CICE, Pacte de responsabilité… : quels sont les effets des allégements du coût du travail sur la compétitivité et l’emploi ?

Économistes et industriels ont partagé le constat que le financement de la protection sociale ne pourrait, en France, rester durablement assis sur le seul travail salarié.

Économistes et industriels ont partagé le constat que le financement de la protection sociale ne pourrait, en France, rester durablement assis sur le seul travail salarié. Mais, alors que les dernières mesures du Pacte de responsabilité ont été reportées de trois mois, et que le rapport de Jean Pisani-Ferry sur le CICE doit être remis au Gouvernement le 22 septembre, les débats demeurent vifs sur les effets à attendre des baisses de charges en termes de croissance et d’emploi

Les allégements des charges sur les salaires intermédiaires, favorables à la compétitivité, généreraient autant d’emplois que ceux portant sur les bas salaires.

Comme le rappelle Gilles Koléda, auteur d’une étude publiée en juin dernier par La Fabrique de l’industrie*, baisser le coût du travail pour les entreprises exposées à la concurrence internationale leur permet de conquérir des parts de marché, donc d’augmenter leur production et leurs emplois, tout en améliorant la balance commerciale du pays. Ses travaux montrent ainsi que, après quelques années, les allégements sur les salaires intermédiaires créent autant d’emplois que ceux sur les bas salaires, et que ces emplois sont en outre plus qualifiés. Louis Gallois souscrit à ce point de vue : « Il faut soutenir la montée en gamme de l’industrie française. »

Les allégements de charges sur les bas salaires n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour résorber le chômage.

Jean Pisani-Ferry et Eric Heyer rappellent que les économistes, dans leur immense majorité, prédisent que les allégements créent, à court terme, davantage d’emplois quand ils portent sur les bas salaires.

Jean-François Ouvrard observe pourtant que le chômage est toujours à 10 %, après 20 ans de politique d’allégements sur les bas salaires. Pourquoi ? Parce que les effets sur l’emploi des allégements sont toujours temporaires, progressivement réduits à zéro par l’inflation salariale. Ce ballon d’oxygène provisoire doit donc être mis à profit, par exemple pour investir dans l’outil de production et les compétences, si l’on veut que ses effets soient pérennes. Or, les allégements sur les bas salaires ont été régulièrement accompagnés de « coups de pouce » au SMIC, ce qui en diminuait en même temps l’efficacité pour lutter contre le chômage. Aujourd’hui, conclut-il, ces allégements servent surtout à compenser pour les employeurs un coût de SMIC plus élevé que dans les autres pays européens.

Que faire du CICE quand il faudra le transformer en baisses de charges ?

Louis Gallois rappelle que, dans l’industrie, l’écart de coût France-Allemagne est faible pour les ouvriers mais beaucoup plus important pour les ingénieurs et cadres, dont les charges sont plafonnées outre-Rhin. Or, la montée en gamme de l’industrie française repose aussi sur ses bureaux d’études et sur ses commerciaux.

Si l’objectif prioritaire est la montée en gamme, poursuit Eric Heyer, alors faisons plus simple que des baisses de charges : créons un crédit d’impôt export ou un crédit d’impôt investissement ! Cela évitera les nombreux risques de fuite des allégements (ciblage imparfait sur les entreprises qui en ont besoin, déperdition sous forme d’augmentations de salaires…). Et Denis Ranque de conclure : « le plus simple ne serait-il pas de diminuer les charges uniformément ? ». Chez la plupart de nos voisins, le financement de la protection sociale repose, en partie, sur l’impôt et non sur les seuls salariés.

Le CICE est un crédit d’impôt, « un mécanisme compliqué, convient Jean Pisani-Ferry, qui a demandé du temps d’apprentissage aux entreprises. » Le gouvernement a promis de le convertir en baisse de charges à horizon 2017. « Les entreprises préfèrent les baisses de charges, rappelle Jean-François Ouvrard, mais la conversion sera loin d’être simple. Le diable est dans les détails et toutes ne s’y retrouveront pas. » Par ailleurs, Jean Pisani-Ferry rappelle que, pour des raisons de disponibilité des données, on ne pourra réellement apprécier les effets du CICE sur la compétitivité et l’emploi qu’en 2017, sur la base des données de 2014. Conclusion logique : le CICE sera normalement transformé avant d’avoir pu être proprement évalué !

 

 

Partager
Imprimer
Pour réagir