chaines de valeurs mondiales - étude de La Fabrique de l'industrie

1 milliard d’euros sont destinés à subventionner les projets de relocalisation, selon le plan de relance annoncé le 3 septembre. N’allons pas croire qu’ils suffiront à rétablir notre « souveraineté industrielle ».

En 2013, Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie, du Redressement productif et du numérique, avait fait des relocalisations une « cause nationale ». Aujourd’hui, la relocalisation est affichée par le gouvernement comme un élément clé de reconquête de notre souveraineté. Par le retour d’entreprises industrielles sur le territoire, le gouvernement souhaite également mettre un frein à la désindustrialisation, dramatiquement mise en lumière par la crise découlant du Covid-19. Et c’est là où le bât blesse : on met derrière cette idée de relocalisation plusieurs objectifs et beaucoup d’espoirs, qui ne pourront pas tous être tenus.

Relocalisations et délocalisations : des flux bien modestes

D’abord faut-il définir ce qu’on entend par délocalisation. L’approche la plus communément admise est celle du transfert d’une unité de production du territoire national vers l’étranger, par exemple pour produire à moindre coût ou pour se rapprocher du marché de destination. On peut étendre la définition précédente pour y inclure les transferts à l’étranger d’activités jusqu’alors réalisées par un sous-traitant domestique. Plus généralement encore, on peut appeler « délocalisation » tout arbitrage défavorable à l’implantation d’une activité en France. Selon les définitions et les méthodes utilisées, selon aussi les périodes étudiées, les délocalisations représentent entre 9 000 à 27 000 destructions d’emplois industriels par an en France. Cela représente au plus 10 % des emplois industriels français détruits chaque année (n’oublions pas que, dans tous les secteurs d’activité, environ 8 % de l’emploi est détruit et créé chaque année, soit de l’ordre de 250 000 emplois dans l’industrie).

Les délocalisations expliquent donc une part relativement modeste du recul de l’emploi industriel. Symétriquement, rapatrier ces emplois ne peut pas constituer l’unique remède à la désindustrialisation, d’autant moins que les relocalisations sont souvent le fait d’activités pour lesquelles l’automatisation est possible et qu’on ne pourra évidemment pas rapatrier les activités servant à atteindre un marché à l’étranger. C’est probablement pour ces raisons que les relocalisations en France restent rares : la Direction générale des entreprises (DGE) en a recensé 98 entre mai 2014 et septembre 2018.

Une réponse partielle à la reconquête de la souveraineté

La relocalisation des activités stratégiques telles que la santé, l’agroalimentaire ou l’électronique est présentée comme une réponse à la perte d’indépendance liée à la fragmentation des chaînes de valeur. Ces biens stratégiques représenteraient un cinquième des importations françaises, selon une étude récente de PwC (PwC strategy&-CNA, 2020). Mais une telle « relocalisation » ne peut avoir de sens que dans une stratégie globale et même un périmètre étendu : la constitution de stocks stratégiques, la diversification et la régionalisation des chaînes d’approvisionnement depuis le Maghreb et l’Europe sont autant de leviers qui concourent à l’indépendance économique de la France, et sans lesquels les « relocalisations sèches » seront de faible secours.

Privilégier la localisation plutôt que la relocalisation

Relocaliser ne peut donc garantir ni la réindustrialisation ni l’indépendance économique. Le maintien de l’emploi et le développement d’activités dans des filières d’avenir offrent, eux, des perspectives bien plus prometteuses, notamment celles qui concourent à la transition écologique de notre économie. Ainsi par exemple, selon l’Ademe, 140 000 emplois ont été créés entre 2006 et 2016 dans les secteurs du transport, des énergies renouvelables et du bâtiment résidentiel (Ademe, 2019).

Pour quelles raisons une entreprise choisit-elle de produire en France et surtout d’y rester ? Là est la question essentielle. Les compétences de la main-d’œuvre, la qualité de sa formation comme celle des infrastructures, l’efficacité des écosystèmes locaux, le cadre réglementaire et fiscal… sont et ont toujours été les ingrédients primordiaux de la résilience de notre tissu industriel.

 

Sonia BELLIT

Sonia Bellit

Docteure en économie, Sonia Bellit est cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie. Ses recherches portent sur l’emploi, les politiques industrielles et l’industrie du futur.

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Caroline Granier

Docteure en sciences économiques, CAROLINE GRANIER est cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie et coordinatrice des activités de l’observatoire des Territoires...

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Caroline Mini

Caroline Mini est ingénieure des Ponts, docteure de l’Université de Californie à Los Angeles, et anciennement consultante chez Accenture. Elle a rejoint la Fabrique en 2018 en...

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