Réduire le chômage non qualifié : oui, mais à quel prix ?

L’efficacité des baisses de charges sur les bas salaires pour lutter contre le chômage est abusivement présentée comme une vérité économique incontestable. La réalité est beaucoup plus nuancée. De plus, un tel choix décourage les entreprises d’investir dans la formation des salariés et la montée en gamme de l’outil de production.

Depuis 1993, la France fait le pari que des exonérations de charges sur les bas salaires (entre 1 et 1,6 SMIC) réduisent le chômage non qualifié. En théorie, on sait pourquoi (cela stimule la demande en travail non qualifié). On sait aussi pourquoi ça peut ne pas marcher (si la demande en travail non qualifié diminue pour d’autres raisons, si les baisses de charges sont captées par les actifs sous forme d’augmentation des salaires…). Or la plupart des études empiriques conduisent à douter de l’efficacité de la manœuvre.

De la théorie à la pratique : que disent les évaluations ?

La Fabrique a mené un examen approfondi de la littérature sur le sujet. Les allégements ont eu des effets très différents selon les pays et selon les secteurs d’activité. Ces mesures ont créé très peu d’emplois en Amérique du Sud et en Scandinavie, et ont obtenu des résultats mitigés aux États-Unis et en Allemagne. Les études sur le cas français sont plus optimistes, du moins si l’on s’en tient aux mesures lancées entre 1993 et 1996 : elles auraient créé ou préservé autour de 300 000 emplois.
Il faut ensuite se demander combien de temps a duré cet effet positif. Les évaluations ne le précisent généralement pas. En théorie, les allégements n’atteignent leurs pleins effets qu’à long terme. En pratique, on constate au contraire que l’emploi non qualifié a renoué avec son repli tendanciel dès les années 2000, cantonnant la décennie 1990 au registre de l’exception singulière.

Quel est le prix à payer quand on stimule la création d’emplois non qualifiés ?

Certains experts très enthousiastes considèrent les allégements généraux sur les bas salaires comme une martingale : une mesure qui ne ferait aucun perdant et qui serait même autofinancée. La réalité est nettement plus nuancée.
D’une part, les emplois non qualifiés peuvent être créés au détriment des emplois qualifiés : par pure substitution ou parce que les allégements réduisent la compétitivité du travail qualifié. D’autre part, les allégements peuvent freiner la progression des bas salaires (phénomène de « trappes à bas salaires »). À cela, il faut encore ajouter qu’un barème de charges fortement progressif réduit l’intérêt pour les salariés et les employeurs de la formation continue, de la montée en compétences, des efforts d’innovation et donc de la montée en gamme.

Inversement, étendre les allégements aux salaires intermédiaires (1,6 à 3,5 SMIC) soutient la compétitivité des entreprises exportatrices, si l’on s’assure qu’ils ne soient pas captés par des augmentations de salaires. À long terme, ce schéma vertueux permet une hausse de l’activité économique, une amélioration de la balance commerciale (donc une réduction de notre dette) et la création d’emplois à tous niveaux de qualifications.

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