Parcours de travailleurs dans une économie mondialisée

La question de savoir qui et combien sont les actifs « gagnants » et « perdants » de la mondialisation n’est pas scientifiquement close. Une manière d’y répondre est d’étudier le parcours des salariés licenciés pour des raisons économiques, selon qu’ils proviennent d’un secteur directement exposé à la concurrence internationale – l’industrie manufacturière ainsi que certains secteurs des services – ou au contraire d’un secteur qui en est abrité. C’est le propos de cette note.

Les avantages économiques de la mondialisation sont solidement établis : elle est associée à la croissance économique, à l’augmentation de la productivité des firmes ou encore à l’élargissement de l’éventail de produits accessibles aux consommateurs. La mondialisation joue peu sur le volume global d’emplois à long terme, mais les économistes admettent qu’elle ne bénéficie pas à tous les travailleurs : elle crée des gagnants et des perdants. L’intensification du commerce international, au même titre que l’essor des nouvelles technologies, contribue à la hausse des inégalités salariales et modifie la structure de l’emploi. En outre, du fait de la concentration géographique des activités exposées à la concurrence internationale, les effets négatifs de la mondialisation peuvent être concentrés sur un petit nombre de territoires et d’individus, ce qui les rend très visibles.

Cette note s’intéresse au parcours des individus licenciés à la suite de la fermeture de leur site en France entre 1998 et 2010. Parmi eux, on trouve majoritairement des hommes, des jeunes et des travailleurs faiblement, voire moyennement qualifiés. Contrairement à une opinion répandue, le taux de licenciement économique dans le secteur manufacturier, très exposé à la concurrence internationale, est plus faible que dans les services exposés et surtout le secteur abrité. Autrement dit, le repli de l’emploi dans le secteur industriel ne s’explique pas tant par le fait qu’on y ferme plus d’entreprises que par le fait qu’on y crée moins d’emploi.

Les salariés licenciés de l’industrie ont en revanche une probabilité plus faible de retrouver un emploi. Ils souffrent également d’une baisse de salaire plus importante et plus durable dans leur nouvel emploi. Cette différence est en partie due aux caractéristiques sociodémographiques des travailleurs mais il existe également un effet spécifique au secteur manufacturier. Ce dernier s’explique par la concentration géographique des activités de ce secteur et par la spécificité du capital humain de ses travailleurs. La première rend plus difficile ou plus coûteux de retrouver un emploi dans la même activité, en raison de la distance séparant les sites de production. Les individus licenciés de l’industrie doivent plus souvent que les autres faire un choix entre changer de région et changer de secteur, ce qui présente toujours un coût et freine leur retour à l’emploi. La spécificité du capital humain des travailleurs de l’industrie, quant à elle, rend leurs compétences moins transférables et aggrave les pertes salariales dans leur nouvel emploi.

Cette représentation est corroborée par les faits : pour retrouver un emploi, les travailleurs licenciés du secteur manufacturier sont plus souvent amenés à changer d’activité (57 % contre 36 % pour ceux du secteur abrité) et de métier (49 % contre 37 %). Lorsqu’ils changent de secteur, les travailleurs de l’industrie subissent également une baisse de revenu plus importante dans leur nouvel emploi (-35 % contre -26 % pour ceux du secteur abrité), marquant la faible transférabilité de leurs compétences. Nous montrons également que 40 % des salariés licenciés du secteur manufacturier sont réemployés dans le secteur abrité, le plus souvent dans des emplois dits de proximité, plus précaires et moins qualifiés que les postes des salariés qui restent dans l’industrie.

Ces résultats alimentent le débat sur l’aide à apporter aux perdants de la mondialisation. D’une part, ils justifient les politiques de compensation salariale ciblant les individus les plus vulnérables, victimes d’un « choc commercial ». D’autre part, ils confirment la nécessité d’améliorer les politiques de formation pour permettre aux travailleurs licenciés de retrouver plus facilement un emploi dans les activités en croissance.

Cet ouvrage s’adresse aux chercheurs, dirigeants d’entreprises, décideurs publics ou encore aux étudiants, désireux de bénéficier d’un éclairage sur la situation des travailleurs licenciés dans une économie mondialisée.

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