait qu’à l’aluminium primaire.

Tableau 4. Couverture des produits tout au long de la chaîne de valeur et préférences sectorielles 16

Couverture des secteurs

Le dilemme évoqué plus haut, concernant la couverture des produits primaires par rapport aux produits finis, s’observe de manière presque identique lorsqu’il s’agit de déterminer quels secteurs seront couverts par le MACF. En théorie, tous les secteurs industriels devraient être couverts par le MACF pour éviter tout risque de fuite de carbone. Il est cependant difficile de tous les inclure simultanément du fait de la complexité administrative et de la quantité de données nécessaires au calcul du contenu en carbone de chaque produit. Les quelques secteurs participant à la phase pilote seront vraisemblablement les producteurs de produits primaires – parmi lesquels se trouvent les activités à plus forte intensité en carbone – comme le ciment, l’acier, les engrais et l’électricité.

D’un autre côté, une approche trop segmentée et progressive pourrait accroître le risque de fuite de carbone. En effet, les secteurs couverts pourraient voir leurs produits confrontés à la concurrence de substituts17 : aluminium, acier, verre, papier et plastique pour les emballages ; acier et aluminium dans le secteur automobile, etc. L’objectif d’un MACF est de rendre plus compétitifs les produits à plus faible intensité en carbone, et non de favoriser une substitution arbitraire par des produits concurrents moins chers et à plus forte intensité en carbone. L’ampleur de cet effet de substitution dépendra de certains paramètres du MACF tels que les segments couverts de la chaîne de valeur, le maintien des quotas gratuits pour les produits couverts par le MACF et les substituts potentiels. Une analyse d’impact est donc nécessaire pour approfondir ce point.

On pourrait estimer qu’une participation volontaire à la phase pilote permettrait aux représentants industriels de contribuer à la définition finale du mécanisme. Selon les réponses des entreprises et des fédérations professionnelles à la consultation publique, les cinq secteurs prioritaires sont la fabrication de ciment, de chaux et de plâtre ; l’électricité ; le fer, l’acier et les ferro-alliages ; les produits chimiques de base, les engrais et les composés azotés, les matières plastiques et le caoutchouc synthétique ; les produits en béton, ciment et plâtre. Cela représente également certains des secteurs qui semblent être ouverts à la participation à la phase pilote, à condition que les quotas gratuits soient maintenus pendant une période de transition. Les secteurs avec des produits complexes et les grands exportateurs préfèrent ne pas participer à la phase pilote en raison des trop nombreuses incertitudes entourant le mécanisme.

Calcul du contenu en carbone

Le calcul du contenu en carbone d’un produit donné devrait idéalement être basé sur ses caractéristiques particulières. Il faut pour cela disposer des émissions réelles du producteur, et même de celles de tous les intrants utilisés dans le processus de production si le MACF ne couvrait pas uniquement les émissions directes. Si la charge carbone peut être calculée de cette manière pour chaque produit, le MACF sera très efficace, aussi bien du point de vue environnemental que du point de vue de la compétitivité. Cependant, la fragmentation des chaînes de valeur et la multiplication des étapes de production rendent sa mise en œuvre complexe.

Une alternative plus simple consiste alors à recourir à une valeur par défaut du contenu en carbone, basée sur un niveau de référence des émissions directes tel que l’intensité moyenne en carbone par produit en Europe18, un référentiel spécifique du pays d’origine ou un référentiel mondial. Cette approche est susceptible d’être juridiquement acceptable à condition que les producteurs étrangers soient autorisés à démontrer que le contenu en carbone de leurs produits est en fait inférieur à la valeur par défaut.

Deux autres problèmes se posent alors. Premièrement, les producteurs de biens à fort contenu en carbone (c’est-à-dire dont le contenu en carbone est plus élevé que la valeur par défaut pour ce produit) pourraient être dissuadés de décarboner leur production s’il est plus rentable de payer la taxe sur le carbone que d’investir dans des technologies bas carbone (à savoir si le montant de la charge carbone basée sur la valeur par défaut est moins élevé que leur coût marginal réel de réduction du contenu carbone). Les secteurs de la pâte à papier et du papier, de la chimie et de la sidérurgie, ainsi que d’autres secteurs manufacturiers, ont souligné qu’il s’agissait d’un risque significatif en cas d’utilisation du référentiel de produit du SEQE ou de la moyenne de l’UE : cela irait à l’encontre des principes qui motivent le MACF, car les entreprises ne seraient pas incitées à décarboner leur production et les producteurs étrangers pourraient bénéficier de la décarbonation de l’industrie européenne19.

Par ailleurs, un autre problème concernant les émissions indirectes a été souligné par certains secteurs fortement consommateurs d’électricité, tels que ceux de l’aluminium et des métaux non ferreux. Ces secteurs sont confrontés aux importations de producteurs étrangers qui fabriquent à la fois des produits à faible et à forte intensité en carbone, et ce en quantité suffisante pour pouvoir répondre à leur demande européenne avec des produits à faible intensité en carbone. Les producteurs étrangers auraient la possibilité d’exporter la partie de leur production dont l’intensité en carbone est la plus faible vers l’Europe et de continuer à fournir des produits à forte intensité en carbone à d’autres régions20. Cet effet, appelé le resource shuffling, pourrait entraîner des fuites de carbone et viendrait affaiblir les efforts visant à réduire les émissions mondiales.

Ce risque est confirmé dans le cas de la production d’aluminium exportée depuis la Chine, où la surcapacité de production peut être combinée avec des centrales hydroélectriques ou avec des centrales au charbon. Les producteurs chinois sont ainsi en mesure d’envoyer leur production d’aluminium basée sur l’hydroélectricité vers le marché de l’UE et d’envoyer la production basée sur le charbon vers d’autres marchés. Pour réduire ce risque, les producteurs européens estiment que la mesure du contenu en carbone ne doit pas être déterminée spécifiquement pour chaque site industriel mais en moyenne pour chaque pays.

En outre, les industries étrangères disposant d’un tel pouvoir de négociation seront également en mesure de contourner le MACF par l’absorption du coût du carbone. En d’autres termes, il leur est possible d’absorber le coût du carbone tant que la marge sur les coûts variables de l’activité concernée est positive : il leur suffit de vendre leurs produits à un prix qui leur permet de couvrir leurs coûts variables21. Cette stratégie temporaire leur permettrait de prioriser la préservation de leurs parts de marché sur la maximisation de leur profit. Cette contre-attaque concurrentielle éroderait évidemment les efforts européens en matière de réduction des émissions mondiales.

Certaines parties prenantes de l’industrie proposent donc une autre option qui pourrait être un scénario de transition considéré par la Commission européenne22 : utiliser la moyenne européenne des émissions comme valeur par défaut pour le contenu en carbone des produits importés et soumettre les importateurs à une contribution financière appliquée sur la partie des émissions non couvertes par les quotas gratuits (le référentiel de produit du SEQE serait utilisé pour déterminer le nombre de quotas gratuits). Comme mentionné plus haut, cela dépend de la facilité avec laquelle il est possible de calculer l’empreinte carbone des produits. Par exemple, la mesure du contenu carbone des produits pétroliers raffinés, des engrais ou du ciment suit des méthodes bien établies. C’est en revanche plus complexe pour d’autres secteurs qui sont fragmentés, fortement dépendants du mix énergétique, qui reposent sur des processus de production différents (comme la différenciation entre les processus de production primaire et recyclée) ou lorsque les processus aboutissent à la production simultanée de biens (comme dans le cas des produits pétroliers raffinés).

La question de la vérification des émissions ne prête pas à controverse : les parties prenantes s’accordent à dire que les émissions devraient être vérifiées par une tierce partie indépendante de l’Union européenne. La méthodologie et les données utilisées ne sont pas encore connues.

Prise en compte des politiques étrangères

Afin d’être compatible avec le GATT, le prix du carbone appliqué par le MACF sur les produits importés doit prendre en compte les politiques climatiques des pays tiers. Plus précisément, une entreprise importatrice en Europe ne doit pas payer deux fois pour une même quantité de CO2 contenu dans un produit donné. Toutefois, cela implique d’établir un cadre de comparaison entre les mesures de tarification du carbone domestiques et étrangères. Cela soulève la question de déterminer s’il faut tenir compte uniquement des politiques de tarification du carbone ou également des mesures règlementaires non tarifaires incluant les subventions aux investissements, ces dernières étant plus difficiles à évaluer en pratique pour chaque partenaire commercial.

Champ d’application géographique

Certains experts et parties prenantes soutiennent que le MACF ne devrait pas couvrir tous les pays partenaires commerciaux et que certaines exemptions devraient être prévues pour les pays moins développés qui disposent de moyens financiers et techniques limités pour développer des technologies bas carbone. Bien que cette ligne directrice semble équitable, certains producteurs s’inquiètent du risque de transbordement dans des régions bénéficiant desdites exemptions pour contourner le coût impliqué. Cette stratégie diminuerait, là encore, les efforts européens de réduction des émissions et n’inciterait pas les pays exemptés à mettre en place des politiques climatiques. Il convient de noter que des mesures antidumping existent dans certains secteurs pour des produits et des pays spécifiques, et l’on peut étudier comment, le cas échéant, ces mesures pourraient constituer une solution face à ce risque.

Utilisation des revenus

Enfin, il est communément admis – depuis que cela a été énoncé dans le Pacte vert pour l’Europe – que le MACF devrait contribuer au budget de l’UE, soutenir la transition vers une économie bas carbone et contribuer à atteindre l’objectif de neutralité carbone. La manière dont les revenus seront investis n’est cependant pas encore claire, et cette question « technique » est d’une importance capitale pour les secteurs industriels. Dans l’ensemble, les industriels préféreraient que les revenus générés soient utilisés pour soutenir la décarbonation des secteurs industriels émetteurs en Europe, étant donné que cela implique des investissements considérables et une source d’électricité décarbonée – nécessaire en vue de l’électrification croissante des procédés de production. Ce scénario pourrait toutefois créer un problème de compatibilité avec le GATT. Les revenus du MACF pourraient également servir à rendre cette transition acceptable pour les consommateurs finaux, notamment d’un point de vue social. Une troisième option consisterait à contribuer aux fonds internationaux pour le climat destinés aux pays en voie de développement : cette solution s’accorderait avec l’objectif de prévention des fuites de carbone, mais serait moins populaire auprès des acteurs économiques européens23. On note que dans son programme de travail 2021, la Commission européenne a mentionné que les revenus du MACF constitueraient une ressource propre (Commission européenne, 2020). Le Parlement européen dans son rapport a recommandé d’utiliser les revenus pour soutenir les actions climatiques mondiales et européennes pour la neutralité carbone et de garantir la compatibilité avec l’OMC (Parlement européen, 2021).

Questions clés en suspens

En résumé, des problèmes majeurs restent encore à résoudre. Le MACF vise à éviter le risque de fuite de carbone afin de soutenir l’ambition européenne renforcée de décarbonation de son économie. Si, à première vue, il semble raisonnable de penser que plus le périmètre d’émissions couvertes est important, plus l’impact environnemental est grand, les coûts administratifs et les difficultés techniques seraient également plus importants, ouvrant la perspective d’un compromis.

Le tableau 5 résume les principales questions sur lesquelles il est encore difficile de trouver un terrain d’entente. Les options envisagées pour chacun de ces paramètres sont listées, de la plus pragmatique à la plus ambitieuse, avec leurs enjeux.

Tableau 5. Principales questions en suspens

Conclusion

Ignorant encore à ce stade quels seront les paramètres précis du MACF, les parties prenantes de l’industrie tendent à trouver un terrain d’entente en s’interrogeant sur son efficacité. Elles font face à un degré élevé d’incertitude et craignent de ne plus pouvoir bénéficier des quotas gratuits d’émission, qui font partie d’un système bien établi et qui offrent une certaine visibilité à long terme. Ils y voient également un risque de faire l’objet d’éventuelles représailles commerciales de la part de pays tiers.

Certains secteurs sont disposés à participer à la phase pilote, ce qui pourrait leur permettre de contribuer à la mise en place d’un MACF satisfaisant malgré sa complexité prévisible. Les autres, c’est-à-dire la majorité d’entre eux, expriment plutôt une grande inquiétude pour le moment.

Il faut garder à l’esprit que le MACF fait partie d’un ensemble de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Europe, appelé Fit for 55. Le fonctionnement du MACF ne sera pas le seul élément déterminant dans l’adoption de ce paquet de mesures. Il devra notamment être cohérent avec les autres mesures, y compris la révision du SEQE. En d’autres termes, cela dépendra de la manière dont les autres mesures du paquet présenté par la Commission européenne permettront de relever certains des défis soulevés par le MACF.

  • 1 – Elle a été débattue au cours du processus législatif qui a conduit à l’adoption de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009. Cette directive est venue modifier la directive 2003/87/CE pour améliorer et étendre le SEQE.
  • 2 – Nous avons classé les réponses à la consultation publique par secteurs et sous-secteurs. Les secteurs industriels sont les suivants : industrie manufacturière, production et distribution d’énergie, industrie extractive et énergies renouvelables. L’industrie manufacturière est classée en plusieurs sous-secteurs : acier et métaux ferreux, industrie agroalimentaire, aluminium et métaux non-ferreux, ciment et béton, autres produits minéraux non-métalliques, bois, caoutchouc, machines et équipements, papier et carton, industrie chimique, textile. Des organisations représentant les industries manufacturières et électro-intensives ont également répondu.
  • 3 – Nous avons réalisé une Analyse en Composantes Principales (ACP) sur chaque section du questionnaire, puis mis en évidence les éléments différenciants entre les répondants par une Analyse des Correspondances Multiples (ACM). Voir l’annexe pour plus de détails.
  • 4 – On note que les répondants ont la possibilité de ne se prononcer sur aucune des quatre options, de n’être favorables à aucune d’elles ou à toutes d’entre elles.
  • 5 – Un rapport récent de CE Delft suggère d’augmenter les subventions à l’investissement ou de mettre en œuvre un MACF accompagné d’une suppression progressive des quotas gratuits, afin d’internaliser le prix du carbone tout au long de la chaîne de valeur (CE Delft, 2021).
  • 6 – Les producteurs à forte intensité énergétique achètent leur électricité deux ou trois ans à l’avance sous la forme de contrats portant sur un volume d’électricité à un prix donné, ce qui leur permet de sécuriser leur coût de production.
  • 7 – Source : (Commission européenne, 2021).
  • 8 – Risque de fuite de carbone sur les segments en aval de la chaîne de valeur après l’application d’un MACF sur la production en amont (ERCST, Marcu,Mehling, & Cosbey, 2021).
  • 9 – Importations en part de la consommation domestique et exportations en part de la production domestique. (ERCST, Marcu, Mehling, & Cosbey, 2021).
  • 10 – La production primaire à partir de minerai de fer étant plus fortement consommatrice d’énergie et émettrice de carbone que la production secondaire.
  • 11 – Voir (PwC, 2020).
  • 12 – En fonction des produits chimiques couverts par le SEQE.
  • 13 – On note que la taxinomie verte de la Commission européenne demande aux entreprises de déclarer la part de leurs revenues identifiée comme étant « verte » afin que ces activités puissent être classées comme durable. Ce dispositif pourrait limiter le risque mentionné de ne pas réduire les émissions liées aux produits exportés (Commission européenne, 2021).
  • 14 – Les émissions indirectes d’un produit sont estimées en utilisant le mix énergétique moyen du pays car il est impossible de savoir exactement d’où provient l’énergie.
  • 15 – ERCST, Marcu, Mehling, & Cosbey, Border Carbon Adjustments in the EU : Sectoral Deep Dive (2021).
  • 16 – Source : ERCST, Marcu, Mehling, & Cosbey, Border Carbon Adjustments in the EU : Sectoral Deep Dive (2021).
  • 17 – Si la mesure ne couvre pas tous les matériaux primaires.
  • 18 – Par exemple, une valeur de référence pour les émissions directes serait les émissions moyennes de 10 % des installations les moins performantes comme envisagé par la Commission européenne.
  • 19 – C’est le cas pour tous les secteurs qui investissent dans des technologies bas carbone et qui disposent déjà de processus de production bas carbone en Europe.
  • 20 – Cela inciterait en effet les producteurs étrangers à fournir des produits à faible intensité en carbone à l’Europe et contribuerait donc à réduire l’empreinte carbone de l’UE.
  • 21 – En général, les producteurs étrangers dont la marge est plus élevée que celle des producteurs de l’UE peuvent s’acquitter d’un droit de douane tout en restant compétitifs.
  • 22 – Selon le document divulgué sur Euractiv en juin 2021 (Euractiv, 2021).
  • 23 – La possibilité de proposer des prêts pour des investissements dans des technologies à faibles émissions de carbone dans les pays en développement à partir des revenus de la taxe carbone est une idée qui pourrait être explorée. Les économies réalisées vis-à-vis de la future taxe carbone par les industriels des pays en développement contribueraient à rembourser ces prêts.

 

Bibliographie

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PwC. (Octobre 2020). CBAM : Executive summary of findings related to the fertilizers industry.

Remerciements

Les autrices tiennent à remercier les nombreuses personnes pour leurs commentaires et leurs retours précieux dans la réalisation de ce document de travail, tout particulièrement Bruno Ageorges (UFIP), Stefan Ambec (Toulouse School of Economics), Mourad Ayouz (EDF), Jasmine Barahman (Fertilizers Europe), Gildas Barreyre (Seqens, UNIDEN, EFCG), Tine Bax (ENGIE), David Berman (Air Liquide), François Boisseleau (ENGIE), Jean-Luc Brossard (PFA), Emmanuel Brutin (Cembureau), Franck Chevallier (UFIP), Mélisande Couespel (A3M), Marc David (Air Liquide), Stéphane Delpeyroux (ArcelorMittal, A3M, UNIDEN), Laurent Dublanchet (Air Liquide), Sylvie Duchassaing (EDF), Luc Elie (Université Paris 13), Guillaume Gillet (ENGIE), Pierre Gilliot (FACE), Yvan Hachez (ENGIE), Joachim Hein (BDI), Antoine Hoxha (Fertilizers Europe), Jan Peter Jebsen (Eurometaux, Hydro), Sylvain Le Net (Franche Chimie), Vincent Lefebvre (Cem’In’Eu), Bernard Lombard (CEPI, AEGIS Europe), Emanuele Manigrassi (European Aluminium), Philippe Mouttou (Mines ParisTech), Emmanuel Normant (Saint-Gobain), Cillian O’Donoghue (Eurometaux), Jean-Philippe Perrot (Solvay, UNIDEN), Olivier Riu (COPACEL), Charles-Henri Robert (CEFIC) and Nicolas de Warren (UNIDEN and Arkema) pour le temps qu’ils y ont consacré.

Annexe : analyse des données

Les données sont le résultat de la consultation européenne sur la proposition de MACF qui a eu lieu entre le 22 juillet 2020 et le 28 octobre 2020. Ne sont ici prises en compte que les contributions des 289 entreprises et organisations professionnelles (sur un total de plus de 600 réponses). Parmi celles-ci, nous limitons nos données à l’industrie manufacturière (142 réponses), à la production et la distribution d’énergie (24 réponses), à l’industrie extractive (15 réponses) et aux énergies renouvelables (8 réponses), pour un total de 189 observations. Parmi la centaine de questions posées (regroupées en 15 questions principales), nous nous intéressons à celles qui demandent l’avis du répondant parmi les options proposées et leurs paramètres (en cochant une case plutôt qu’en rédigeant une réponse).

Les questions sont ensuite recodées sur des échelles de nombres entiers. Les répondants ont été invités à évaluer les quatre instruments envisagés pour le MACF, sans qu’il leur soit demandé d’ordonner ces instruments. Le choix a été fait d’utiliser les données originales sans essayer de normaliser les réponses possibles à une question, ce qui signifie que certains acteurs ont pu donner la même réponse aux quatre options ou ne donner de réponse pour aucun des instruments. Le jeu de données est également complété avec des variables explicatives qui nous permettront de détecter des tendances : nous classons les entreprises par type d’organisation (fédérations professionnelles, sociétés et groupes, syndicats et associations professionnelles), par pays d’origine, par secteur d’activité (en utilisant la classification NAF de l’INSEE), par produit, et nous ajoutons une variable égale à un si le secteur est électro-intensif. Enfin, afin de limiter le nombre de valeurs manquantes, les 25 organisations qui n’ont répondu qu’à la première question (une question très générale portant sur le contexte actuel en matière de politique climatique) ne sont pas incluses.

La méthode est basée sur l’analyse factorielle des données : il s’agit de projeter chaque observation sur les premières composantes principales pour obtenir un tableau de données de dimension inférieure – il y a à l’origine plus d’une centaine de questions et donc de dimensions – tout en préservant au maximum la variance entre les observations. L’idée est ensuite de regrouper les individus pour comprendre ce qui explique les différences dans leurs réponses à la consultation.

Conformément à la méthodologie des indicateurs composites (Joint Research Centre-European Commission, 2008), des variables composites sont construites pour les principaux thèmes du questionnaire de la consultation pertinents pour notre étude, à savoir les options proposées pour le type de mécanisme, la couverture des émissions, le calcul et la vérification du contenu en carbone et les possibilités d’exemption. Nous effectuons une analyse en composantes principales (ACP) pour chacun des sujets mentionnés, suivie d’une classification hiérarchique en composantes principales (HCPC). Ainsi, sur la base de leurs réponses à chaque question, les organisations appartiennent à un groupe pour chaque thème.

Nous obtenons ainsi un nouveau tableau de données, composé de 11 variables composites correspondant aux thèmes pertinents identifiés dans le questionnaire, que nous complétons par des variables dites supplémentaires (les autres questions du questionnaire ainsi que les variables explicatives décrites ci-dessus). Sur ce nouveau jeu de données, une analyse des correspondances multiples (ACM) est effectuée, suivie d’une autre HCPC : les groupes finaux d’individus sont ainsi obtenus.

Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières Risques et opportunités pour l’industrie européenne
Caroline Mini et Eulalie Saïsset