Comprendre le recul de la compétitivité française à l’exportation

L’enquête « Compétitivité » de COE-Rexecode

Le recul de la compétitivité française à l’exportation à l’œuvre depuis plus dix ans fait désormais consensus. Elle concerne l’ensemble des secteurs d’activité. Si elle s’observe également dans les échanges internationaux de services, c’est l’industrie qui en pâtit le plus du fait de sa forte ouverture relative à l’international.

Le constat fait l’unanimité ; son explication, en revanche, nourrit encore un profond débat. Celui-ci oppose une explication de ce phénomène par les évolutions des prix et des coûts et une explication qui insiste sur l’importance des critères hors-prix de la compétitivité. L’objectivation de cette seconde branche de l’alternative apparait malaisée ; une enquête annuelle réalisée par COE-Rexecode apporte toutefois quelques éléments de réponse. Ses résultats conduisent à souligner que, loin d’être contradictoires, les critères prix et hors-prix s’auto-entretiennent pour déboucher sur une perte de compétitivité et une atrophie de la base industrielle.

Cette enquête « compétitivité » consiste à interroger les grands acheteurs européens – en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni – sur leur perception des produits qu’ils achètent à l’étranger. Une année après l’autre, l’enquête porte alternativement sur les biens intermédiaires et d’équipement ou sur les biens de consommation. L’édition de juin 2012 portait sur ces derniers, regroupés en quatre catégories : habillement-textile, équipement du logement, pharmacie-hygiène-beauté et agroalimentaire. Les importateurs sont interrogés sur leur perception des produits pour dix provenances (principaux pays européens, PECO, Asie, Chine et Japon) et selon neuf critères. Sept d’entre eux sont des critères hors-prix, un critère porte sur la perception du prix et un critère sur le rapport qualité-prix.

Deux idées fortes se dégagent de l’enquête 2012. Premièrement, les produits français sont positionnés au-dessus de la moyenne du marché en termes de qualité, de contenu en innovation, d’ergonomie-design, de notoriété, de services associés aux produits. Ils sont cependant moins bien classés en termes de délais de livraison, de variété des fournisseurs, de prix et de rapport qualité-prix. Deuxièmement, les produits allemands sont presque toujours en tête sur tous les critères et dans tous les secteurs, à la notable exception des prix des produits agroalimentaires.

Au-delà de cette photographie, l’évolution des résultats de l’enquête depuis douze ans apporte un éclairage complémentaire sur la position française. Le positionnement des pays en termes de qualité ou de contenu en innovation est plutôt stable dans le temps. Dans tous les secteurs, les produits allemands sont perçus comme étant de bonne qualité et moyennement chers. Les produits français sont quant à eux perçus comme étant d’un peu moins bonne qualité que les produits allemands. Ils devancent toutefois systématiquement les produits espagnols et italiens. Ils sont même leaders dans l’agroalimentaire.

En revanche, sur la perception des prix, l’appréciation des produits français s’est dégradée de plusieurs rangs dans tous les secteurs au cours des douze dernières années. Mécaniquement, la perception du rapport qualité-prix s’est donc, elle aussi, détériorée. Ce résultat d’enquête fournit une hypothèse robuste pour expliquer le recul constaté de la part de marché des exportations françaises. Le début des années 2000 paraît en effet marquer l’entrée dans un cercle vicieux, où une hausse des coûts – notamment relativement à l’Allemagne – a pesé sur le résultat d’exploitation des exportateurs et sur leur potentiel d’investissement. A terme, cette tendance pourrait donc peser également sur la perception relative du contenu en innovation des produits ou de leur qualité.

Un autre effet indirect est déjà perceptible : l’appréciation des produits français au regard de la variété des fournisseurs a elle aussi reculé aux yeux des importateurs. Cela illustre probablement le fait que peu d’acteurs ont pu consentir les efforts de prix nécessaires pour rester présents sur les marchés à l’exportation. C’est donc en partie par ce mécanisme que la perte de compétitivité débouche sur une contraction de la base industrielle française.

 

Denis Ferrand

Docteur en économie, Denis Ferand est Directeur Général de Coe-Rexecode depuis décembre 2008. Il est également directeur de la Conjoncture et des...

Lire la bio de l'auteur
Devenez contributeurs !

Vous avez des choses à dire sur l’industrie d’aujourd’hui (ou de demain) ? Pour réagir à nos travaux ou nous proposer les vôtres, écrivez-nous !

Devenir contributeur
Partager
Imprimer
Pour réagir