Recherche et innovation: comment rapprocher sphères publique et privée ?

Recherche et innovation: comment rapprocher sphères publique et privée ?

@jozefmicic/Adobe Stock

 

Avant-propos

Changement climatique, croissance démographique, inégalités de dévelop­­pement et d’accès aux ressources… : nos sociétés doivent simul­­tanément relever plusieurs défis majeurs. Ces enjeux ouvrent également des oppor­­tunités pour faire émerger des innovations de rupture, voire de nouveaux leaders. Le système d’innovation français fait donc face à une concurrence internationale, qui s’intensifie tant quantitativement que qualitativement.

Comment la France peut-elle alors retrouver une place parmi les nations les plus innovantes et répondre à ses ambitions de souveraineté nationale et d’autonomie technologique ? La réponse ne dépend pas uniquement d’efforts financiers, vient rappeler cet ouvrage. La qualité de la collaboration entre la recherche publique et les entreprises est aussi une composante essentielle de la capacité d’innovation d’un pays. Or, plusieurs indicateurs et diverses enquêtes de terrain montrent qu’en France, la coopération public-privé peine à s’ancrer dans les pratiques. Les auteurs de cet ouvrage ont toutefois pu identifier des pistes pour accroître l’ampleur et la profondeur de ces interactions entre les secteurs public et privé. Sans alourdir la dépense publique ni le portefeuille législatif, ces propositions opérationnelles visent à combler deux des principales lacunes du système actuel : le manque de connaissance mutuelle des acteurs et la disparité des pratiques en matière de valorisation de la recherche.

Nous espérons que ce document offrira aux décideurs publics, aux entreprises et aux acteurs de la recherche des pistes de réflexion sur les moyens de renforcer la recherche partenariale et de réussir la reconquête scientifique de la France.

La collection des « Docs de La Fabrique » rassemble des textes qui n’ont pas été élaborés à la demande ni sous le contrôle de son conseil d’orientation, mais qui apportent des éléments de réflexion stimulants pour le débat et la prospective sur les enjeux de l’industrie.

L’équipe de La Fabrique

Résumé

La R & D et l’innovation occupent une place de premier plan dans les priorités de l’État. La recherche publique est en effet un des principaux postes de dépense dans le budget national, et la R & D privée est plus géné­­reusement subventionnée en France que chez nombre de ses voisins.

Cette caractéristique historique, partagée avec quelques autres États occi­­den­­taux, concerne principalement un nombre restreint de secteurs et d’entreprises, dont les commandes civiles et militaires proviennent davantage de l’État que du marché. Elle a directement à voir avec une ambition nationale en matière de géopolitique et de souveraineté.

Par ailleurs, en réponse aux crises et pénuries récentes, la France entend aujourd’hui renforcer son autonomie stratégique et technologique dans les principaux domaines industriels, tout en réintégrant le peloton de tête des nations les plus innovantes.

La réalisation de ces objectifs dépend de la capacité des acteurs à faire émerger des innovations de rupture, dont la qualité de la collaboration entre les entreprises et la recherche publique est un levier essentiel. C’est en effet dans les laboratoires publics que naissent généralement les « disruptions » déployées par les entreprises.

Malheureusement, en France, ces interactions entre la recherche publique et les entreprises restent encore trop limitées. Ni les dispositifs visant à stimuler la recherche contractuelle (comme les instituts Carnot par exemple) ni les structures créées pour simplifier et accélérer le transfert des technologies vers les entreprises (SATT et IRT, notamment) n’ont encore suffi à révolutionner les pratiques sur le terrain.

Le rapprochement du public et du privé en recherche est toujours freiné par le manque de connaissance mutuelle des acteurs concernés. Cet ouvrage avance donc des propositions pour faciliter les mobilités et les coopérations entre la recherche publique et les entreprises. La création d’espaces dédiés aux travaux collaboratifs dans les établissements publics, ou encore l’intégration dans le parcours des doctorants d’un passage dans le secteur privé, sont des exemples de pistes à envisager.

Cette collaboration souffre également d’une disparité des pratiques en matière de valorisation au sein des établissements publics. Quand certains déploient des stratégies de valorisation adossées à des moyens et des objectifs clairs, d’autres manquent encore de ressources dédiées pour gérer cette activité de manière efficiente, mais aussi parfois de personnel ayant une culture de l’entreprise. Les auteurs suggèrent donc que soient mis en place des objectifs et des moyens au niveau national, condition première à la montée en puissance des activités de valorisation. La déclinaison de ces objectifs à l’échelle de chaque site et la création d’une subvention complémentaire pour ceux qui les atteignent pourraient aider à réduire les écarts existants.

Remerciements

Nos remerciements vont à Olivier Baujard pour ses conseils tout au long de ce travail, Céline Boucly qui nous a accompagnés pendant la première phase, les élèves de l’ENA de la promotion Aimé Césaire avec lesquels nous avons travaillé pendant un mois intense, ainsi qu’à tous nos interlocuteurs pour les discussions riches qui ont contribué à façonner notre opinion, en particulier Geoffrey Bouquot, Nicolas Daubresse, Isabel Marey-Semper et Thierry Weil. Nous remercions enfin l’équipe de La Fabrique de l’industrie dont l’aide a été décisive pour la réalisation de cet ouvrage, et en particulier Emilie Binois pour son soutien et ses nombreux apports, tant sur la forme que sur le fond.

Introduction

Comme l’a rappelé Emmanuel Macron lors de la présentation du plan France 20301, la recherche et l’innovation sont essentielles pour faire face aux grands défis de nos sociétés (vieillissement de la population, changement climatique, effondrement de la biodiversité, fracture numérique, accroissement des inégalités, etc.). Plus exactement, l’avenir et en particulier la souveraineté nationale dépendent aujourd’hui de la capacité des acteurs économiques à faire émerger des innovations de rupture.

En France, cette attente à l’égard de la recherche s’est renforcée depuis la pandémie de Covid-192 et s’est accompagnée de l’annonce d’une future hausse des dépenses publiques en faveur de la R & D. À côté des aides à l’innovation allouées aux entreprises, l’État a décidé d’augmenter le budget de la recherche publique de 5,8 milliards d’euros, par paliers, d’ici 2030.

Mais la capacité d’innovation d’un pays ne découle pas uniquement de son effort d’investissement en R & D : la qualité de la collaboration entre la recherche publique et les entreprises en est également une composante importante. En effet, ce lien conditionne en partie l’occurrence d’inno­­va­­tions de rupture, déployées par les entreprises mais qui naissent généra­­le­­ment dans des laboratoires publics. Au-delà, il induit également la montée en gamme et les choix d’implantation des entreprises, et donc la création de valeur industrielle dans son ensemble.

Il n’existe pas un, mais des indicateurs, permettant d’objectiver un peu la qualité de cette coopération, souvent jugée trop timide en France3. Certains sont encourageants, d’autres montrent qu’il existe des marges de progrès. Les copublications public-privé en sont un bon exemple. Selon le tableau de bord européen de l’innovation (European Innovation Scoreboard, EIS) 2021, la France se situe tout juste dans la moyenne européenne mais c’est le pays qui a le moins progressé depuis 20144.

Entre novembre 2020 et avril 2021, en collaboration avec quinze élèves de l’ENA en dernière année de formation, nous avons pu interroger une centaine de personnes pour réaliser un rapport à destination de l’admi­­nis­­tration française sur les évolutions de la recherche partenariale. Ces entretiens ont confirmé qu’un sentiment de défiance persiste entre les acteurs de la recherche publique et ceux de la recherche privée. Ils nous ont aussi permis d’identifier quelques pistes pour renforcer la coopération entre ces deux mondes sans révolutionner le paysage législatif ni augmenter les dépenses publiques déjà fléchées vers cet objectif. Nous avons décidé d’en faire part dans cet ouvrage, sans prétendre apporter une réponse globale à cette problématique.

La puissance publique a en effet déjà beaucoup œuvré pour renforcer ces synergies : réformes, soutien fiscal, création de structures dédiées comme les instituts Carnot ou les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). Mais nous verrons dans un premier chapitre que, sur le terrain, le résultat n’est pas encore à la hauteur des ambitions qui ont guidé l’allocation de ces moyens. En nous fondant sur cette analyse et les résultats de nos entretiens, nous présentons dans les chapitres suivants nos propositions opérationnelles pour améliorer la situation. Un chapitre se concentre sur le rapprochement culturel entre ces deux mondes. Un autre est dédié au pilotage de la valorisation.

  • 1 – Le 12 octobre 2021.
  • 2 – Notamment dans le domaine de la santé ; en juin 2021, le président Emmanuel Macron a fixé pour objectif de faire de la France « la première nation européenne innovante et souveraine en santé » d’ici 2030.
  • 3 – D’après les résultats de l’enquête annuelle de satisfaction établie par le World Economic Forum dans le cadre de son étude sur la compétitivité.
  • 4 – L’indicateur copublications par million d’habitants a progressé entre 2014 et 2021 dans tous les pays de l’UE et dans l’ensemble des 38 pays inclus dans l’étude.
Chapitre 1

Une collaboration encore peu ancrée dans les pratiques

Depuis plusieurs décennies, les politiques publiques de recherche s’accompa­­gnent de volets spécifiques visant à renforcer sur le terrain la coopération entre les laboratoires et les entreprises. Ces politiques ont trouvé leur expression dans divers instruments incluant aussi bien les mesures en faveur de la mobilité des chercheurs du public vers le privé qu’une série d’outils transversaux, comme les aides à l’amorçage et à l’incubation des start-up, les subventions à l’innovation ou le finan­­ce­­ment du capital-risque. Si elles ont permis d’impulser un mouvement en faveur de la valorisation, et plus particulièrement de la recherche partenariale, il reste encore de larges marges de progrès pour l’ancrer dans les pratiques.

Le poids de la R & D et de l’innovation dans les priorités de l’État est très significatif. En témoigne la place occupée par la mission «Recherche et enseignement supérieur» dans le budget national : avec 29,2 milliards d’euros en 2022, elle représente le troisième poste de dépenses, après l’ensei­­gnement scolaire et la défense (et hors dettes, retraites et collec­­ti­­­­vités). Si on se restreint au seul périmètre de la recherche (hors innovation et enseignement supérieur), la dépense intérieure en R & D des admi­­nis­­trations s’élève à environ 18 milliards d’euros.

La France est également l’un des pays de l’OCDE où le financement public direct de la R & D privée est le plus important. En 2019, il couvrait 7,5 % des 35,2 milliards d’euros dépensés en R & D par les entreprises (soit 0,11 % de PIB)5, après avoir frôlé les 9 % en 2015. À titre de comparaison, en Allemagne, les fonds publics finançaient 3,3 % de l’effort privé de R & D.

À ces dépenses directes s’ajoute encore le crédit d’impôt recherche (CIR)6 qui vient plus que tripler l’accompagnement public à l’effort privé de R & D (6,8 milliards d’euros7 en 2018). En additionnant financement direct et soutien fiscal, le soutien public à la R & D des entreprises représente donc 0,39 % du PIB en France en 2018 et 27 % de la dépense privée en la matière.

Figure 1.1 – Part de la dépense intérieure de R&D des entreprises (DIRDE) financée par le public entre 2013 et 2019

Source: OCDE.

Il faut néanmoins noter que cette aide publique « s’est largement concentrée sur un nombre restreint de secteurs et d’entreprises dont les commandes provenaient davantage de l’État (besoins civils et militaires) que du marché » (Encaoua et al, 2004). La générosité du système public à l’égard de la R & D des entreprises serait donc motivée en grande partie par ces missions régaliennes (c’est même l’explication principale de la dif­­férence qui oppose, dans le tableau précédent, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis d’une part et le Japon ou l’Allemagne d’autre part). Pour autant, « des réalisations industrielles remarquables ont ainsi été réalisées et, elles n’auraient vraisemblablement pu émerger sans l’intervention forte et décisive de l’État : sont ainsi concernés le spatial, l’aéronautique, le nucléaire, le matériel de transport terrestre, les télécommunications et la production d’armements sophistiqués » (ibid.).

La crise qui a accompagné la pandémie de Covid-19 a renforcé encore la quête de « souveraineté nationale » par chacun des États, à commencer par la France, et en a élargi le périmètre. De façon lapidaire, on peut dire qu’il ne s’agit plus uniquement d’assurer une puissance militaire et spatiale mais de tendre également vers une certaine autonomie stratégique en soutenant simultanément la réindustrialisation de la France et l’innovation dans les technologies de rupture. En d’autres termes, il s’agit d’un côté d’offrir davantage de débouchés industriels à la recherche fondamentale émanant des laboratoires publics et, de l’autre, de stimuler une recherche dont les résultats permettront une montée en gamme de l’industrie et un regain de compé­­ti­­tivité à l’international. « Il faut sortir de cette opposition entre recherche fondamentale, recherche incrémentale et technologique et industrialisation massive », a résumé le président Emmanuel Macron lors de la présentation du plan France 2030 (octobre 2021). Les investissements publics en faveur de la R & D répondent donc plus que jamais à une priorité : faire en sorte que la société et les entreprises bénéficient des résultats de la recherche.

Que recouvre la valorisation de la recherche ?

Pour le Conseil national d’évaluation de l’enseignement supérieur (CNE), la valo­­ri­­sa­­tion de la recherche correspond aux moyens de « rendre utilisables ou commercialisables les résultats, les connaissances et les compétences de la recherche ». À cette définition, le rapport dit Guillaume8 ajoute que la valorisation « couvre l’ensemble des relations entre la recherche publique et le monde éco­­nomique ». Elle suppose donc une mise en relation de ces deux mondes. « Elle n’est pas un processus automatique : elle doit être organisée et faire l’objet d’actions concertées et réfléchies » (Collin-Lachaud et Michel, 2020). La valorisation offre enfin, d’après le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche9, « la possibilité de tirer le meilleur parti de l’engagement de l’État en faveur de la recherche en faisant en sorte que la société bénéficie des résultats de cette recherche ». L’enjeu de la valorisation serait alors d’assurer « l’exploitation du plein potentiel des recherches conduites à l’aide des investissements publics dans les universités, et d’en maximiser les retombées ».

La valorisation de la recherche publique prend plusieurs formes. La première est la recherche partenariale, qui désigne les contrats de recherche financés par le secteur privé ainsi que les collaborations de recherche impliquant parfois la constitution de laboratoires communs entre établissements et entreprises. La deuxième est le transfert de technologie, qui recouvre l’exploitation commerciale par les entreprises de la propriété intellectuelle ou du savoir-faire développés par les laboratoires de recherche. L’essaimage, troisièmement, concerne la création d’entreprises innovantes par des chercheurs. La mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé en est une quatrième forme (préparation d’une thèse en entreprise, activité de conseil, etc.). Enfin, on peut aussi considérer comme entrant dans le champ de la valorisation la formation par la recherche publique de jeunes actifs diplômés embauchés ensuite en entreprise. C’est d’ailleurs le principal canal par lequel la recherche publique produit un capital de compétences progressivement internalisé par les entreprises.

De nombreux outils en faveur de la valorisation de la recherche

Dans cette optique, les politiques publiques ont cherché, avec plus ou moins de succès on le verra, à augmenter l’ampleur et la profondeur des interactions entre la recherche publique et privée, à simplifier et accélérer le transfert des savoir-faire et des technologies vers les entreprises et à favoriser la création de nouveaux leaders industriels fondés sur des technologies issues de la recherche fondamentale.

Depuis le début des années 2000, cette ambition de l’État s’est accompagnée d’une réorganisation institutionnelle comprenant notamment la création de l’Agence nationale de la recherche (ANR) en 2006, du Commissariat général à l’investissement en 2010 (renommé Secrétariat général pour l’inves­­tis­­sement10 en 2017) ou encore de Bpifrance en 2013. Toutes ces insti­­tu­­tions ont été mises en place avec l’objectif de transformer le paysage de la recherche, en particulier partenariale, et de l’innovation.

Ceci a donné naissance à plusieurs dispositifs, venus s’ajouter à des outils existants, que l’on peut classer en trois grandes familles (un inventaire exhaustif est difficile, puisqu’on en dénombre plusieurs dizaines11, donc nous nous attacherons ici à décrire les principaux).

Figurent également dans cette famille les mesures favorisant la mobilité des chercheurs ; c’est le cas de la loi Allègre12 de 1999, qui a assoupli les règles de collaboration avec le privé pour les chercheurs, ou des conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre). Datant de 1981, le dispositif Cifre permet à l’entreprise de bénéficier d’une aide financière quand elle recrute un jeune doctorant encadré par un laboratoire public.

La deuxième grande famille comprend les dispositifs visant à augmenter l’intensité de la recherche contractuelle. Ils reposent sur une même logique : offrir une aide financière pour inciter un des deux « camps » à se rapprocher de l’autre. Les laboratoires labellisés instituts Carnot par exemple reçoivent un soutien financier de l’État dont le montant est calculé en fonction de leur volume d’activité partenariale. Dans cette même logique, les entreprises bénéficiaient jusqu’en 202213 d’un doublement du crédit impôt recherche pour les dépenses sous-traitées à un organisme public.

La troisième famille concerne les appels à projets partenariaux. En général thématiques, ils sont émis par des opérateurs de l’État et sont réservés aux projets associant des partenaires publics et privés. Citons par exemple les projets structurants pour la compétitivité (PSPC, anciennement FUI), pilotés par Bpifrance et financés par le Programme d’investissements d’avenir, qui visent à renforcer l’écosystème des pôles de compétitivité en accompagnant certains projets de R & D menés conjointement par des entreprises et des laboratoires de recherche.

SATT, IRT, Instituts Carnot, de quoi s’agit-il ?

Les IRT sont des instituts de recherche interdisciplinaires. Ils associent des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des grands groupes et des PME autour d’un programme commun de recherche technologique. Ils mènent des activités allant de la R & D jusqu’à la valorisation économique des résultats. Il existe aujourd’hui huit IRT ayant chacun un domaine de recherche : la nanoélectronique, les structures composites, métalliques et hybrides, l’infectiologie et la microbiologie, les technologies du numérique, les infrastructures ferroviaires, l’usine du futur, les matériaux, procédés et métallurgie et enfin, l’aéronautique, l’espace et les systèmes embarqués. Il faut y ajouter par ailleurs neuf instituts pour la transition énergétique, qui sont le pendant des IRT dans le domaine de l’énergie.

Une société d’accélération du transfert de technologies (SATT) est la filiale d’un ou plusieurs établissements (universités et organismes de recherche), chargée de détecter et d’évaluer les inventions issues de laboratoires publics, pour les accompagner jusqu’à leur transfert vers des entreprises. Son activité comprend les dépôts de brevets, les opérations de preuve de concept, la création de start-up, le licensing. Il existe aujourd’hui 13 SATT, qui bénéficient d’un fonds d’investissement global de 856 millions d’euros, dédié en majeure partie à la constitution d’actifs de propriété intellectuelle et à l’investissement en projets de maturation.

Créé pour accroître le transfert de technologies vers les acteurs économiques, le label Carnot est décerné aux établissements de recherche qui s’engagent à conduire des travaux en partenariat avec des entreprises. Les établissements et laboratoires labellisés, appelés instituts Carnot, reçoivent des financements additionnels calculés en fonction du volume de leurs recettes contractuelles. Il existe aujourd’hui 39 instituts Carnot. Le réseau des instituts Carnot annonce la signature d’environ 9 500 contrats par an, dont un peu moins de la moitié avec des PME-ETI.

Au total, le soutien de la puissance publique aux partenariats de recherche public-privé et à la valorisation représente, au bas mot, de l’ordre de deux milliards d’euros par an. Ce chiffre est particulièrement difficile à obtenir du fait de la multiplicité des dispositifs et de leur interaction complexe avec le CIR. Il avait été obtenu par une mission d’évaluation en 201314 et commence à dater un peu, mais il n’y a pas de raison fondamentale que les grands équilibres sous-jacents aient changé. Voici comment on y parvient.

D’abord, les budgets alloués aux principaux dispositifs sont présentés dans le tableau ci-contre. Ils correspondent à des financements additionnels et n’incluent donc pas le coût complet des recherches concernées (par exemple le salaire de chercheurs publics qui travaillent avec les entreprises). À ces chiffres, il faut donc ajouter des budgets publics supplémentaires estimés à 730 millions d’euros par la mission d’évaluation de 2013. Enfin, il faut encore ajouter les financements issus de programmes pilotés par les régions et par l’Union européenne.

On peut donc garder en tête que la dépense publique spécifiquement fléchée vers la valorisation de la recherche représente de l’ordre de 10 % de l’effort public total de R & D.

Figure 1.2 – Coût annuel pour la puissance publique des principaux dispositifs de soutien à la recherche partenariale et à la valorisation

Sources : Groupe de travail n° 3 LPR (2019) et rapport du CNEPI (2016).

Une coopération favorable à chacun des acteurs

La recherche partenariale est bénéfique à l’innovation et par ricochet à la croissance et à l’emploi. Mais elle nourrit et renforce aussi chacun des acteurs impliqués : les entreprises (TPE, PME, ETI, grandes entreprises), les acteurs de la recherche publique et les administrations.

Pour les entreprises, la coopération avec la recherche publique a un triple intérêt. Le premier est d’accéder à des compétences présentes dans les établissements publics pour mener des projets répondant aux marchés de demain. Le deuxième est de faire émerger des innovations de rupture, du moins dans le registre technologique, qui s’obtiennent difficilement sans les apports de la recherche fondamentale (informatique quantique, vaccins…). Le troisième est de développer à coût partagé des innovations leur permettant de se positionner sur des activités à plus forte valeur ajoutée pour maintenir ou retrouver leur compétitivité.

Pour les acteurs de la recherche académique, les bénéfices sont variés. Un rapport aux ministres de l’Économie et de la Recherche de 201515 liste : « Les chercheurs et les enseignants-chercheurs peuvent trouver un intérêt à explorer de nouveaux champs d’investigation, associant souvent plusieurs disciplines, à développer des travaux de recherche jusqu’aux applications avec un bénéfice financier potentiel, à créer de la synergie en partageant les efforts humains et matériels. […] Les dirigeants des établissements publics de recherche peuvent souhaiter augmenter leurs ressources propres, développer la notoriété et la reconnaissance de leur établissement, ou atteindre d’autres objectifs fixés par le contrat avec l’État. »

Enfin pour les administrations centrales, ces coopérations permettent de trouver des débouchés à la recherche publique et d’augmenter les ressources des établissements sous leur tutelle, et inspirent les programmes de recherche et de formation ; « une bonne compréhension des attentes des entreprises par les enseignants-chercheurs ne peut que rendre plus pertinentes les formations et favoriser l’insertion professionnelle des étudiants. »16

Des cloisons encore étanches sur le terrain

Plusieurs des dispositifs décrits précédemment montrent des résultats encourageants. Les SATT par exemple ont accompagné la création de 256 start-up issues de laboratoires publics entre 2012 et 2018, dont 59 % développent des technologies « deeptech » (digital, cleantech, medtech et biotech)17. Surtout, au sein de ces start-up qui ont majoritairement été soutenues par Bpifrance, 38 % ont réalisé au moins une levée de fonds soit davantage que la moyenne française, qui est de 25 %.

Sur un autre plan, les conventions Cifre permettant aux doctorants de mener leur thèse dans une entreprise sont également appréciées par toutes les parties prenantes et en progression. En 2019, 1 450 Cifre ont été acceptées contre 1 200 en 2010 et 800 en 200018. L’excellente insertion des « docteurs Cifre » dans le monde du travail (90 % d’entre eux trouvent un emploi moins de 6 mois après l’obtention de leur diplôme19) montre en outre la reconnaissance accordée à ce parcours par les entreprises.

Néanmoins, l’investissement de l’État dans ces différentes mesures de soutien n’a pas révolutionné les pratiques sur le terrain. Plusieurs indica­­teurs font état d’une recherche partenariale (regroupant la recherche collaborative et la recherche contractuelle)20 encore très mesurée. On pense notamment à la part des dépenses de la recherche publique financée par les entreprises, qui traduit le montant des activités que ces dernières sous-traitent aux établissements publics (recherche contractuelle). Quand en Allemagne, en Corée du Sud ou aux Pays-Bas, les entreprises repré­­sentent entre 8 et 12 % du financement de la recherche publique, en France, ce taux n’a jamais dépassé 4,8 % au cours de la dernière décennie. Il a même baissé jusqu’à 3,9 % en 2019 (voir figure 1.3). Pour donner une idée plus précise des montants engagés, en France cela représente 713 millions d’euros. En Allemagne, où la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) est deux fois plus importante qu’en France (110 milliards d’euros en 2019 contre 53,5 milliards d’euros en France), les entreprises engagent plus de 4,1 milliards d’euros dans des contrats avec la recherche publique.

Figure 1.3 – Part de la dépense publique de R&D financée par les entreprises entre 2013 et 2019

(*) : donnée non connue pour le Royaume-Uni en 2019.
Source: OCDE./p>

D’autres indicateurs renseignent plutôt sur l’effort de recherche colla­­bo­­rative, c’est-à-dire la mise en commun de moyens matériels et humains. Là non plus, les résultats ne sont pas au beau fixe. Selon le tableau de bord européen de l’innovation (European Innovation Scoreboard, EIS) 2021, la France se situe au 22e rang mondial (sur 38 pays étudiés) en matière de copublications public-privé. C’est en outre le pays dans lequel cet indi­­cateur a le moins progressé depuis 2014. La France se situe tout juste au-dessus de la moyenne de l’UE, qui se situe à 130 copublications par million d’habitants, très loin derrière des pays comme la Suisse qui dépasse le seuil de 500.

D’autres indicateurs de l’EIS (2021), enfin, interrogent sur la capacité du système d’innovation français à exploiter pleinement les synergies entre les sphères publique et privée. En matière de dépôts de brevets par exemple, la France se situe à peine au-dessus de la moyenne européenne et fait deux fois moins bien que des pays comme Israël, la Suède ou la Finlande. Le décrochage est encore plus net sur l’indicateur « ventes de produits innovants » : selon l’EIS, les produits innovants (à la fois pour le marché et les entreprises) représentent moins de 8 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises (contre 11,6 % en moyenne dans l’UE) et la France est l’un des pays où ce chiffre a le plus baissé depuis 2014.

Les indicateurs ci-dessus sont tous partiels ; ils sont néanmoins confirmés par les acteurs économiques. L’enquête de satisfaction établie par le World Economic Forum, dans le cadre de son rapport annuel sur la compétitivité (WEF GCI), est en effet assez instructive de ce point de vue. À la question, « dans votre pays, dans quelle mesure coopèrent les entreprises et la recherche publique en R & D ? », la France a obtenu en 2014 la note de 4,7 (sur un maximum de 7), la plaçant au 29e rang mondial. En 2018, la note de la France ne s’établissait plus qu’à 4,2, faisant reculer le pays au 35e rang mondial.

Par ailleurs, dans le cadre de l’enquête capacité à innover et stratégie menée par l’Insee, seulement 17 % des entreprises technologiquement innovantes (i. e. en produit et/ou procédé) déclarent avoir collaboré avec la recherche publique entre 2014 et 2016.

Quelles causes profondes?

D’après les entretiens que nous avons menés, trois explications principales à la faiblesse du couplage entre recherche publique et entreprises se dégagent.

Une partie des personnes interrogées appréhende cette faiblesse dans un contexte plus général de déclin de la recherche en France. Elles consi­­dè­­rent la difficulté à convertir les résultats de la recherche en valeur socio-économique comme un des symptômes de ce déclin. Pour elles, celui-ci serait lié à un sous-investissement de la puissance publique dans la recherche, insuffisamment compensé par des mesures sectorielles partielles, comme le plan 3IA pour doper la recherche en intelligence artificielle. Cette vision est portée par un certain nombre de chercheurs – mais aussi par des entre­­prises – , qui demandent des moyens supplémentaires pour la recherche.

La France, un grand pays de la recherche mondiale ?

La position de la France dans le paysage de la recherche mondiale est un sujet suivi de près par l’ensemble de la communauté de la recherche. S’il est impossible de donner un indicateur unique qui rend compte de cette position, les indicateurs bibliométriques fournissent une idée correcte du paysage. Ces indicateurs incluent le nombre d’articles publiés ou le nombre de citations. En ce qui concerne le nombre de publications, la France pointe à la fin des années 2020 à la 8e place mondiale selon le Scimago Journal et à la 10e place selon la National Science Foundation, au sein d’un peloton qui inclut l’Italie, la Corée du Sud, le Canada, la Russie, l’Australie, l’Espagne, un cran derrière les leaders mondiaux que sont la Chine et les États-Unis, suivis du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Japon et de l’Inde.

Si on s’intéresse maintenant à l’évolution depuis une vingtaine d’années, on constate principalement un rééquilibrage de la part des publications au détriment des États-Unis et de l’Europe et au profit de l’Asie (en premier lieu de la Chine, mais aussi de la Corée du Sud). C’est l’évolution la plus marquante des 20 dernières années. Toutefois, la dégradation de la part de la France a été légèrement plus marquée que celle d’autres pays. Cela se traduit par exemple par le fait que l’Italie est passée devant la France en nombre de publications.

En termes de nombres de citations, la France est légèrement mieux classée, puisqu’elle pointe à la 7e place mondiale dans le classement établi par le Scimago Journal. Ce signal encourageant montre que les publications françaises ont encore un impact légèrement plus important que la moyenne.

En résumé, la position de la recherche française au sein du concert des nations s’est dégradée au cours des deux dernières décennies, et notre pays n’est pas un leader de la recherche mondiale. Néanmoins, il reste l’un des rares pays au monde à couvrir l’ensemble des champs disciplinaires et ces indicateurs sont globalement à lire avec discernement, tant ils peuvent être instables : par exemple, en 2021, la France a gagné 5 places à l’Index mondial de l’innovation, pour se hisser au 11e rang, derrière l’Allemagne et devant la Chine.

Pour d’autres, le problème provient avant tout de structures administratives inadaptées et de lourdeurs statutaires. Ce problème trouve le plus souvent des tentatives de réponse qui ont au contraire tendance à l’amplifier. Les décideurs publics ont en effet tenté diverses réformes (nouvelles dérogations, nouvelles structures, etc.), qui sont à l’origine d’une inflation du millefeuille administratif qu’est devenu le « système » de recherche français. Pour illustrer ce problème, citons une enquête publiée par l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé (Ariis) en 2012, indiquant « qu’il faut compter 7,2 mois pour signer un accord entre deux partenaires en France » et que « ce délai dépasse les 12 mois quand l’association atteint quatre membres publics ou privés ». « Ces chiffres sont à comparer avec le MIT où un accord peut être signé en quelques jours », rapporte un article des Échos citant alors le président de l’Institut de la Vision à Paris : « Selon cet habitué des PPP, l’Hexagone souffre toujours d’une administration trop tatillonne. “On crée des structures administratives dans laquelle doivent rentrer les projets. Il faudrait faire exactement l’inverse.” »

Certains enfin constatent avant tout des verrous culturels à l’origine de ce blocage. Un constat qui n’est pas nouveau ; commentant un rapport de l’OCDE sur le système français de recherche, Maurice Arvonny, scienti­­fique et journaliste, écrivait déjà dans Le Monde en 1986 : « La coupure entre l’Université et l’industrie, le statut «particulièrement médiocre» des chercheurs dans l’industrie, la «logique bureaucratique» qui s’oppose aux tentatives de déconcentration, les «nombreuses rigidités bureaucratiques, corporatistes et idéologiques», sont pour l’essentiel des maladies culturelles auxquelles on ne connaît aucun remède simple ».

  • 5 – Source : OCDE. Les entreprises ont représenté près de 66 % de la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) en 2019, qui s’est élevée à 53,5 milliards d’euros (2,2 % du PIB).
  • 6 – Le CIR permet aux entreprises de déduire jusqu’à 30 % de leurs dépenses de recherche pour des dépenses inférieures ou égales à 100 millions d’euros (5 % pour des dépenses supérieures à ce montant).
  • 7 – Selon le rapport d’évaluation du crédit d’impôt recherche de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), 2021.
  • 8 – Rapport sur la valorisation de la recherche de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, 2007.
  • 9 – Dans une réponse du ministère à une question du sénateur Philippe Adnot, rapporteur de la commission des finances pour son rapport sur la valorisation de la recherche dans les universités du 10 mai 2006.
  • 10 – Le SGPI est chargé de la mise en œuvre du Programme d’investissements d’avenir.
  • 11 – 62 dispositifs de soutien à l’innovation sont dénombrés par la CNEPI en 2016. Notons néanmoins que le périmètre de cette étude était plus important que celui qui nous intéresse ici, puisqu’il englobe également par exemple des dispositifs à destination des start-up.
  • 12 – La loi Allègre a notamment autorisé les chercheurs à participer à la création d’une société, en tant que dirigeant ou associé.
  • 13 – Depuis le 1er janvier 2022, les entreprises ne peuvent plus bénéficier du doublement du CIR. La loi de finances pour 2021 a supprimé cette disposition qui créait une distorsion de concurrence entre organismes public et privé.
  • 14 – Ministère de l’Économie et des Finances, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ministère du Redressement productif (2013).
  • 15 – Legait B. et al. (2015), Les relations entre les entreprises et la recherche publique. Lever des obstacles à l’innovation en France.
  • 16 – Ibid.
  • 17 – Selon une étude d’impact de Bpifrance.
  • 18 – «L’état de l’emploi scientifique en France», 2020.
  • 19 – Ibid. Le secteur privé R&D est la voie majoritaire d’embauche des docteurs Cifre diplômés en 2014 (42 %), puis vient le privé hors R&D (26 %). Inversement, pour les docteurs qui n’ont pas bénéficié du dispositif Cifre, le premier employeur est le secteur académique, puis le secteur public hors R&D (respectivement 51 % et 19 %).
  • 20 – La recherche partenariale comprend la recherche contractuelle et la recherche colla- borative. La première désigne la sous-traitance d’une activité de recherche à un laboratoire public. La deuxième concerne des collaborations où les moyens humains et financiers sont partagés.
Chapitre 2

Favoriser une connaissance mutuelle des acteurs de la recherche

Au-delà de la seule question de la contractualisation, il est important de favoriser une meilleure connaissance mutuelle des acteurs pour abattre les épaisses cloisons existant encore entre la recherche publique et le secteur privé, afin de faciliter les mobilités comme les coopérations.

Au cours de leur formation comme dans leur activité professionnelle, les agents du secteur privé, en particulier les cadres, ont en effet peu d’occasions de côtoyer des chercheurs académiques et de plonger dans leurs travaux. De leur côté, les chercheurs publics peuvent mener une carrière complète sans jamais ni mettre les pieds dans une entreprise ni s’interroger sur ce que pourraient même y apporter leur savoir-faire et leur inventivité.

La faible connexion entre les personnels des entreprises et ceux de la recherche publique s’accompagne en outre d’une forme de méfiance réci­­proque de nature à renforcer la scission entre ces deux mondes. C’est en tout cas ce qu’il ressort de nos entretiens ; un cadre supérieur d’une grande entreprise française nous a indiqué par exemple qu’il valait mieux ne pas « gâcher son talent » en choisissant d’effectuer un doctorat plutôt que d’aller dans le monde de l’entreprise. Un membre du Conseil national des universités (CNU) nous a affirmé pour sa part qu’afficher des collaborations avec les entreprises déprécie de facto la qualité d’un dossier pour l’attribution de la Prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR)21, qui constitue l’essentiel de la part variable de la rémunération des chercheurs.

Faire entrer la recherche publique dans l’univers des cadres et des personnels d’innovation du privé

On peut relever deux grands symptômes de la faible exposition des équipes du secteur privé au monde de la recherche publique.

Le premier est le faible nombre de docteurs présents dans les équipes R & D des entreprises. En effet, si la recherche s’intensifie dans les effectifs des entreprises françaises (voir encadré ci-contre), les docteurs, plus imprégnés de la culture de la recherche publique, ont encore du mal à y trouver leur place. En entreprises, les chercheurs sont en majorité titulaires d’un diplôme d’ingénieur (56 %) ; seuls 12 % sont titulaires d’un doctorat (dont plus d’un quart l’ont obtenu après leur diplôme d’ingénieur). À l’inverse, la part des docteurs est plus importante dans la recherche académique, comme au CNRS ou à l’université, car il faut nécessairement disposer d’un doctorat pour postuler comme maître de conférences ou chargé de recherche.

La proportion de docteurs en R & D privée est du même ordre de grandeur que celle des docteurs parmi les directeurs de l’innovation ou de la recherche des entreprises du CAC 40 à la fin 2020 (on compte 7 docteurs, soit 17,5 %). Deux d’entre eux sont issus du système russe (Gregory Ludkovsky, ArcelorMittal et Nigyar Makhmudova, Danone), un du système allemand (Norbert Gorny, Essilor) et un du système amé­­ri­­cain (John Reed, Sanofi). Les trois docteurs issus du système français sont tous polytechniciens (Armand Ajdari, Saint Gobain ; Stéphane Cueille, Safran ; Claire Waysand, Engie)22.

Où travaillent les chercheurs ?

Les activités de R & D en France mobilisent 442 000 personnes23 en équivalent temps plein (ETP) pour la recherche, dont un peu plus de 296 000 chercheurs (chiffres de 201724). Ces chercheurs (ingénieurs, docteurs, etc.) travaillent majoritairement dans des entreprises : à hauteur de 61 % en 201725 (dont plus de la moitié dans l’industrie manufacturière), un chiffre qui correspond à la part des entreprises dans la DIRD (66 %). Depuis 2007, les effectifs de chercheurs dans les entreprises ont progressé plus vite que ceux de l’ensemble des personnels de R & D : + 4,7 %, contre + 2,5 % en moyenne par an. Les effectifs de chercheurs ont ainsi augmenté de 59 % depuis 2006.

En revanche, si on monte encore dans la hiérarchie des grandes entreprises, la part des docteurs au sein des dirigeants s’appauvrit. Sur les quarante dirigeants des entreprises du CAC 40, seuls deux sont des docteurs, dont un issu du système allemand, Thomas Buberl chez AXA, et un du système français, Bernard Charlès chez Dassault Systèmes (une des seules entreprises du CAC 40 sur un marché à haute intensité de recherche). À titre de comparaison, la moitié des dirigeants d’entreprise du DAX, l’indice boursier allemand, est titulaire d’un doctorat.

Les écoles d’ingénieurs et de commerce, des acteurs mineurs dans la recherche collaborative

La recherche fait partie des missions des écoles d’ingénieurs et des écoles de commerce qui forment la grande majorité des cadres supérieurs des entreprises françaises.

Néanmoins, en se fondant sur le nombre de brevets déposés, en volume, ces écoles restent, en toute logique, marginales face aux universités et instituts de recherche nationaux, même en se restreignant au champ de la recherche appliquée. Ces derniers continuent de dominer le champ de la recherche colla­­borative. À titre d’exemple, parmi les 10 plus gros déposants publics de brevets à l’INPI en 2020, on ne compte ni école d’ingénieurs ni école de commerce mais le CEA, le CNRS, 3 instituts nationaux, 3 universités et 2 entreprises publiques26. Ce constat est le même pour les codépôts académique-entreprise avec 4 instituts nationaux et 4 universités27. En outre, la scolarité dans ces écoles est souvent peu en lien avec les activités de recherche, et les élèves n’ont ainsi que peu d’exposition à la recherche pratiquée en leur sein. Il faut cependant noter que certaines écoles ont une intensité de recherche collaborative très importante, mais ce sont en général des établissements de taille beaucoup plus modeste que les universités et établissements nationaux.

Bien sûr, il n’est pas nécessaire pour leur réussite que les grandes entreprises soient dirigées par des docteurs mais ce constat est en lien avec le deuxième grand symptôme de la faible exposition des cadres du privé à la recherche publique : le profil des dirigeants des grandes entreprises. En France, les fonctions d’encadrement et de décision des entreprises sont majoritairement occupées par des personnes formées par le système des grandes écoles (voir figure 2.1), tandis que la majorité des encadrants issus de la recherche académique, même appliquée, se concentre dans les centres de recherche et universités.

Cette dichotomie, qui n’a pas d’équivalent dans la plupart des autres pays, est profondément ancrée dans la culture française. Il faut donc travailler à ce que deux mondes, qui ne sont pas prêts à fusionner, se rencontrent et se parlent.

Figure 2.1 – Formations les plus représentées au sein des fonctions dirigeantes du CAC 40 en 2020

Note: L’étude porte sur la formation d’une soixantaine de dirigeants du CAC 40. Sont pris en compte, selon les types de gouvernance, les directeurs généraux, les présidents
du conseil d’administration ou encore les présidents du directoire et présidents du conseil de surveillance. La plupart des dirigeants sont diplômés de deux écoles.
Source : Recto Versoi pour Les Échos Start du 26 octobre 2020.

Créer des passerelles temporaires du privé vers la recherche publique

La faible présence des docteurs parmi les cadres dirigeants des entreprises et la faible exposition de ces derniers à la recherche académique est un frein au rapprochement public-privé et à une bonne connaissance mutuelle de ces deux univers.

Il faut donc trouver des moyens souples et astucieux pour mettre une partie des salariés, encadrants et entrepreneurs durablement au contact des chercheurs. Les carrières mixtes, comprenant des passages de longue durée de personnel privé dans la recherche publique, sont amenées à rester marginales, les personnes embrassant une carrière dans le privé ou dans le public ayant le plus souvent des aspirations différentes et des construc­­tions de carrière souvent incompatibles. Néanmoins, il est possible d’imaginer des séjours de personnels de recherche privée au sein d’établissements publics, cofinancés par l’employeur privé et la puissance publique. Du côté de l’entreprise privée, c’est un accès à la formation par la recherche. Du côté de la puissance publique, cela permet de créer des collaborations de recherche autour de thématiques intéressantes pour les entreprises.

Le plan de relance a concrétisé cette idée, à travers sa mesure Préservation de l’emploi de R & D (voir encadré ci-contre). Cette mesure contient plusieurs volets, dont la possibilité d’une mise à disposition temporaire de per­­sonnels de recherche privée dans des laboratoires publics. Bien qu’elle ait été imaginée dans un contexte de crise, pour soulager temporairement les employeurs privés à court de trésorerie, nous proposons de pérenniser cette mesure, sous réserve d’une évaluation de son impact. Les équilibres financiers précis sont sans doute à réévaluer pour en garantir l’attractivité et la pertinence hors contexte de crise. En tout état de cause, le coût total de cette pérennisation serait nettement inférieur à celui engagé dans le cadre du plan de relance (l’enveloppe dédiée à cette mesure est de 300 millions d’euros sur 3 ans) et se situerait plutôt entre 10 et 40 millions d’euros par an, selon l’ambition souhaitée28.

Mesure de préservation de l’emploi R & D du plan de relance

Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a prévu une mesure destinée à préserver – et à conserver en France – les capacités humaines de R & D des entreprises, à soutenir l’emploi des jeunes diplômés et à renforcer les liens entre la recherche publique et privée par la mobilité des personnels. Cette mesure, opérée par l’Agence nationale de la recherche, contient quatre « actions ».

Deux sont à destination des personnels de recherche privée et sont celles que nous appelons à pérenniser :
• mise à disposition temporaire (12 à 24 mois) dans un laboratoire public ;
• possibilité d’effectuer une thèse (36 mois) en partenariat avec un labo­­ratoire public.

Deux sont à destination des jeunes diplômés :
• embauche de jeunes diplômés de niveau master dans un laboratoire public pour 12 à 24 mois avec accueil à temps partiel (80 %) au sein d’une entreprise ;
• recrutement de jeunes docteurs par un laboratoire public pour 12 à 24 mois avec accueil à temps partiel (80 %) au sein d’une entreprise.

L’État prend en charge la rémunération des personnels de R & D engagés dans cette collaboration à hauteur de 80 % (ou à hauteur de 50 % lorsque le salarié s’engage dans une formation doctorale). Cette prise en charge est plafonnée à hauteur de 63 000 euros/an pour les salariés affectés à une structure de recherche publique.

La première vague de cette mesure s’est terminée en décembre 2020, et a donné lieu à une dépense totale de 239,3 millions d’euros pour environ 2 000 bénéficiaires.

Proposition n° 1 : Pérenniser le cofinancement de la mise à disposition tempo­­raire (12 à 36 mois) de personnels de recherche privée dans des laboratoires publics. Une mise à disposition de 36 mois pourra donner lieu à la préparation d’une thèse de doctorat.

Créer des lieux dédiés à la recherche partenariale dans les pôles universitaires

Au-delà des mobilités, deux leviers additionnels peuvent être actionnés. Le premier porte sur la création de lieux dédiés à la recherche partenariale et à la valorisation. Ces lieux seraient des espaces physiques, suffisamment grands, bien aménagés, conviviaux et ouverts, visant à accueillir et incarner physiquement les travaux collaboratifs entre recherche publique et entre­­prises. Les activités qui pourraient y être menées incluent, de manière non exhaustive, l’hébergement permanent de chercheurs publics et privés, des services administratifs de valorisation, l’organisation d’événe­­ments, la restauration, l’accueil temporaire de chercheurs pour des séances de travail, des réunions, des expériences, etc. Citons trois exemples pertinents de ce type d’agora ouverte.

Premier exemple, l’université de Bordeaux, qui est la première université de France en nombre de brevets co-déposés avec des entreprises. Un des facteurs de réussite identifiés est la création de plateformes de services à disposition des spin-off de l’université mais aussi des entreprises qui en font la demande. 32 plateformes ont ainsi été labellisées par l’université et intégrées au sein de la Fédération des plateformes de recherche de Bordeaux. Citons à titre d’illustration la plateforme BioProt qui met à disposition de la communauté un ensemble d’équipements spécialisés et complémentaires dans le domaine de la biochimie et de la biophysique des protéines. Elle fournit également un panel de services en relation avec ces techniques, allant de la production et purification de protéines jusqu’aux études d’interactions biomoléculaires. Ce type de plateforme est un produit d’appel pour créer un premier contact et faire connaître l’offre de recherche de l’établissement. L’université de Bordeaux héberge enfin des entreprises innovantes dans ses bâtiments, en essayant de les faire travailler avec les laboratoires de recherche.

Le deuxième exemple est celui de TotalEnergies qui a souhaité créer au sein de l’École polytechnique un bâtiment de R & D ouvert, où les personnes extérieures (dont les élèves) pourraient travailler et manger. Ce projet a été très médiatisé en raison des conditions dans lesquelles il a été mené, et a été abandonné récemment à cause des recours en justice de certaines parties prenantes. Sans émettre d’opinion sur ce projet en particulier, il s’agit ici de noter que l’idée intéresse suffisamment pour être portée au plus haut niveau de gouvernance d’une entreprise du CAC40 et d’une école de premier plan. L’échec de ce projet tend à montrer que ce type d’initiative devrait être porté par un établissement public plutôt que par une entreprise.

Le dernier exemple enfin est la récente création à Sorbonne Université du Sorbonne Center for Artificial Intelligence, qui accueille à demeure dans le même espace des chercheurs publics et des start-up. Des salles sont dispo­­nibles pour organiser des réunions ou des événements. Cet espace héberge ainsi de manière très régulière des événements qui regroupent des personnes d’horizons variés (chercheurs publics et privés, juristes, artistes, etc.) intéressés à échanger autour de problématiques d’intelligence artificielle. De tels échanges seraient plus difficiles à mettre en place sans un lieu dédié.

Malheureusement, ces exemples sont marginaux, et contrastent avec la situation générale, les laboratoires de recherche français étant relativement fermés sur l’extérieur. Or, Suzanne Berger, professeure au MIT et auteure du rapport Reforms in the French Industrial System, identifie l’ouverture vers l’extérieur des universités américaines, et en particulier du MIT, comme un avantage compétitif majeur vis-à-vis de leurs homologues françaises.

Notre proposition vise donc à généraliser ces expérimentations et à multiplier le nombre de véritables pépinières de recherche sur le territoire. Cela passe par la création de lieux ouverts, comme décrits précédemment, mais également par leur animation, afin de créer une véritable émulation entre les différentes parties prenantes. Une échelle réaliste pour leur implantation pourrait être celle des futurs Pôles universitaires d’innovation (PUI) dont nous parlerons au chapitre suivant, soit celle d’un pôle de recherche régional. Le spectre des possibilités est très large et il s’agit de laisser toute latitude aux acteurs locaux dans la mise en œuvre de cette proposition, en fonction des spécificités locales (prix du foncier, ressources mobilisables, champs de recherche concernés, etc.)

Proposition n° 2 : Créer un lieu dédié à la recherche partenariale sur chaque site.

Renforcer l’IHEST pour en faire « l’IHEDN de la recherche »

Le second levier consiste à s’appuyer sur la formation continue pour créer des temps de contact et d’acculturation des cadres du privé, des chercheurs et également d’autres membres de la société civile à la recherche publique. Dans cet objectif, l’Institut des hautes études en sciences et technologies (IHEST) est un lieu de formation à privilégier. Sa pédagogie repose en effet sur « une hybridation des connaissances scientifiques et des dimen­­sions sociétales » et « une confrontation à des points de vue différents au sein de promotions constituées pour être représentatives de la mixité culturelle et professionnelle de la société ». Pour autant, ses moyens et son rayonnement restent limités face à ceux d’autres instituts, tel que l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Dans le cadre de ses cycles longs de formation, d’une trentaine de jours répartis sur une année, l’IHEDN réunit des militaires et des civils de divers corps de métiers pour des conférences, des immersions et surtout des travaux de réflexion approfondis en groupes mixtes autour de problématiques stratégiques de la Défense nationale. Là aussi, ces formations présentent l’avantage d’une pédagogie basée à la fois sur les interventions de spécialistes de haut niveau et sur un contact soutenu et un enrichissement croisé des auditeurs.

L’écart existant entre ces deux instituts tient à trois différences majeures. D’abord, l’IHEDN a plus de 80 ans tandis que l’IHEST n’a qu’une quinzaine d’années et a donc disposé de moins de temps pour développer son réseau et démontrer sa plus-value. Ensuite, les promotions de l’IHEST, de l’ordre de 50 personnes par an, sont de taille beaucoup plus modeste que celles de l’IHEDN qui sont d’environ 250 personnes. Cette différence est proportionnelle aux dotations de ces instituts, l’IHEDN disposant d’une subvention pour charges de service public 3,5 fois plus importante que celle de l’IHEST (5,2 millions d’euros par an, pour un budget total de 7,8 millions d’euros en 202029 contre 1,5 million d’euros par an en 202030). Enfin, l’IHEDN est sous tutelle du Premier ministre, ce qui lui permet de toucher une population plus large, allant au-delà du périmètre des ministères des Armées, de l’Europe et des Affaires étrangères, tandis que l’IHEST est rattaché au seul ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).

Compte tenu de l’apport des sciences et technologies sur l’ensemble de l’action de l’État, nous proposons de renforcer significativement le rôle de l’IHEST, en le plaçant dans une situation similaire à celle de l’IHEDN, y compris sur le plan budgétaire.

Proposition n° 3 : Renforcer le rôle de l’IHEST en le plaçant sous la tutelle du Premier ministre et en augmentant significativement ses subventions.

En outre, nous suggérons la création d’un cycle31 « Recherche et entreprise » à l’IHEST, qui permettrait de sensibiliser des personnes spécifiquement à ces questions, en ciblant plus particulièrement les responsables des ressources humaines de grandes entreprises. Ces derniers participent active­­ment à la définition des cibles de recrutement des entreprises et à la consti­­tu­­tion de « parcours types » des salariés en fonction de leur niveau de formation (Graduate Program, grilles salariales). Or, le diplôme du doctorat est souvent peu considéré ; en caricaturant, les docteurs sont soit rangés dans le grand « fourre-tout » des études universitaires, soit évalués en fonction de l’école d’ingénieur qu’ils ont faite avant leur doctorat.

La connaissance des entreprises, un atout pour la recherche publique

Dans cet objectif, il serait intéressant de proposer aux chercheurs publics de tels contacts suivis avec les entreprises. Bien entendu, l’idée n’est pas d’imposer une telle démarche à l’ensemble des chercheurs même si l’on note que la plupart des disciplines scientifiques pourraient être concernées, y compris les humanités. Il s’agit de permettre au corps de recherche d’être au fait des défis et du fonctionnement des entreprises afin de mener à bien les objectifs de valorisation socio-économique de la recherche publique.

Malheureusement, la distance entre la situation réelle et cet objectif – évaluée à maintes reprises32 – ne se réduit que lentement malgré des aménagements législatifs offrant toujours plus de possibilités de mobilité pour les chercheurs (loi Allègre, loi Pacte, loi de programme pour la recherche de 2006 par exemple). Entre 2000 et 2019, la commission de déontologie, dont la consultation était obligatoire avant l’entrée en vigueur de la loi Pacte33, a émis un avis favorable pour à peine plus de 1 500 demandes de mobilité vers le privé, soit moins de 100 par an34.

Le problème n’est donc pas d’effacer d’éventuelles rigidités du système mais de créer des situations dans lesquelles une telle mobilité est dans l’intérêt des chercheurs. À travers cela, il s’agit de faire entrer la valorisation et plus largement la connaissance des entreprises au sein du métier des chercheurs, sans pour autant en faire un passage obligé. Cela passe, entre autres, par une meilleure prise en compte de l’expérience acquise dans ce domaine et par une intégration pratique de cette dimension à la formation doctorale.

Intégrer les contacts avec le privé à l’évaluation des chercheurs

On l’a vu dans le premier chapitre, la part de la recherche publique financée par les entreprises, qui permet de mesurer l’intensité de la R & D contractuelle, est peu élevée en France (3,9 % en 2019) en comparaison avec l’Allemagne où elle frôle les 12 %. Elle montre néanmoins qu’il n’existe pas de réticence généralisée à la recherche partenariale. Cette observation doit être renforcée par le fait que ces collaborations sont réalisées au détriment de l’avancement de carrière des chercheurs, puisqu’elles ne participent pas à la progression du nombre de publications qui est à ce jour la pierre angulaire de leur évaluation. La course mondiale à la publication et aux validations académiques est en effet plus que jamais le déterminant principal de la carrière des chercheurs. Mais, tout en s’accommodant de ce fait, il nous semble nécessaire de trouver des modalités permettant de récompenser les collaborations des chercheurs avec le privé.

Mobilités des personnels de la recherche

Trois cas de figure existent pour la mobilité des personnels permanents de la recherche publique vers le privé : les départs définitifs et les carrières mixtes, qui peuvent être transitives (allers-retours) ou cumulatives (cumul d’activité).

Les départs définitifs vers le privé ont cette vertu d’irriguer le secteur privé avec les connaissances scientifiques. Néanmoins, on peut comprendre que l’État cherche à les modérer parce qu’ils appauvrissent d’autant les labo­­ra­­toires publics. Et, dans certains cas, cela finit par être au détriment du secteur privé, en cas d’affaiblissement durable des ressources publiques. Un exemple de ce risque nous a été rapporté lors de nos entretiens : presque tous les membres d’une équipe spécialisée en intelligence artificielle ont quitté leur institut pour rejoindre les géants du numérique, diminuant ainsi le personnel public de haut niveau sur ce sujet en France.

Les carrières mixtes transitives, avec des allers-retours, sont en pratique peu réalistes pour les raisons évoquées précédemment. Les carrières mixtes avec cumul d’activité sont donc également une piste à envisager. Le cumul d’activité a progressivement été rendu plus facile d’un point de vue administratif, en particulier grâce à la loi Allègre de 1999. Néanmoins, en pratique, les critères d’évaluation de la recherche publique sont centrés autour de l’activité académique (bibliométrie, encadrement d’étudiants, rayonnement), qui n’est pas ou peu présente dans la recherche en entreprise, et n’inclut pas ou peu les activités de valorisation. Ainsi une mobilité ou un travail en coopération avec une entreprise ne sont pas encouragés par les critères d’évaluation de la recherche publique. Ceci est particulièrement problématique pour les jeunes chercheurs qui ont besoin d’une validation par leurs pairs pour leur progression de carrière (habilitation à diriger des recherches, qualification puis recrutement comme professeur ou assimilé, voir encadré ci-après). Ces obstacles sont délicats à dépasser, même si la possibilité ouverte par la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) de recruter des personnels de recherche sans passer par les qualifications du CNU ouvre des pistes intéressantes. En effet, elle permet aux établissements de recruter (ou promouvoir) des chercheurs qui auraient des compétences de valorisation socio-économique pertinentes du point de vue de l’établissement, mais peut-être une activité académique légèrement en deçà des exigences du CNU.

L’évaluation et la promotion des chercheurs publics

Le système d’évaluation des chercheurs publics repose principalement sur l’évaluation par les pairs. Pour l’illustrer, prenons l’exemple d’une carrière au sein des universités, qui concerne la majorité des chercheurs publics. Les autres structures (établissements nationaux, écoles) fonctionnent généralement selon des modalités similaires, basées sur des évaluations régulières par des instances composées de pairs.

Les carrières universitaires sont jalonnées de deux grandes étapes : le recrutement dans le corps des maîtres de conférences qui a lieu en moyenne à 33 ans et 5 mois, puis le recrutement dans le corps des professeurs des universités qui a lieu en moyenne à 44 ans et 8 mois.

Chacun de ces deux jalons nécessite trois étapes : la rédaction et la soutenance d’un travail de recherche (respectivement thèse de doctorat et d’habilitation à diriger des recherches), la qualification au niveau national par le Conseil national des universités (CNU) et le recrutement au niveau local par un établissement.

Entre ces jalons, les promotions au sein de chaque corps suivent également une procédure mixte entre le niveau national et le niveau local : certaines promotions sont décidées au niveau national par le CNU et d’autres au niveau local, par les établissements. De même, la Prime d’enseignement doctorale et de recherche, qui est la part variable de la rémunération des chercheurs associée à leur activité de recherche, est attribuée (localement) par les établissements de recherche après avis national du CNU.

L’autonomie des universités puis la Loi de Programmation pluriannuelle de la Recherche (LPR) ont progressivement renforcé l’échelon local. En particulier, la LPR prévoit, dans le cadre d’une expérimentation, la possibilité pour les éta­­blis­­sements de recruter une partie des enseignants-chercheurs sans quali­­fication préalable par le CNU.

Participation à des partenariats de recherche

Décharger les enseignants-chercheurs qui le souhaitent d’une partie de leur service d’enseignement peut faciliter la réalisation de leur mission de valorisation de la recherche. C’est aujourd’hui légalement possible, mais peu réalisé en pratique du fait de la nécessité de trouver des ressources additionnelles pour assurer le service d’enseignement. Le fléchage d’un finan­­cement spécifique pourrait combler cet écueil. Un tel financement pourrait provenir de trois sources : les Programmes d’investissement d’avenir (pour les recherches dans les secteurs concernés), le financement des Pôles universitaires d’innovation (voir plus loin) et enfin les finan­­ce­­ments issus de contrats avec des entreprises. À titre d’illustration, décharger 1 000 enseignants-chercheurs de la moitié de leur service (environ 100 heures d’enseignement) coûterait de l’ordre de 10 millions d’euros, un coût tout à fait raisonnable au regard des sommes engagées dans les investissements d’avenir.

Proposition n° 4 : Financer spécifiquement la décharge d’heures d’ensei­­gnement pour réaliser des travaux de recherche partenariale.

Rencontrer le secteur privé dès la formation doctorale

Près de 16 000 docteurs sont diplômés chaque année (13 500 hors santé, médecine et biologie). Ils constituent les futures sources vives de la recherche française (et internationale) mais sont malheureusement très peu exposés aux problématiques du monde socio-économique dans le cadre de leur formation.

Lors du doctorat, hors du cadre de la thèse Cifre dont le nombre annuel est limité, les doctorants n’ont que peu de moyens de s’ouvrir en dehors de la sphère académique. La première possibilité est de réaliser une mission de conseil, mais cela reste en pratique méconnu et anecdotique. Une jeune docteure de l’université Paris Sciences & Lettres nous a raconté avoir dû rédiger elle-même sa convention pour sa mission de conseil en entreprise, tant la démarche est inconnue dans son université, pourtant une des plus prestigieuses de France. La deuxième possibilité est d’effectuer une césure d’un an maximum durant le doctorat. Celle-ci est accordée « à titre exceptionnel, sur demande motivée » par le chef d’établissement. Mais, bien que nous ayons pu recenser quelques exemples, on peut affirmer que cet outil demeure relativement anecdotique et méconnu du public cible. Enfin, la possibilité de réaliser des stages n’est généralement pas prévue pendant le doctorat.

Or, dans le cadre de la formation à et par la recherche, une exposition au secteur privé semble pertinente, en particulier dans les disciplines les plus en prise avec le monde socio-économique. Si le doctorant choisit de rester dans la recherche publique, cela lui donnera une ouverture d’esprit intéressante. En cas d’orientation vers le privé, cette expérience est bénéfique pour son employabilité. Ainsi, nous proposons de donner réellement l’opportunité à chaque doctorant d’acquérir une expérience dans le secteur privé. Cela pourrait prendre la forme de stages, de missions de conseil ou de séjours longs dans le cadre d’une césure. Cette exposition peut avoir lieu au sein de fonctions de R & D mais aussi dans des fonctions métiers.

Notons que cette proposition ne doit pas se limiter aux sciences « dures », parfois perçues comme plus proches des besoins des entreprises, quand d’autres disciplines scientifiques seraient hors-sol par rapport au monde socio-économique. En réalité, les défis modernes sont caractérisés par une interdisciplinarité croissante, et il apparaît très intéressant de mettre des jeunes chercheurs en sciences sociales au contact d’organisations culturel­­lement marquées par les sciences de l’ingénieur. Citons à titre d’exemple un doctorant en sociologie des organisations qui a fait « son terrain » chez ENGIE pour étudier la transformation de l’organisation pendant le mandat d’Isabelle Kocher à la direction générale de l’entreprise.

La mise en œuvre de cette proposition pourrait être déclinée en plusieurs étapes.

Premièrement, alléger significativement les lourdeurs administratives qui freinent la réalisation de césures pendant la thèse et ouvrir la possibilité de réaliser des stages. Cela passe par l’inclusion d’une clause de suspension dans les contrats doctoraux, afin d’interrompre le versement de la bourse doctorale, pour permettre aux doctorants de réaliser des stages ou des césures. Cela passe également par un assouplissement des règles des écoles doctorales quant à la durée des thèses. Concrètement, il faut permettre que les mois passés en césure ou en stage ne soient pas comptabilisés comme des mois de thèse, afin de permettre ces interruptions courtes du parcours doctoral.

Deuxièmement, communiquer, en particulier à destination des entreprises, sur l’opportunité de proposer de tels stages.

Troisièmement, inscrire dans les objectifs des écoles doctorales un objectif quantitatif d’augmentation de la proportion de doctorants ayant eu un contact suivi avec le monde socio-économique (dans le cadre d’un stage, une thèse CIFRE, une mission de conseil, etc.).

Quatrièmement et enfin, envisager de rendre obligatoire, dans certaines disciplines, un contact avec le monde socio-économique avant ou pendant la thèse. On peut ici s’inspirer du titre d’ingénieur dont la délivrance est soumise à un certain nombre de conditions, dont la réalisation de stages, le plus souvent en entreprise.

Proposition n° 5 : Donner réellement l’opportunité à chaque doctorant d’acquérir une exposition au secteur privé au cours de sa thèse.

 

  • 21 – Cette prime est accordée aux chercheurs de tous statuts (professeur des universités [PU], maître de conférences des universités [MCU]) par leur université « en raison d’une activité scientifique jugée d’un niveau élevé au regard notamment de leur production scientifique, de l’encadrement doctoral et scientifique, de la diffusion de leurs travaux et des responsabilités scientifiques exercées, d’une contribution exceptionnelle à la recherche, ou parce qu’ils ont été lauréats d’une distinction scientifique de reconnaissance nationale ou internationale » (décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009 relatif à la prime d’encadrement doctoral et de recherche attribuée à certains personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche). Elle est attribuée pour une période de quatre ans renouvelable.
  • 22 – Certains ont changé d’entreprise ou de fonction depuis la rédaction de cet ouvrage.
  • 23 – Le personnel de recherche comprend les chercheurs et le personnel de soutien (techni- ciens, ouvriers, personnels administratifs).
  • 24 – « L’état de l’emploi scientifique en France », 2020.
  • 25 – Ce taux est proche de celui de l’Allemagne et des Pays-Bas, respectivement 60 % et 63 % en 2017. Il est moins élevé que ceux d’Israël, de la Corée et du Japon qui culminent respectivement à 87 %, 81 % et 74 %. En Espagne, au Royaume-Uni et en Italie, 37 %, 38 % et 43 % des chercheurs travaillent en entreprise.
  • 26 – Top 10 des établissements de recherche, d’enseignement supérieur et établissements de l’État déposants de brevets, INPI (2020).
  • 27 – Le palmarès des déposants de brevets, Institut national de la propriété industrielle, INPI (2020).
  • 28 – Pour effectuer ce calcul, nous nous sommes basés sur une estimation de 100 à 400 nouvelles mobilités annuelles avec un soutien public de 50 000 euros par personne et par an (hors temps de crise, le soutien de l’État pourrait être diminué de 80 % à 50 %), soit 100 000 euros pour une mobilité de deux ans (temps moyen d’une mobilité).
  • 29 – IHEDN (2020).
  • 30 – IHEST (2020).
  • 31 – Chaque cycle national de formation s’étend de septembre à juin et porte sur une thématique particulière. Le cycle 2021-2022 a par exemple pour thème «Mobiliser les ressources pour les transitions : transformations, ruptures, métamorphoses ». Chaque cycle permet d’obtenir une certification sur la compétence «Utiliser la démarche scientifique dans la prise de décision ».
  • 32 – Rapport sur la valorisation de la recherche, IGF/IGAENR, janvier 2007, pages 62 à 68.
  • 33 – Promulguée le 22 mai 2019, cette loi est un Plan d’action pour la croissance et la trans- formation des entreprises (Pacte) visant à lever les obstacles à la croissance des entreprises, à toutes les étapes de leur développement : de leur création jusqu’à leur transmission, en passant par leur financement.
  • 34 – Cela concernait 231 demandes de création d’entreprise, 51 demandes de participations à la gouvernance d’une société anonyme et environ 1 250 concours scientifiques, selon le rapport « L’état de l’emploi scientifique en France » MESRI – SIES, 2020.
Chapitre 3

Valoriser la recherche : quels moyens pour quels objectifs ?

Là où elle est possible, la valorisation économique des résultats de la recherche publique fait partie intégrante des missions des universités, écoles et organismes de recherche. Symétriquement, elle apporte aux entre­­prises un soutien indispensable dans leur effort de montée en gamme, quelles que soient leur taille et leur maturité technologique. Cette valorisation peut prendre différentes formes et être organisée de différentes manières. Il faut néanmoins s’assurer de créer les conditions d’une mise en œuvre efficace de ces collaborations.

Chercher d’abord à rendre le système plus efficient

Comme nous l’avons rappelé dans le chapitre 1, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour faciliter la valorisation de la recherche ou inciter au rapprochement des acteurs (le plus souvent par le biais d’une aide financière). Citons parmi les plus connus les instituts Carnot, construits sur le modèle des instituts Fraunhofer allemands (voir encadré ci-après), les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et les instituts de recherche technologique (IRT). À cela s’ajoutent des outils fiscaux et législatifs comme le doublement du CIR pour la recherche contractuelle ou la loi Allègre facilitant la création d’entreprises par les chercheurs. Si ces dispositifs ont permis une amélioration de la situation, il reste d’importantes marges de progrès dans la gouvernance et l’exécution opérationnelle de cette politique publique. Le système actuel peut déjà gagner en efficience à travers des propositions simples et rapides à mettre en œuvre.

Les instituts Fraunhofer : un partenaire de recherche particulièrement efficace

Rares sont les entretiens sur le sujet des liens entre recherche et entreprises où les instituts Fraunhofer ne sont pas cités. Ce regroupement de 70 instituts de recherche appliquée en Allemagne, pour la plupart thématiques, est une référence internationale de recherche publique en collaboration avec les entreprises. Dotés d’un budget global de 2,8 milliards d’euros financé à 86 % par des contrats de recherche, les instituts Fraunhofer détiennent collectivement environ 7 000 brevets ou licences dont, par exemple, l’algorithme de compression MP3.

Le succès de ces instituts relève de plusieurs facteurs : une gouvernance par des scientifiques reconnus tant sur le plan académique que pour les applications de leur recherche, une gamme de TRL35 couverts très large, une tutelle exigeante qui joue un rôle d’administrateur ou encore une forte émulation entre les instituts (Legait, Renucci et Sikorav, 2015).

Les instituts Fraunhofer s’appuient en outre sur ce qui fait la force du système allemand : un tissu industriel très compétitif et composé de nombreuses ETI.

Le système de recherche et d’innovation étant régulièrement critiqué pour sa lourdeur et sa complexité, il serait tentant de proposer un choc de simplification. Néanmoins, nous écartons cette piste pour plusieurs raisons : difficulté de mise en œuvre pratique pour des raisons politiques et sociales, nécessité affirmée par de nombreux acteurs de stabiliser un système qui a connu des réformes extrêmement fréquentes, risque d’un impact relativement faible. En outre, la comparaison internationale montre que la complexité du système n’est pas une spécificité française. Ce mal est partagé par d’autres pays possédant une recherche couvrant l’ensemble des champs de connaissance36, y compris l’Allemagne d’ailleurs. Par exemple, une entreprise qui souhaiterait s’engager dans un partenariat avec une des 166 universités du Royaume-Uni devra trouver son chemin parmi 8 dispositifs de soutien à la R & D collaborative.

Le système français offre tout de même aux chercheurs beaucoup d’oppor­­tu­­nités de collaboration avec des entreprises : grâce à des laboratoires mixtes, des chaires, des thèses Cifre ou de façon plus ponctuelle, à travers des prestations de conseil. Un chercheur public peut en outre rejoindre à temps plein ou partiel une entreprise ou créer la sienne, afin de valoriser ses travaux.

Il s’agit donc ici de réfléchir aux moyens d’améliorer le fonctionnement opérationnel de la valorisation de la recherche. Nos propositions ne néces­­sitent pas d’investissement financier considérable et s’inscrivent dans la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche qui prévoit une augmentation certaine mais mesurée du budget français de R & D d’ici 2030 ; le gouvernement a décidé d’augmenter ce budget de 5,8 milliards d’euros sur 10 ans, avec l’objectif de porter la dépense intérieure de R & D réalisée par les administrations publiques à 1 % du PIB (contre 0,8 % en 2020).

Encourager une réelle gestion de la valorisation de la recherche dans la sphère publique

La valorisation de la recherche est une des missions officielles des établis­­sements de recherche37, au côté de la création et de la transmission de connaissances. Nous allons donc nous intéresser principalement ici à la gestion de la valorisation des établissements de recherche eux-mêmes, qui sont pour la plupart sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), et moins des structures satellites (SATT, IRT, etc.). En effet, ce sont bien ces établissements qui réalisent la majorité de la recherche qu’il s’agit de valoriser.

Avant de rentrer dans le détail des constats et des propositions, clarifions ce que nous entendons par « gestion ». Imaginer que l’administration centrale doive « gérer » la valorisation de la recherche faite par les établissements de recherche pourrait relever du fantasme technocratique et dirigiste. Il est évident que toute latitude doit être laissée aux établissements pour définir et opérer leur stratégie de valorisation. Il n’en reste pas moins que la valorisation de la recherche est un objectif public majeur, qui mobilise des moyens importants. Il a notamment été un des moteurs à la création de pôles d’excellence comme l’université Paris-Saclay, qui a représenté un investissement public lourd. En regard, il semble donc naturel d’encourager les établissements à se saisir de la question et de les aider à mener à bien cette mission. Or la gestion de cet enjeu par la puissance publique semble perfectible sur deux points : les objectifs et l’évaluation des moyens mis en œuvre pour les atteindre. Le propos sera ici assez général et nécessite évidemment d’être apprécié au cas par cas – il est clair que le cas de « géants » de la valorisation comme le CEA n’est pas le même que celui d’universités traditionnellement éloignées du monde socio-économique.

Commençons par les objectifs. Ils sont assignés par le MESRI aux établis­­sements d’enseignement supérieur et de recherche via des contrats pluriannuels. La plupart des établissements sont regroupés dans des sites. À titre d’illustration, l’université Paris Sciences & Lettres est un site qui groupe divers établissements (l’université Paris Dauphine, l’École normale supérieure, l’école Mines Paris, l’observatoire de Paris, etc.). Les contrats avec le ministère, d’une durée de cinq ans, sont désormais généralement passés au niveau des sites, et comportent un volet commun et un volet spéci­­fique par établissement. Une étude détaillée de ces contrats est instruc­­tive. Notons au passage que seule une partie des contrats figure sur le site du MESRI, les derniers datant de 2015. Pour accéder aux contrats les plus récents, il est nécessaire d’explorer les sites Internet des établissements, démarche qui n’est pas toujours couronnée de succès.

Premier constat positif : ces contrats contiennent plusieurs indicateurs qui relèvent de l’impact socio-économique de la recherche. Néanmoins, ces objectifs sont généralement fixés au niveau de chaque établissement et pas au niveau du site. Il est par exemple étonnant de constater que le contrat de site de l’université Paris-Saclay ne prévoit pas d’objectif global pour les revenus de la valorisation de la recherche, alors même qu’il prévoit une mutualisation des moyens au niveau de la SATT Paris- Saclay38. Plus géné­­ralement, avec la création des SATT et plus récemment des PUI (voir encadré), la tendance est à la mutualisation des moyens dédiés à la valo­­risation de la recherche au niveau du site, et pas au niveau des établis­­sements. Il apparaît donc essentiel que les objectifs corres­­pon­­dants soient portés au niveau du contrat de site, et non d’établissement. Cela contri­­buerait à aligner l’ensemble des acteurs locaux sur des objectifs communs. Cet alignement est crucial afin de permettre une bonne colla­­boration entre les différents acteurs, et fait parfois défaut aujourd’hui : il nous a été rapporté à plusieurs reprises des situations où différents acteurs poursuivent des objectifs différents et parfois antagonistes.

Deuxième constat : les contrats comportent uniquement des objectifs quantitatifs. Trois indicateurs relèvent de l’impact socio-économique de la recherche : le montant total des contrats de recherche passés avec les entreprises, le montant des ressources propres des établissements (hors sub­­ven­­tion pour charges de service public), et enfin les revenus consolidés de la valorisation de la recherche. Si de tels objectifs financiers à moyen terme sont sans doute importants, ils ne suffisent pas pour atteindre l’objectif fondamental de la valorisation de la recherche, c’est-à-dire accroître les capacités socio-économiques du pays à long terme et créer des innovations de rupture. Si l’augmentation des revenus à moyen terme est une facette de l’objectif final, il faut aussi prendre en compte des objectifs qualitatifs, encourageant une amélioration du service proposé par les établissements, comme les délais de contractualisation ou le niveau de satisfaction des parties prenantes. En effet, ce type d’indicateurs plus qualitatifs rendent compte de la qualité et de la structuration de l’écosystème de recherche, qui sont une clé pour créer des collaborations de long terme.

Troisième constat : le contrat fixe généralement un objectif de croissance de 7 à 10 % de l’indicateur retenu (par exemple les revenus tirés de l’activité de valorisation sur 5 ans), sans que la trajectoire ni les moyens permettant une telle croissance ne soient explicités. Il semble crucial d’accompagner ces objectifs d’une feuille de route opérationnelle, afin qu’ils ne restent pas lettre morte.

Enfin, dernier constat : le lien entre ces contrats et la dotation des établis­­sements est difficile à comprendre. Il semblerait que la valorisation de la recherche ne soit pas liée à une dotation pour charge de service public. De même, il semblerait que l’incitation à la réalisation des objectifs soit faible voire nulle. Nous suggérons donc la généralisation d’une incitation financière, sur le modèle des instituts Carnot, c’est-à-dire une augmentation des subventions pour charges de service public conditionnée à la réalisation des objectifs.

Proposition n° 6 : Remonter les objectifs de développement de la valorisation de la recherche au niveau du contrat de site, ajouter des objectifs plus qualitatifs, accompagner ces objectifs d’une feuille de route opérationnelle, donner un bonus de subvention pour charges de service public associé à la réalisation de ces objectifs.

En ce qui concerne les moyens, le constat le plus élémentaire qui peut être fait est que la dépense associée au soutien à la valorisation de la recherche et à la collaboration public-privé ne fait pas l’objet d’un suivi budgétaire propre. Plus surprenant encore, aucun indicateur public ne permet une évaluation ex post de l’efficacité des politiques publiques dans ce domaine. Dans cette situation, il est particulièrement ardu de distinguer les mesures efficaces de celles qui ne le sont pas. Cela ne facilite d’ailleurs pas les efforts de pédagogie des décideurs publics pour défendre l’investissement qui est dédié à cette politique publique. Ce constat avait déjà été effectué par la mission sur les dispositifs de soutien à la recherche partenariale en 201339, mais n’a pas été suivi d’amélioration significative, à notre connaissance. Cette situation étonnante au premier abord peut s’expliquer en partie par le grand nombre d’outils et de structures impliquées, financés par différents guichets (PIA, ANR, ADEME, Bpifrance, Union européenne, régions, etc.), qui peuvent suivre des logiques sectorielles ou non, qui ont des objectifs généralement proches mais pas toujours alignés, qui fonctionnent selon des modalités financières diverses (crédit d’impôt, subvention, avance remboursable), etc. Au-delà, un problème plus fondamental est celui de la difficulté intrinsèque de l’évaluation de l’impact socio-économique de la recherche, puisque par définition cet impact est nécessairement à moyen voire long terme. Il n’en reste pas moins que cette situation ne permet pas au décideur de dégager une vue d’ensemble et d’allouer les fonds dédiés au soutien à la valorisation d’une manière efficiente. Nous proposons donc la mise en place d’un suivi unique de l’ensemble des moyens dédiés à la valorisation de la recherche. Un tel suivi permettrait d’identifier des « trous dans la raquette » ou au contraire des sous-optimalités dans l’allocation des moyens.

Proposition n° 7 : Mettre en place un suivi des objectifs et des moyens dédiés à la valorisation de la recherche au niveau national.

Renforcer les équipes dédiées à la mise en œuvre des projets de collaboration

Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des projets de collaboration de recherche entre des établissements publics et des entreprises, les meilleures volontés se heurtent à la tâche parfois kafkaïenne de la contractualisation. En effet, la mise en place de la collaboration implique de définir de nombreux paramètres : partage et gestion de la propriété industrielle (PI), mobilisation et affectation des ressources humaines, évaluation comptable de la contri­­bution de chacun, etc. Or, les deux parties ne disposent pas du même niveau de ressources et de compétences dédiées à ces questions. Du côté des établissements de recherche, ce sont le plus souvent les chercheurs qui réalisent de manière artisanale une partie importante de ces tâches admi­­­­nis­­tra­­tives très chronophages. Ce manque de support est critique au moment de la contractualisation car il allonge considérablement les délais de signature des contrats et retarde le démarrage des collaborations. Dans de nombreux cas, l’allongement des délais ou tout simplement l’impos­­sibilité de mener des négociations raisonnées sur le partage de la PI aboutissent à l’abandon du projet.

Disposer d’équipes spécialisées dans le développement et la mise en œuvre des partenariats avec le privé, et de taille suffisante, semble donc être un prérequis. D’autant que la mise en place de telles équipes pourrait s’accompa­­gner de la définition d’une stratégie de valorisation cohérente avec les spécialités de recherche de chaque établissement et les besoins des acteurs économiques de leur territoire ou des secteurs d’activités proches de leurs domaines d’excellence. Couplée à une démarche de communication et de prospection dynamique, cette stratégie pourrait faire progresser les partenariats de recherche et les débouchés des brevets des établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur. Il faut donc avoir une vision large des attributions des équipes support de la valorisation de la recherche en les composant à la fois de business developers et de facilitateurs de la diffusion des avancées scientifiques dans la sphère socio-économique. Concrètement, les compétences attendues recouvrent la gestion de l’ensemble des interfaces administratives avec les tutelles, les établissements et les services administratifs des entreprises, afin d’améliorer le niveau de service proposé à toutes les parties prenantes externes comme internes. Cela inclut (de manière non exhaustive) la prospective, la gestion des actifs (propriété intellectuelle, plateformes, etc.) et des ressources humaines, la contractualisation, le suivi des projets, et enfin la mobilisation des chercheurs en interne.

Trois bons élèves français de la valorisation de la recherche

Université de Bordeaux

Première université de France40 pour le nombre de brevets (45 demandes de brevets publiées à l’INPI en 2020) et de co-brevets déposés avec des entreprises, l’université de Bordeaux s’illustre par l’ampleur et le succès de ses collaborations avec le secteur privé.

La stratégie de l’université de Bordeaux en matière de valorisation et de partenariats publics-privés s’appuie sur des atouts développés ou soutenus par l’établissement : la réunion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche du bassin bordelais au sein de l’IdEx Bordeaux, une relation privilégiée avec la SATT Aquitaine Science Transfert et l’existence d’équipes support importantes dédiées au développement de toutes les dimensions de cet axe stratégique (prospection, communication, contractualisation, suivi de la collaboration).

Deux initiatives plus spécifiques à l’université de Bordeaux sont particulièrement intéressantes. La première est la mobilisation de son foncier pour accueillir en son sein des entreprises innovantes en lien avec ses activités de recherche. La seconde est le développement de plateformes de services (caractérisation des matériaux, études du bois, PCR, etc.) mobilisables par les entreprises qui sont un point de premier contact efficace.

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Créé en 1945, le CEA a une mission très affirmée d’impact socio-économique, d’abord dans le domaine nucléaire, puis de manière plus large dans les domaines scientifiques stratégiques. Le CEA possède un pôle de recherche technologique industrielle, le CEA Tech, installé à Saclay et à Grenoble. Ce pôle est très régulièrement cité en exemple pour sa capacité à collaborer avec des entreprises. Il opère 25 plateformes technologiques et dépose 600 brevets par an (pour 4 500 chercheurs).

La politique de gestion de la propriété industrielle du CEA est en cohérence avec sa force de frappe : le CEA conserve la propriété intellectuelle et cède des licences gratuites d’exploitation aux acteurs privés avec lesquels il collabore.

MINES ParisTech

L’école d’ingénieur MINES ParisTech s’appuie depuis 45 ans sur l’association Armines, émanation de cette même école, pour gérer ses partenariats de recherche avec des entreprises. Cette organisation inhabituelle est la réponse « maison » imaginée par l’institution pour pallier les faiblesses de l’organisation liées aux contraintes des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les atouts de ce fonctionnement sont, entre autres, une capacité à conclure des contrats en son nom propre, l’appui d’une cellule de valorisation et la possibilité d’embaucher des salariés (y compris des chercheurs), localisés dans un des établissements partenaires, en fonction de critères RH définis par Armines pour servir sa stratégie de valorisation. Ce modèle s’avère très profitable au niveau de MINES ParisTech et de l’IMT et contribue à hauteur de 27,3 millions d’euros (sur 70 millions) au budget recherche de l’école. Une organisation similaire a été créée par d’autres établissements, dont l’ENSAM, mais ce modèle ne peut être répliqué à grande échelle. En revanche, il démontre par l’exemple qu’une simplification des interfaces administratives et un investissement important en personnel s’avèrent in fine très profitables.

Les bons élèves français en termes de valorisation de la recherche sont très différents (université, établissement de recherche…) et conduisent des stratégies distinctes, mais ils ont pour point commun d’être dotés de fonctions support importantes. Cela conforte donc l’idée que chaque site doit disposer d’un service de valorisation de la recherche important (entre 15 et 20 personnes, hors SATT).

Proposition n° 8 : Doter chaque site d’un service de support à la valorisation de la recherche suffisamment dimensionné (entre 15 et 20 personnes).

Précisons que ces services doivent idéalement être construits comme des fonctions supports, qui visent à offrir une prestation de services tant aux entreprises qu’aux laboratoires publics, et non comme un nouvel acteur indépendant avec ses objectifs propres. L’expérience des SATT montre ainsi qu’il est préférable en général que de tels services soient directement intégrés aux établissements de recherche, plutôt que de créer des structures indépendantes supplémentaires.

L’enceinte qui hébergerait ce service de support à la valorisation peut ainsi varier selon les situations locales. Dans certains cas, ces services existent déjà : cela peut correspondre à la SATT, lorsqu’elle est bien implantée dans l’écosystème local (comme à Saclay ou à Strasbourg). Les structures mises en place au sein des écoles d’ingénieurs (par exemple Armines pour MINES ParisTech ou AMVALOR pour Arts et Métiers) peuvent également être une ressource intéressante, si les conditions de mutualisation de cette ressource avec d’autres établissements sont réunies. Les Pôles universitaires d’innovation (voir encadré ci-après) peuvent aussi être le bon véhicule.

Insistons encore sur la nécessité de laisser l’échelon local définir la meilleure stratégie afin d’améliorer le niveau de service support de la valorisation. En effet, le retour d’expérience de la création des SATT montre que toute nouvelle structure au niveau local peut apparaître comme une couche supplémentaire de complexité administrative hors-sol. Concernant la mise en place des PUI, elle doit ainsi se faire de manière pragmatique, en fonction des besoins et des atouts locaux. Par exemple, la composition des PUI peut être variée : personnels des SATT, de l’administration des universités, personnels de recherche, etc. La question pertinente à poser est celle des compétences nécessaires afin de supprimer les freins à la valorisation de la recherche, et des ressources mobilisables en regard. Enfin, les objectifs des PUI doivent être intégrés au sein du contrat du site qui les héberge, afin de faciliter l’alignement des intérêts de tous les acteurs.

Encourager la coopération public – privé avec les Pôles universitaires d’innovation

Dans le cadre de la loi de programmation de la recherche 2021-2030, le label « Pôle universitaire d’innovation », ou PUI, a été créé pour les universités engagées dans une stratégie d’innovation partagée. Ces PUI doivent remplir plusieurs missions :
• fédérer les acteurs locaux de la recherche (établissements d’enseigne­­ment supérieur, organismes de recherche, collectivités territoriales, SATT, incuba­­teurs, etc.) et les structures en charge du développement économique favorisant l’innovation, comme les pôles de compétitivité ;
• coordonner les stratégies d’innovation pour démultiplier les retombées économiques et sociales de la recherche ;
• renforcer la sensibilisation et la formation des étudiants à l’entrepreneuriat et s’assurer que tous les projets innovants, qu’ils soient portés par les étudiants, les enseignants-chercheurs ou les chercheurs, sont accompagnés.

L’objectif est de faire de l’université le chef de file de la valorisation de la recherche au niveau local.

En novembre 2021, un budget de 9,5 millions d’euros a été alloué à 5 établis­­sements pilotes : Normandie Université (2,5 millions d’euros), Sorbonne Uni­­ver­­sité (1 million d’euros), Université de Clermont Auvergne (2,5 millions d’euros), Université de Montpellier (2,5 millions d’euros) et Université de Strasbourg (1 million d’euros). À terme, l’État prévoit de déployer ce label dans une quinzaine de sites.

  • 35 – Le TRL (Technology Readiness Level ou niveau de maturité technologique) est un système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie
  • 36 – Voir annexes 5, 6 et 7 du rapport « Les relations entre les entreprises et la recherche publique, Lever les obstacles à l’innovation en France », op. cit.
  • 37 – Article L112-1 du Code de la recherche
  • 38 – Créée en 2014 et issue du Programme investissements d’avenir, la SATT Paris-Saclay est commune aux deux ensembles Université Paris-Saclay et Institut Polytechnique de Paris. Elle dispose d’une capacité d’investissement de 66 millions d’euros sur 10 ans pour financer et accompagner la valorisation des travaux de recherche issus du territoire et le transfert technologique vers les marchés.
  • 39 – Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre 1, cette mission a chiffré à environ 2 milliards d’euros le soutien financier annuel à la recherche partenariale (hors CIR).
  • 40 – Dans le Top 10 des établissements de recherche, d’enseignement supérieur et établissements de l’État déposants de brevets établi par l’INPI, l’université de Bordeaux est au 6e rang. Le trio de tête est occupé par le CEA, le CNRS et l’IFP Énergies Nouvelles.

Conclusion

Via de multiples réformes depuis les années 1990, la France s’est dotée de nombreux dispositifs visant à faciliter la valorisation socio-économique de sa recherche publique. Certains signaux encourageants montrent que ces dispositifs, qui représentent une dépense publique importante, ont partiellement porté leurs fruits. Plutôt que de continuer à créer des nouveaux dispositifs au sein d’un écosystème de recherche et d’innovation déjà complexe, il s’agit désormais d’améliorer l’efficacité des dispositifs existants. L’enjeu est crucial : permettre à la France de tirer pleinement parti de la qualité de sa recherche publique, et contribuer ainsi à relocaliser les innovations de rupture, technologiques ou non, en France et en Europe.

En la matière, le frein qui nous semble le plus dommageable est le fossé culturel entre la sphère académique et la sphère socio-économique. Ce fossé doit être considéré comme un défaut durable du système français, en particulier causé, en dépit de ses mérites, par le double système grandes écoles-universités. Si ce fossé a commencé à se combler lentement, il s’agit d’accélérer ce mouvement. Pour cela, il faut réussir à augmenter drasti­­quement les surfaces de contact entre ces deux mondes, en facilitant en particulier la mobilité des personnes dans les deux sens. Nos propositions dans ce sens s’appuient sur des outils et des dispositifs existants dont nous recommandons d’augmenter l’ampleur : systématisation de la présence d’un lieu dédié à la recherche partenariale dans les sites d’enseignement supérieur et de recherche, renforcement de l’IHEST, stage en entreprise ou césure pour les doctorants, décharge d’heures d’enseignement pour les enseignants-chercheurs engagés dans des partenariats avec le privé, prise en compte positive de l’expérience de ces partenariats dans leur évaluation. Nous préconisons également de pérenniser le cofinancement de la mise à disposition temporaire de personnels de recherche privée dans des labo­­ra­­toires publics, mesure présente dans le plan de relance, sous réserve d’une évaluation de son impact au terme des trois ans prévus pour son déploiement.

En outre, la mise en œuvre et le pilotage de la valorisation socio-économique de la recherche restent aujourd’hui à perfectionner. Il ne s’agit évidemment pas d’adopter un modèle taylorien pour standar­­diser la production de connaissances, mais d’adapter à notre contexte national et même aux contextes locaux les meilleures pratiques, qu’elles émanent d’autres pans de l’administration française ou d’exemples internationaux. Les éléments structurants pour l’amélioration de la diffusion des progrès scientifiques sont la définition et le pilotage d’une stratégie de dévelop­­pement ambitieuse et cohérente au niveau des sites et au niveau national, ainsi que la création ou la croissance d’équipes dédiées, formées à l’ensemble des aspects de la valorisation.

Il s’agit d’un défi difficile parce que la production de connaissances et d’innovations relève davantage du système complexe que du procédé industriel standardisé. Nous sommes néanmoins convaincus que la France a de solides atouts à jouer dans cette compétition mondialisée et peut montrer la voie d’une innovation porteuse de sens et de valeur.

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Annexe I – Récapitulatif des propositions

Proposition n° 1 : Pérenniser le cofinancement de la mise à disposition temporaire (12 à 36 mois) de personnels de recherche privée dans des laboratoires publics. Une mise à disposition de 36 mois pourra donner lieu à la préparation d’une thèse de doctorat.

Proposition n° 2 : Créer un lieu dédié à la recherche partenariale sur chaque site.

Proposition n° 3 : Renforcer le rôle de l’IHEST en le plaçant sous la tutelle du Premier ministre et en augmentant significativement ses subventions.

Proposition n° 4 : Financer spécifiquement la décharge d’heures d’ensei- gnement pour réaliser des travaux de recherche partenariale.

Proposition n° 5 : Donner réellement l’opportunité à chaque doctorant d’acquérir une exposition au secteur privé au cours de sa thèse.

Proposition n° 6 : Remonter les objectifs de développement de la valori- sation de la recherche au niveau du contrat de site, ajouter des objectifs plus qualitatifs, accompagner ces objectifs d’une feuille de route opérationnelle, donner un bonus de subvention pour charges de service public associé à la réalisation de ces objectifs.

Proposition n° 7 : Mettre en place un suivi des objectifs et des moyens dédiés à la valorisation de la recherche au niveau national.

Proposition n° 8 : Doter chaque site d’un service de support à la valorisation de la recherche suffisamment dimensionné (entre 15 et 20 personnes).

Annexe II – Liste des personnes interrogées

Les entretiens ont été réalisés entre novembre 2020 et avril 2021, en personne ou par visioconférence. Une partie importante des entretiens ont été réalisés en mars 2021 pour la rédaction d’un rapport sur commande de la Direction générale de la recherche et de l’innovation. Ce rapport a été réalisé avec des élèves de l’École Nationale d’Administration de la promotion Aimé Césaire, dans le cadre de la scolarité de l’ENA et de la formation de troisième année du Corps des mines. Une partie des entretiens ont été réalisés par les élèves de l’ENA en l’absence des auteurs de cet ouvrage. Néanmoins, l’ensemble des comptes-rendus des entretiens ont été traités par les auteurs afin d’aboutir à la rédaction de cet ouvrage.

Claire Lucas et Pierre Marion, Recherche et innovation : comment rapprocher sphères publique et privée ?, Les Docs de La Fabrique, Paris, Presses des Mines, 2022. Numéro d’ISBN : 978-2-35671-771-9

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