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Qui est vraiment menacé par l’automatisation ?

Le directeur adjoint du département économie du MIT explique pourquoi, avec l’automatisation, les postes à hauts salaires et hautes qualifications ainsi que ceux à bas salaires et faibles qualifications continuent de progresser, au détriment des autres.

Excellent papier de David H. Autor, directeur adjoint du département économie du MIT. Il aborde un sujet (re)devenu brûlant : l’impact de l’automatisation et de l’information sur l’emploi. Ce faisant, il apporte une réponse intéressante à une autre question que se posent les Américains au sujet de ce qu’il est convenu d’appeler la « labor market polarization », à savoir la croissance simultanée des postes à hauts salaires et hautes qualifications et de ceux à bas salaires et faibles qualifications, au détriment des autres.

L’article rappelle que l’idée d’un impact négatif de l’automatisation sur l’emploi, qui resurgit actuellement tel un vieux serpent de mer, est une croyance récurrente qui s’est toujours révélée inexacte à moyen et long terme. Il contient également deux idées fortes.

La première est que l’automatisation et l’informatisation ont deux effets. Le premier, toujours évoqué, est celui du remplacement du travail humain par la machine. Le second, très sous-estimé, est pourtant le plus important : l’évolution du travail humain permise par la complémentarité homme-machine. Epaulé par l’outil automatisé ou l’ordinateur, l’individu en fait plus, le fait mieux ou le fait plus vite. Par exemple : lorsqu’il utilise un bulldozer plutôt qu’une pelle ou un tableur Excel à la place d’un crayon et d’un papier.

La seconde idée s’appuie sur le paradoxe exprimé en 1966 par le penseur hongrois Michael Polanyi : « nous connaissons plus que nous ne pouvons dire. » Cette « connaissance tacite », accessible notamment à n’importe quel jeune enfant, ne peut être codifiée ni formalisée. Par exemple, n’importe qui sait reconnaître immédiatement une chaise mais l’apprendre à un ordinateur est un défi quasi impossible. Ce type de connaissance est donc, à l’heure actuelle, largement inaccessible à l’informatisation.

Pour Autor, il y a donc deux types de tâches extrêmement difficiles à automatiser. Au-delà de celles qui réclament un haut niveau de connaissances, d’adaptabilité et de créativité, il faut aussi compter avec celles, très basiques, qui s’appuient sur la connaissance tacite, le « bon sens ». Seules les tâches de routine, répétitives, se prêtent bien à l’automatisation.

Voilà donc de quoi expliquer la « polarisation ». Les travailleurs très qualifiés continuent de prospérer non seulement car ils sont dans le premier de cas de figure – haut niveau de connaissances – mais en plus parce qu’ils bénéficient à plein de l’automatisation « de complément » qui améliore significativement leurs performances. Comme, de surcroît, l’offre de leurs compétences est très peu élastique (il faut un temps significatif pour former de nouveaux travailleurs de ce type), ils voient leurs salaires se maintenir ou augmenter.

A l’autre extrême, les travailleurs les moins qualifiés effectuant un travail basé sur la « connaissance tacite » ne peuvent être remplacés par un automatisme. Ils ne peuvent toutefois que rarement bénéficier de la complémentarité homme-machine. Leur activité ne craint rien mais, dans ce cas, l’abondance de main-d’œuvre conduit à une stagnation voire une régression de leurs salaires.

Ce sont donc les autres, les travailleurs intermédiaires, effectuant des tâches de routine à faible valeur ajoutée, qui subissent et subiront de plein fouet automatisation et informatisation. A mesure que l’informatique progresse, leur travail devient de plus en plus facile à transformer en algorithme et les machines n’ont donc aucune peine à prendre leur place.

L’auteur, enfin, prend le contrepied de la thèse exprimée par ses collègues du MIT, Andrew Mac Afee et Eric Brynjolfsson dans leur livre à succès Race Against the Machine. Autrement dit, il ne croit pas à une explosion fulgurante des capacités des ordinateurs, via les techniques de machine learning en particulier, qui leur permettraient rapidement d’acquérir ces fameuses « connaissances tacites » si bien maîtrisées par les humains.

David Autor, se situe ainsi clairement dans le camp de ceux qui pensent qu’à terme, les apports de l’automatisation compenseront largement, en termes d’emploi, les impacts négatifs actuellement constatés. Il écrit en particulier : « depuis longtemps, l’histoire est pavée de grands penseurs qui surestiment la capacité de remplacement de l’homme par les machines et sous-estiment leur formidable capacité à enrichir son travail. »

 

Franck Barnu

Après des études de physique, Franck Barnu s’est dirigée vers la presse industrielle et technologique. Comme journaliste, il a en particulier suivi le domaine des technologies...

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