Réaction d’Agnès Paillard à la note « A quoi servent les filières ? »

L’approche filière : L’aéronautique et l’espace sont des secteurs très structurés pour répondre à une telle démarche.

L’aéronautique et le Spatial sont organisés depuis de nombreuses années en tant que filière grâce à une implication très forte des dirigeants de toutes les grandes entreprises et ETI du secteur au sein du GIFAS. Depuis que des politiques en filière ont été mises en place, il n’a pas été difficile de rassembler les acteurs appropriés dans les différentes régions concernées et d’écrire une feuille de route dont les chapitres techniques étaient pour partie architecturés comme les programmes européens dont nous sommes très familiers.

Aerospace Valley a bénéficié de cette dynamique lors de sa création et de son développement avec une mobilisation aisée des grands groupes mais une certaine difficulté, au début, à faire adhérer les PME. D’une part parce que les PME dans leur grande majorité n’étaient pas habituées à ce type d’organisation collaborative dont les perspectives marchés leur paraissaient souvent trop incertaines et d’autre part parce que du point de vue des grands groupes l’utilité d’intégrer des PME, qu’ils connaissent mal, à ce stade du développement des projets ne leur sautait pas aux yeux.

Ces points ont un peu progressé, du coté des PME comme du coté des grands groupes. Il faut notamment souligner que les relations créées entre les équipes des PME et les centre de R&D ou bureaux d’études des grands groupes à l’occasion des projets de R&D a induit des relations de confiance entre ingénieurs que les relations commerciales avec les acheteurs permettent moins.

Du coté des PME il subsiste des résistances sur :
La protection de leurs innovations : certaines d’entre elles préfèrent garder les bonnes idées qui naissent au cours d’un projet collaboratif redoutant le rapport de force vis-à-vis du grand groupe.
Le risque d’une désillusion sur les perspectives marchés : le temps de maturation des projets dans notre secteur, lié à la certification des produits et au fonctionnement en programme rend les débouchés commerciaux très incertains et les PME de nature prudentes et aux ressources limitées hésitent à se lancer.

Du coté des grands groupes :
La stratégie de diminution du nombre de fournisse ne laisse aucune place à la découverte de PME innovantes et donne ainsi peu de chances à des start up de faire reconnaitre leur savoir faire et par conséquent de faire croitre leur chiffre d’affaires.

L’approche filière a permis une  meilleure prise en compte des spécificités de notre secteur par les pouvoirs publics et a ouvert de nouvelles opportunités de soutien.

La mise en place des pôles de compétitivité puis celle du PIA ont ouvert de nouvelles lignes budgétaires permettant de soutenir des projets collaboratifs visant l’amélioration de  la performance industrielle. C’est le cas des actions collectives AEROLEAN’K, COMETES ou AEROTRADE.
Les Régions ont également lancé des appels à projets sur des points forts de leurs territoires : DRONES (Cluster AETOS), ROBOTIQUE, AVION + ELECTRIQUE, APPLICATIONS SPATIALES (Appel à Projets Laperouse, et Cluster TOPOS), MAINTENANCE.
Nous soulignons aussi une bonne compréhension des spécificités de notre filière notamment des temps de maturation technologiques et du contexte de certification qui obéissent à des rythmes et des règles propres bien différents de ceux du numérique ou de la santé. Ces contraintes ont un impact important sur les couts de développement et sur l’appréciation de l’éloignement du marché de nos projets qui sont généralement bien pris en compte.

En revanche, il résulte de cet alignement en filière de tous les sponsors publics une certaine confusion dans les procédures voire une concurrence entre les services.
Il peut arriver que les CSFR soient très consensuels ou bien qu’ils fassent apparaitre des superpositions voire des contradictions dans les missions de l’Etat et de celles des collectivités.
Lors de la mise en place des projets du PIA, les différents services en charge de mettre les projets en place avaient parfois des divergences de points de vue ainsi que des interprétations différentes des règles européennes, ce qui a pu retarder la mise en place de certains d’entre eux.
Enfin on soulignera que les comités stratégiques de filière nationaux appliquent des procédures de labellisation dont les règles de sélection des dossiers sont mal comprises.

L’approche filière a ses limites et doit être complétée par une approche par les Key Enabling Technologies pour lesquelles les innovations seront déterminantes pour l’avenir de notre secteur.

Les produits du futur dans l’aéronautique et le spatial seront très largement nourris des innovations issus KET : systèmes embarqués (électroniques et logiciels), matériaux multifonctionnels, capteurs, robotique et cobotique, interactions hommes systèmes, systèmes de navigations, simulation et calculs haute performance, stockage de l’énergie.
Dans le contexte concurrentiel fort que connait notre secteur il est important que ces technologies transverses soient inspirées des secteurs économiquement contraints afin que les solutions retenues puissent contribuer à la frugalité indispensable à notre compétitivité.

Retrouvez la note « A quoi servent les filières ? » en cliquant ici.

Agnès Paillard

Diplômée de l’ESPCI, Agnès Paillard est depuis 2011 présidente du pôle de compétitivité mondial AEROSPACE VALLEY consacré à l’aéronautique, l’espace et aux systèmes embarqués,...

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