L’internet des objets : une passion française

On savait la France à la pointe des technologies télécom. Elle l’illustre une fois de plus avec une frénésie d’innovations dans le domaine des réseaux de télécommunication dédiés à l’Internet des Objets (IdO). Malheureusement, les start-up françaises ne font souvent que tirer les marrons du feu pour des entreprises nord-américaines et se retrouvent en concurrence frontale entre elles et avec ces dernières…

Cycleo, Sigfox et Qowisio sont trois start-up pionnières, nées dans les années 2009-2010, qui ont développé un concept très innovant : des réseaux à très bas débit propres à transporter les données émises par les objets connectés, à bas coût et avec une faible consommation. Puisque les objets n’ont que peu de données à transmettre, l’idée est qu’il est inutile de se reposer sur des réseaux traditionnels, puissants mais surdimensionnés, coûteux et gourmands en énergie. Intérêt connexe de leurs technologies : il suffit de très peu d’antennes pour couvrir un vaste territoire.

Parallèlement, du côté de Sophia Antipolis, se créait en 2010 une autre start-up, Mobiquithings, s’attaquant au sujet sous un autre angle. Elle a choisi de s’appuyer sur les traditionnels réseaux cellulaires (2G, 3G ou 4G) pour véhiculer les données des objets, mais avec une approche originale. Elle a mis au point une technologie qui permet à un objet de communiquer de façon optimale avec n’importe quel réseau dans le monde. Son système choisit automatiquement parmi plus de 800 opérateurs le réseau adapté, notamment pour obtenir une qualité de service maximale. L’approche est donc complémentaire de celle des trois autres start-up.

Où en est-on aujourd’hui ? Sigfox, qui a levé des fonds très importants, a déjà installé son réseau dans plusieurs pays, couvre l’ensemble du territoire français et revendique plusieurs millions d’objets connectés. L’entreprise se positionne comme un opérateur de réseau public. Elle vise un développement mondial et, ce faisant, espère devenir la référence en matière de réseau bas débit pour les objets.

Qowisio a avancé à un rythme plus lent mais accélère et vient de lever 10 millions d’euros. Elle se veut opérateur de réseau public – elle aura couvert la France entière l’année prochaine – mais aussi de réseaux privés et de réseaux virtuels. Surtout, via la Cité des objets connectés d’Angers qu’elle a participé à créer, elle propose également des services et de la conception de produits connectés. L’objectif de son fondateur, Cyrille Le Floch : satisfaire les besoins des PME qui vont inventer des applications nouvelles pour objets connectés.

Cycleo, en revanche, a été rachetée en 2012 par un fabricant de semi-conducteurs américain, Semtech. Ce dernier a constitué une vaste alliance pour promouvoir son réseau, désormais baptisé LoRa. Y figurent des poids lourds comme IBM et Cisco ainsi que des entreprises françaises comme Sagemcom ou Schneider Electric. But de l’Alliance LoRa, qui n’a pas encore déployé de réseau : devenir « le » standard mondial des réseaux pour l’IdO. Et, récemment, Orange et Bouygues Telecom ont mis leur poids dans la balance en annonçant leur volonté de couvrir le territoire français avec… LoRa. Quant au fondateur de Cycleo, François Hede, il s’est lancé dans de nouvelles aventures en créant une autre start-up, Idosense, justement vouée à la connexion d’objets au réseau LoRa.

Mobiquithings, de son côté, vient tout juste d’être rachetée par le canadien Sierra Wireless, leader mondial des modems pour réseaux sans fil. La start-up, fusionnée avec la business unit « services » du canadien, se vouera désormais au développement de services – mise en œuvre de solutions pour les industriels – autour de l’IdO.

Quoi qu’il en soit, coté bas débit, c’est la guerre ouverte. Sigfox et LoRa en particulier, sont engagés dans une course sans merci. Le premier a une bonne longueur d’avance en termes de déploiement. LoRa est forte du poids de l’Alliance et joue la carte du réseau ouvert alors que Sigfox est une technologie propriétaire. Mais tous deux n’ont en réalité que très peu de temps pour faire la différence. Ils sont en effet menacés par un troisième larron : la prochaine norme de réseaux menée par l’organisation 3GPP, qui définit l’évolution des réseaux 3G, inclura le transport à très bas débit (norme LTEM), devenant donc un concurrent direct des offres actuelles. Echéance 2018. Or, les opérateurs américains, notamment, sont très focalisés sur le LTEM.

Pour ajouter à la confusion qui commence à régner dans ce domaine, un autre entreprise, Archos, vient tout juste d’annoncer la création d’une filiale, Picowan, destinée à … couvrir le territoire avec un réseau utilisant la technologie LoRa ! Mais il le fait de façon très originale : Archos a développé une passerelle réseau à très bas coût – une sorte de prise de courant – qui s’installe à l’intérieur des bâtiments. Il compte sur la diffusion en très grands volumes – la « diffusion virale » dit Henri Crohas, fondateur d’Archos – pour couvrir l’ensemble du territoire via ces micros passerelles dont il a breveté la technologie. Seul inconvénient, il faut environ cinq fois plus de telles passerelles que d’antennes traditionnelles pour couvrir le même territoire. Sacré pari !

Le mouvement s’accélère donc terriblement et chacun fourbi ses armes. Ainsi, Ludovic Le Moan – le fondateur de Sigfox – a donné un coup de booster à l’accélérateur de start-up qu’il a participé à fonder à Toulouse et qui regroupe plus d’une trentaine de jeunes pousses. Cette structure s’est complètement recentrée cette année sur les seules technologies liées à l’Internet des objets. Rebaptisé IoT Valley (IoT pour Internet of things), elle ambitionne un rayonnement mondial. A côté des start-up, elle héberge aussi des équipes de R&D de la SNCF vouée aux applications de l’Ido et travaille étroitement avec ERDF, Intel et Samsung. Autant d’occasions, évidemment de promouvoir la technologie Sigfox. A chacun son « Alliance »…

 

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