Revenu universel : la fin du travail ?

« Utopie mobilisatrice » ou « rupture anthropologique redoutable » ? La controverse toujours vive sur l’intérêt de mettre en place un revenu de base universel reflète en réalité notre difficulté à comprendre comment se transforment le travail tel qu’on le connaît aujourd’hui et le rapport que nous entretenons avec lui.

La Synthèse n°23 de La Fabrique de l’industrie, qui sort aujourd’hui, aborde ce sujet du revenu universel comme point d’entrée pour présenter le contenu, très riche, de l’ouvrage collectif, Le Travail en mouvement, publié début avril par La Fabrique, la chaire FIT de Mines ParisTech et le CNAM. Ici, Jean-Baptiste de Foucault, inspecteur général des finances honoraire, et Yannick Vanderborght, professeur de sciences politiques, exposent leurs points de vue.

Recevoir sans produire : équité ou paresse ?

Pour Jean-Baptiste de Foucault, comme pour nombre de détracteurs du revenu universel, cette utopie comporte un défaut majeur : son inconditionnalité. Accepter l’idée que l’on puisse recevoir sans rien donner risque, selon lui, de déséquilibrer le socle sur lequel repose la société, le « triangle magique du donner-recevoir-rendre » et d’accentuer notre penchant individualiste, amenuisant nos devoirs envers l’État. Pour Yannick Vanderborght, à l’inverse, l’obligation morale – et légale – de réciprocité est à décorréler de l’éthique du travail. Le revenu universel permettrait même, selon lui, de passer à une conception « distributive » de la justice, réduisant l’écart entre les individus et disséminant un pouvoir économique qui est actuellement trop fortement concentré.

Repenser la société du travail

Si les deux auteurs s’accordent sur un point, c’est bien que le travail subit actuellement une profonde mutation. Dès lors, le revenu universel peut-il offrir une réponse satisfaisante aux risques de déclassement et d’inactivité qui y sont associés ? Pour Yannick Vanderborght, c’est précisément le cas, puisque l’octroi d’un revenu de base tend à favoriser la multi-activité, l’entreprenariat et le sentiment de se rendre utile à la société. Pour Jean-Baptiste de Foucault, en revanche, cela pourrait aggraver la situation. La France n’ayant pas trouvé de formule permettant un contrat social renouvelé, l’octroi d’un revenu sans contrepartie compenserait faiblement la stigmatisation des allocataires actuels des minima sociaux.

Le point crucial de l’efficacité économique

Utopique ou éthique, le revenu universel doit pouvoir être financé. Cette nécessité est abordée différemment par les deux auteurs. Jean-Baptiste de Foucault rappelle que, pour que certains consomment sans travailler, il faut que d’autres travaillent sans consommer. Ce qui est légitime dans certains cas (handicap, personnes âgées…) ne peut à ses yeux devenir un principe général soutenable sans entraîner de graves contestations. Pour Yannick Vanderborght, la soutenabilité du revenu universel est également une question centrale et dépendra de son impact sur l’incitation à produire des richesses. L’efficacité économique du dispositif est donc clé : les prélèvements nécessaires à son financement ne doivent pas décourager l’investissement, la prise de risque et la propension à l’effort.

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